Du Tricky bien Trickotté
vejd
Tricky est un caméléon. Son Trip Hop aux multiples influences fait de lui un être inclassable. Ses rythmes lents, ses respirations engourdies et sa voix profonde soufflent à notre oreille un recueillement à la fois tranquille et lugubre. Cette mélancolie, telle une gorge étirée par la potence, il la chasse quelquefois d'un cri de révolte, lorsque sa tristesse s'épuise à se dévorer elle-même. Parfois, le chanteur se mue en femme, ne subsistant de sa complainte qu'une lointaine rémanence, afin de révéler un reflet, une anamorphose dans le chant d'une muse. Tricky ne s'absente jamais, mais apparaît sous d'autres traits. Sa musique coule dans des veines multiples, vibre dans des corps masculins et féminins confondus, mais s'écoule toujours sans coaguler et résonne en un pesant écho nuptial.
Avec son album Knowle West Boy sorti le 7 juillet 2008, Adrian Thaws propose un maillage plus serré et beaucoup moins spéculatif. La maîtrise ayant abouti à cet enfantement n'en réduit pourtant pas la flore et la faune créatrices. Tricky est animal et végétal, homme et femme dans des enchevêtrements plus nuancés, donnant à l'album une cohérence sous-tendue par l'alternance de frondaisons et d'effeuillaisons de joies où le bois du désespoir de l'interprète est vu dans sa fragilité et dans sa nudité. Puis, tout à coup, les beaux jours reviennent brutalement. À l'écoute de Knowle West Boy, les oscillations de notre cœur sont dessinées par ces battements dont Tricky est l'architecte.