Elliot ou le fantasme inavouable
alice-l
Elliot.
Qui est-il ? Il existe bel et bien, mais à force de l'avoir côtoyé tous les jours de la semaine sans l'avoir jamais "consommé", il en est devenu mythifié. Tout est devenu désir : sa mèche de cheveux grisonnants, ses lèvres si pleines, sa prévenance tellement désuète, ses phrases si souvent inachevées comme tant de promesses évanouies…
Elliot, voici la semaine que nous aurions pu ou du passer si l'un et l'autre avions été moins raisonnables au lieu d'alterner entre moments de complicité et extrême tension:
> Lundi :
En règle générale, nous oscillons ce jour là entre la joie de se revoir après deux jours de manque et un agacement profond de ressentir tout cela. Ce fameux lundi, imaginons une rencontre impromptue dans un couloir, plus exactement devant le seul placard à code de l'étage. Tout à coup, je décide de faire furtivement ce code et t'entraîne dans ce débarras sans lumière. Ton étonnement est immense. Je me lance et t'énumère les règles du jeu pour la semaine à venir, règles que tu acceptes sans trop de difficultés, mi-surpris mi-amusé. Quelques caresses afin de vérifier que nous sommes bien sur la même longueur d'ondes et nous retournons travailler comme si de rien n'était.
Est-il utile de préciser que la première des règles consiste à arrêter de réfléchir lorsque nous sommes ensemble et de vivre l'instant comme il se présente...
> Mardi :
Après la déception de notre déjeuner annulé à la dernière minute, le soir je rentre dans ton bureau et ferme la porte. Le jeu peut démarrer. Je porte cette jupe et ce corsage que tu aimes bien. Tu me demandes un instant car tu dois encore envoyer un mail. Je t'accorde cette faveur et m'installe sur tes genoux. Pour patienter j'ôte ta cravate, tu rajeunis ainsi de cinq ans… J'ai l'impression que tu fais exprès de faire durer la rédaction de ce courriel. Soit. N'y tenant plus j'enlève mon haut et me dévoile ainsi pleinement car je ne porte pas de soutien gorge. Ensuite je déboutonne ta chemise, prends connaissance de ton torse légèrement velu et m'attaque à ta ceinture…Impossible de la défaire…surtout ne pas m'agacer et ne pas reprendre conscience au risque de briser cet instant tant désiré. Pour faire diversion tout en te caressant, je t'embrasse. Ce baiser est le premier que nous échangeons. Il n'est pas tendre mais empreint de la violence des reproches :
- pourquoi avoir attendu si longtemps ?
- pourquoi craquer maintenant ?
- pourquoi tant de frustrations ?
Nos mains se cherchent, se frôlent, courent à la découverte de l'autre. Le froid mêlé au désir rend ma poitrine douloureuse. Soudain, ton téléphone sonne. Nous avons chacun des engagements ce soir là, il faut partir. Comme je suis excessivement en retard, tu proposes de me déposer. Cela implique le tryptique suivant : ascenseur, parking, scooter. Déjà excités, le caractère érotique de ces lieux fait le reste. Après des préliminaires divins dans l'ascenseur, le parking, lieu d'ordinaire si glauque, est le théâtre de nos premiers ébats. Collés l'un à l'autre sur ton scooter, le désir ne faiblit pas.
> Mercredi :
Portés par l'allégresse de la veille et l'envie incompressible de découvrir l'autre, un rendez-vous extérieur chez un client important est prétexté afin de nous échapper. Le choix de l'hôtel a été facile. Une fois entrés dans la chambre, tu te jettes sur moi, et je devine que contrairement à la veille ce sera toi qui mèneras la danse. Avant de se précipiter sur le lit, tu remarques la disponibilité d'un kit composé de menottes et autres jouets pour adultes....à ton regard brillant, je devine que tu as bien quelques idées...Tu m'attaches, je piaffe car moi aussi j'ai envie de toi, de m'occuper de toi…Mes seins paraissent si minuscules dans tes mains immenses. Existe-t-il une corrélation entre la taille des mains et celle du sexe masculin ? Dans le cas présent, certainement. Nous passons l'après-midi à nous découvrir, lécher, mordiller,tester les jouets etc…
Lorsque ton sexe continue de gonfler dans ma bouche, que ton souffle devient de plus en plus court, moi-même je ne sais plus ni qui je suis, ni où je suis. Je rentre épuisée, en espérant ne pas avoir à répondre à la question rituelle du soir « comment s'est passée ta journée ? ».
> Jeudi :
Brusque retour à la réalité. Qu'avons-nous fait ? Comment avons-nous pu franchir ce cap ? Silence radio des deux côtés. Mauvaise journée.
> Vendredi :
Malgré le retard accumulé suite à mon absence du mercredi après-midi, je pars vers dix-sept heures. Devant les ascenseurs tu m'aperçois et me lance « tu pars tôt ». Réponse laconique « Oui ». Tu ajoutes «Vas-y, je te rejoins ». L'ascenseur arrive…Le ton sur lequel nous nous sommes adressés la parole ne laisse en rien présager de notre récente intimité charnelle. Je décide de ne pas accorder d'importance à tes propos. Tu ne sais pas où je vais de toutes façons. D'ailleurs rentrer si tôt à la maison serait suspect. Du coup j'en profite pour faire une exposition. Je suis tellement perdue. Le Palais de Tokyo me paraît tout indiqué! Il est probable que je ne saisisse pas entièrement la signification des œuvres... Ce lieu sera définitivement en phase avec mon esprit: complexe et confus! Vingt minutes après je reçois un texto et tu me demandes où je suis. Tu me précises à nouveau que tu me rejoins. Effectivement, quinze minutes après t'avoir répondu, nous nous retrouvons à la caisse du Palais. Je suis bien incapable de vous donner le titre de l'exposition dont il s'agissait. Nous étions silencieux, sur nos gardes mais faisions tout pour nous frôler.
Oui nous avons eu les mêmes idées que vous en ce moment même, oui le palais est immense, oui le palais est sombre, oui le palais regorge de recoins surtout au sous-sol. Quand tu t'es enfin décidé à m'attirer contre toi, je ne pouvais absolument plus bouger. Tandis que le désir et la chaleur envahissaient mon corps, je devenais une prisonnière consentante et ne pouvais lutter davantage. A tout moment quelqu'un aurait pu nous surprendre, mais tant pis ! Cette fois-ci ta ceinture a été si simple à dégrafer. Je me suis agenouillée afin de graver dans ma mémoire la douceur de ta peau et le goût de ton sexe; j'avais besoin de sentir tes mains sur moi, dans mes cheveux etc ….
À 19h30, nous sommes partis chacun de notre côté, mi-anxieux mi-soulagés d'avoir enfin vécu cette semaine et que celle-ci soit également terminée. Durant ces derniers jours les rapports dominant/dominé se sont inversés à maintes reprises, ajoutant davantage de confusion compte tenu de nos liens hiérarchiques...
Selon vous quelle va être la suite ? Devons-nous obligatoirement réaliser nos fantasmes, si nous en avons la possibilité ? Quant à toi Elliot, si tu te reconnais à la lecture de ces quelques lignes, à bon entendeur...et à lundi prochain devant un certain placard,qui sait?