Elles sont trois. Première chapitre: Clotho.

astrov

Elles viennent des Mythologies (grecque et romaine) mais sont bien réelles. Ces Créatures ont décidé de s'en prendre à moi, par caprice, curiosité, ivresse de Pouvoir ? Comment suis-je encore vivant ?
                            Première  rencontre:   CLOTHO.
J'y suis ! Sur le bateau !
J'en ai fait, des économies, pour réaliser mon rêve:  Aller de Venise à Corfou, en bateau.
D'abord, trois jours à Venise, seul (mais non, c'est pas triste Venise, seul !).  Beauté, musique, flâneries. Et puis, en cette fin de matinée, embarquement sur le ferry.  Une jolie cabine à ma disposition, pour les vingt-quatre heures de traversée.  En attendant le départ, bien installé dans le bar Première Classe (j'ai les sous !) je commande un scotch de bonne cuvée. La vie est tendre...
"Monsieur, ces sièges sont-ils libres ?"
 Une femme me sourit en montrant le fauteuil et la banquette tout près de moi.
"Vous êtes français, n'est-ce-pas ?"  Son accent ? Grec ?
Elle est vêtue avec classe et m'inspire un sentiment: "harmonie".  Je ne songe pas à lui donner d'âge. Belle, un peu austère.
Ma foi... En effet, ils sont libres.
Je me lève (Oui, j'ai reçu une excellente éducation), lui rends son sourire:  "Bien sûr, Madame, je vous en prie !"  Elle lance quelques mots dans une langue inconnue (à qui ?  Il n'y a personne autour de nous). Puis c'est à moi qu'elle adresse  des mots que je ne puis comprendre. Et, de nouveau, elle parle dans le vide, semble écouter une réponse, hausse les épaules. Enfin, elle s'assied.
Gêné par son regard qui me scrute, m'étudie, je demande: " Est-ce en grec que vous parliez ?"
"On peut dire cela. Belle langue ! Je parle du grec qui vivait il y a des  millénaires. Le seul. Vous ne l'avez pas étudié, Edouard ?"
Mon prénom... Elle le connait...  Dois-je être flatté, étonné, inquiet ?
Je choisis la deuxième option, avec un petit peu de la troisième.
"Madame... Vous savez qui je suis, alors que moi..."
De nouveau, elle parle, dans le vide, semble recevoir une réponse, éclate de rire et m'explique, comme une évidence:  "Je parlais à mes deux  Soeurs".  Ah bon...
" C'est un whisky que vous avez là ! Scotch ! Les belles boissons ont évolué au cours des millénaire."
Je saisis là une occasion de courtoisie séductrice:  "Scotch, oui. Permettez-moi, Madame..." et je fais signe au serveur.
"Volontiers.  Je m'appelle Clotho. Enfin, Clotho quand nous serons arrivés. Ici, pour le moment, je suis Nona."
Elle demande au serveur: "Je prendrai un scotch aussi, le plus âgé possible."
J'essaie de rester sur les rails et je remarque: " Vous changez de prénom, d'Italie à la Grèce !"
"Oui. Mes Soeurs aussi.  Nous n'avons que des prénoms. Votre cabine est la 24. La mienne est la 32."
Je perds l'initiative, là ! Tentons un peu de provoc:" Et celles de vos soeurs invisibles ?"
"Elles vous le diront elle-même. Edouard, vous songez donc à me séduire !" 
Ah oui, je perds vraiment la route... Et ça continue car elle affirme:
"Vous êtes très séduisant ! Bon, ce serait presque incestueux, mais les Cieux en ont vu d'autres."
Je m'étonne:  "Allons bon, Nona ! Incestueux ? Nous ne sommes pas de la même famille ? Je le saurais !"
"Vous ne pouvez pas savoir. Je suis à l'origine de votre Vie. Cela me plaît bien de venir, là, vous contempler. Comme une sculptrice qui a fini la première ébauche de son oeuvre !  J'ai le droit de te tutoyer !"
Elle m'irrite, maintenant, se moque de moi ? L'origine de ma vie, son oeuvre ? Je suis quoi, alors ? Une ébauche ? Je demande, assez violemment:
"Clotho..."
"Nona. Nous sommes en Italie. Pas encore à Corfou ! Vois-tu, Edouard, je suis une Fileuse, j'ai préparé le fil de ta vie. Ah, voilà mon scotch."
Son scotch, ma vie, le fil ?  Oh, ça commence à bien faire. Je grogne:
"Et comment se déroule mon fil, si je puis demander ?"
"Tu peux demander. Pas à moi.  A ma soeur Lachésis (enfin, Décima pour le moment).  Très  belle. Comme moi d'ailleurs."  Elle me chuchote en confidence:  "Toutes les trois, nous sommes vraiment attirantes."
Le ferry commence à s'éloigner du quai. La Fileuse boit une bonne gorgée de whisky et, très enjouée, me propose: " Alors, je l'appelle, Decima ? Qui sera bientôt Lachésis..."
Je finis mon verre d'un coup (ça réchauffe par où ça passe),  fais signe au serveur de m'en apporter un autre, et j'interroge:  "J'ai le choix ?"
"Ben non"
"Alors appelez !"
Elle se redresse dans son fauteuil,  prononce à voix basse quelques syllabes inconnues et m'annonce avec le sourire:  "Elle s'habille, et elle arrive.  Son truc, c'est le gin. Tu peux déjà  commander son verre.  Venise s'éloigne. Tu vas voir, gentil mortel, tous les quatre, nous allons faire une traversée divine !"
                                                                                  
                                                      A suivre au Chapitre suivant:  Lachesis.


L'illustration, c'est:  "Les trois Parques", un tableau de Marco Bigio (XVIe siècle).


 







    


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