Ecrits pornographiques (Moi, je dirais érotiques) de Boris Vian. (suite)
dark
Ecrits tel quel dans le texte.
La marche du concombre.
J’avais ach’té un beau concombre
Ben gros, ben long, ben vert
Et je revenais sans encombre
Du marché de Nevers.
Comm’ je transpirais sur la route
En portant mon panier
J’m’arrêtai pour casser la croûte
Au pied d’un peuplier.
V’la que j’déball’ mes p’tit’s affaires
Mon pain et mon couteau
Et l’bout d’lard que j’avais d’hier
Il était pas ben beau.
Crénom, que j’dis, si ma patronne
N’était point si rapiat
J’ai là des chos’ qui sont ren bonnes
Dans mon p’tit panier plat.
M’en voilà bentôt que j’soulève
L’couvercle de c’t’engin
Rien que d’voir ça j’ai eu la sève
Qui m’coulait sur le groin.
Pour sûr j’avais l’air d’un gendarme
Avec mon grand couteau
Car le concombr’ qui voit cette arme
Il éclate en sanglots.
Moi, pour vous dir’, je trouv’ ça drôle
D’voir ce bestiau pleurer
Mais voilà qu’i prend la parole
Et qu’il me dit pitié.
……………………………
Ma bell’ Suzon, soyez sensible
Et ne m’éventrez point
Car c’est écrit noir dans la Bible
Faut pas tuer son prochain.
J’vous assur’ que d’être concombre
C’est un sort affreux
Y a rien au mond’ qui soye pus sombre
Et qui soye moins glorieux.
On finit nos jours sur des tables
Coupés en ch’tits morceaux
Salés, poivrés, sort détestable
Pour l’estomac des sots.
Le dram’, ça vien d’not’ couleur verte
A fair’ tourner les sangs
C’est point normal, ça déconcerte
Et ça fait impuissant.
Vraiment, le sort est donc ben bête
Qui nous a fait verdir
Moi, j’en connais dans des braguettes
Qui n’ont point à pâtir.
Pourtant i sont parfois malingres
Ils sont point lourds ni gros
Ils ont la salive un peu pingre
Et la peau sur les os.
I s’cach’ le cul dans la broussaille
Et s’fourr’ le nez dans l’noir
Et c’est pas souvent qu’i travaillent
A peine un p’tit peu l’soir.
Mais c’est ceux-là qu’on les dorlote
Avec des noms d’oiseaux
On les taquine, on les chochotte
On leur bis’ le museau.
On les caress’ dans tous les sens
Afin d’les fortifier
Et on leur donn’ des bains d’jouvence
Pour mieux les fair’ pousser.
Si i regimb’ on les câline
On les caresse encor
Jusqu’à c’qu’i sing’ les aubergines
Tant qu’i sont roug’ et forts.
Et là quand i sont ben en forme
On les r’piqu’ dans des trous
Pour qu’i grandiss’ pus haut qu’des ormes
Sans s’fatiguer du tout.
Alors pendant qu’on tass’ la terre
En r’muant tout autour
Ces cochons-là i crach’ en l’air
Malgré tous les mamours.
Vous croiriez p’tête lors qu’on s’venge
A grands coups d’brosse à dents
Ou qu’on les batte ou qu’on les mange ?
On fait juste semblant !
Mais nous, qu’on est verts comme des arbres
Et qu’on est aussi beaux
Not’ sort attendrirait un marbre
On nous crève au couteau !
……………………………
En écoutant causer c’concombre
J’étais apitoyée
C’est vrai qu’son sort était ben sombre
I valait mieux l’noyer.
Comm’y avait pas d’eau sur la route
J’ai rel’vé mon jupon
Et j’me l’ai fourré dans les soutes
Crénom, c’que c’était bon.
Je l’ai r’tiré avant qu’i n’meure
Pour le récompenser
Et j’me suis r’mise à batt’ le beurre
Histoir’ de l’amuser.
Une heure après j’étais fort aise
Et le concombre aussi
Viens là mon gros que je te baise
C’est ça que j’y ai dit.
Et quand j’l’ai vu j’ai pas eu crainte
Qu’on l’mange au r’pas du soir
Car il avait pris une teinte
Rouge comme un homard.
Voilà l’histoir’ de ce concombre
Ben gros, ben long, ben vert
Que je ramenais sans encombre
Du marché de Nœud Vert.
J'aurai une lecture en retard. Aujourd'hui j'ai lu Boris Vian, tel que je ne le connaissais pas... et, ma foi, c'est fort bien troussé !
· Il y a plus de 11 ans ·garance--2
Héhé.. De l'éloge du concombre!
· Il y a plus de 11 ans ·Alain Le Clerc
Hummm! J'aime le concombre, mais je n'ai jamais essayé de les manger ainsi. Bien, de nous faire partager ces écrits de Vian. Merci Dark. Je partage.
· Il y a plus de 11 ans ·Yvette Dujardin