Elle et moi

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Nous entrons dans une boutique. Elle et moi. Nous ne nous connaissons pas. Elle et moi. Elle vient chercher un châle pour sa mère qui vieillit. C’est bien un châle contre la vieillesse. Cela cache la peau décharnée, la peau du cou plissée. Un châle réchauffe un peu les épaules qui tombent d’un dos trop voûté, un dos qui raconte les choses de la vie, ces petites choses toutes simples qui font que l’on approche les épaules de nos oreilles comme pour ne pas les entendre, et les oreilles de nos pieds, pour que la chute soit moins longue.

Si bien que si l’on vous offre un châle, vous êtes proche de la fin.

Moi je viens acheter un ensemble de satins pour  mon amour. C’est bien le satin pour l’amour.  Tout glisse sur le satin, les remords, les non dits et les mains jusqu’à ses seins puis encore jusque ses fesses. Bien qu’il n’est aucun rapport entre son séant et nos remords de ne pas tout avoir dit, les choses de l’amour ont tendance à mélanger semence, démence et clémence. Par fois révérence.

Si bien que si l‘on vous offre  du satin, on veut vous dire qu’entre nous c’est fini, restons amant.

Nous ne nous voyons pas. Elle et moi. 

Et moi et mon satin qui nous dévisageons. A-t-elle  la taille plus fine ?  La poitrine plus opulente ? Le cul plus bas ?  De la dentelle serait plus appropriée à notre amour. La dentelle, c’est plein de trous, plein de fils qui s’entremêlent, un qui part à droite, un autre à gauche.

Elle me frôle, nous ne nous touchons pas. Elle et moi.

Et moi avec ce string qui n’en peu plus de se pendre  entre mes doigts. 

Elle a trouvé son châle. Un châle marron en cachemire. Un marron bien triste qui va avec la vieillesse vieillissante de sa mère. Elle paye. Elle sort.

Nous ne nous connaîtrons jamais. Elle et moi.

Je trouve une culotte. Genre gaine. En lycra. Marron. Et je profite de l’occasion pour acheter un châle pour ma voisine. Elle organise une thé party pour ses 83 ans. Je crois que mon amour n’y sera pas.

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