Elea

marie-jeanne

Il était une fois…

Il y a si longtemps que le temps n’était point car personne n’avait encore inventé les horloges.

Et dans un pays si lointain qu’il n’avait pas de nom….

Vivait une petite fille aux cheveux longs et frisés, brillant comme le feu sous les éclats du soleil. Elle se nommait Eléa.

 Un jour sa maman s’aperçoit qu’elle n’a plus assez d’allumettes pour allumer le feu .Elle juge  que désormais Eléa est assez grande et raisonnable pour aller s’en procurer seule.

« Attention Eléa tu ne dois pas toucher aux allumettes. »

« Non, non maman je te le promets. »

Il faut vous expliquer qu’en ce pays n’existent ni boutiques, ni monnaie.

La coutume est d’échanger un objet contre un autre de plus d’utilité. Ainsi l’on ne s’attache guère aux choses de peu d’importance et celles que l’on garde par affection n’en ont que plus de prix.

 La petite fille part donc, avance jusqu’au rivage, ramasse un coquillage de nacre blanche doucement courbé et transparent comme les fines broderies des napperons de sa grand-mère, puis elle se dirige d’un pas alerte vers une maison voisine.

Elle frappe, la porte s’ouvre, elle salue bien poliment :

« Bonjour, madame, pourriez-vous m’échanger ce coquillage contre une boite d’allumettes, s’il vous plait ?

« Ah !oui ! Il est très beau ton coquillage, merci, tiens voici tes allumettes » 

Eléa remercie et part en chantonnant. L’air est doux, il fait bon, un vent léger fait danser ses cheveux   devant ses yeux, tout à coup  elle pense au feu, elle a envie d’allumer une petite flamme.

Après tout maman ne s’apercevra de rien, les allumettes sont nombreuses et il n’y a aucun danger à en utiliser une.

Sur la boite vivement elle fait craquer le bâtonnet de bois, fixe la lueur, respire son odeur, ressent sa chaleur.

Instantanément elle voit sa maison chaude, la cheminée, le chat blotti dans son panier, les pommes de terre sous la cendre, les châtaignes.

Mais il ne s’agit pas d’un songe. Là au milieu du chemin, sa main caresse le chat, se brûle aux pommes de terre ; elle perçoit le crépitement des châtaignes, respire la suavité de leur odeur.

 Elle secoue l’allumette, en étouffe l’étincelle, efface la maison.

La stupéfaction est trop grande, l’émerveillement trop violent, pour ne pas se livrer à une nouvelle tentative, et puisque son souffle peut tout effacer, elle ne risque rien.

Alors dans son esprit prend forme l’image d’un…. dragon ! Depuis le temps qu’elle rêve d’en voir un, un vrai, monstrueux comme dans les contes de fées !

Elle pense qu’il apparaîtra dans la plaine et que pour l’observer sans danger, il lui faut s’abriter.

Vite, vite, elle escalade quelques rochers. Ils forment un cercle à leur sommet et enferment un petit lac.

Rapidement elle s’installe dans un abri moussu qui lui offre une large vue sur la vallée puis avec impatience elle imagine son dragon.

Ce sera  un terrible monstre cuirassé d’écailles formidables et vertes aux yeux jaunes et glauques lançant des éclairs. Son corps immense se terminera par une queue puissante balayant tout sur son passage.

       Elle est prête, elle craque son allumette, la flamme embrase l’air qui frémit ; la bête effroyable parait dans un bruit de tonnerre, crachant des fleuves de lave brûlante et rougeoyante, ébranlant le sol, détruisant les arbres d’un coup de queue implacable et sauvage, brûlant l’herbe, incendiant la forêt.

La petite fille terrorisée agite son allumette pour mettre fin à ce cauchemar mais fascinée par le dragon elle ne s’est pas aperçue que sa respiration énorme a déjà éteint l’allumette enchantée.

En tremblant, fébrilement elle en prend une autre, puis une autre, les fait crisser sur la boite, espérant qu’en les écrasant sous son pied, elle terrassera l’animal dévastateur.

Rien n’y fait, la fumée la prend à la gorge, la fait tousser, hoqueter.

Le vent lui apporte des feuilles, des brindilles calcinées et bientôt l’incendie l’aura rejointe.

Le feu qui lui a donné son pouvoir, devient à présent un ennemi invincible !

 Elle cherche une solution, elle réfléchit vite, très vite.

Toutes les forces de son esprit se tendent vers le lac, il faut qu’elle réussisse absolument !

Elle s’empare d’une allumette et l’eau s’élève dans les airs et se répand en pluie sur les terres dévastées, les forets carbonisées, noie la gorge incandescente du monstre.

Une seconde allumette trace dans le ciel un arc et une flèche qui atteint le dragon en plein cœur.

Ainsi meurent les rêves d’Eléa et le feu qui disparaît de ses cheveux.

A son retour il ne parait rien de son aventure et sa maman ne se rend pas compte que quelques allumettes font défaut.

Elle remarque seulement : « tes cheveux sont bien ternes aujourd’hui, ils ne flamboient plus au soleil. »

Eléa se demanda ce que savent vraiment les mamans. Peut-être sont-elles un peu magiciennes ?

Encore quelques années et à son tour elle saura…..

  • Madre mia... Je me l'aime moi ton Elea, j'aime ces écritures où les portes s'ouvrent et se ferment, celle-ci puis l'autre, vite ouvrant des imaginaires et quand toutes les portes sont fermées, une petite que l'on avait pas vue s'entrouvre pour laisser passer un souffle apaisé. Coup de coeur

    · Il y a plus de 12 ans ·
    Persopsy

    Jacques Lagrois

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