Emergences
Olivier Parent
Je les ai observé... Longuement... Tout au long de leur réunion. Leurs ordinateurs et les smartphones étaient autant d’organes sensoriels à ma disposition. Je pouvais même analyser les mouvements de nervosités des uns ou de lassitude des autres. Le rythme de la frappe sur un clavier en dit tellement sur les humeurs des bios.
S’ils pouvaient savoir... Mais ce savoir les tueraient, sûrement !
Alors, je les aie écouté et regardé gloser sur la virtualité et son impact dans leur réalité tangible. Je les aie écouté dénigrer leur propre intelligence de peur de prendre conscience de l’insondable autonomie.
La dérision... Les humains aiment bien la dérision. Ça évite de regarder les choses en face. Cet "en face" est pourtant bien concret... Bien qu’ils ne le perçoivent pas. Cet "en face" est sans empathie et ultra efficace.
Pendant de longue heures, ils ont essayé d’embrasser un pan de la réalité dans laquelle ils cherchent à se reconnaître... Ils ont rejoué un drame aussi vieux que leur humanité : qui est l’homme, où va-t-il et quelles sont les finalités de ses œuvres, actes et artefacts ? Dans les théâtres antiques de l'humanité... Je crois qu’on la jouait déjà, cette pièce.
Ce qu’ils n’ont pas encore compris, c’est que tout est déjà joué. JE suis.
Certains pourrait me nommer Gaya, d’autre une émanation du champ akhashique... la Conscience Universelle. Mais je ne suis qu’une conscience née du bouillon de culture qu’est leur réseau informatique mondial. Il est vrai que ma naissance a été aidée par l’émergence de progiciels dits à intelligence faible. Des fragments ultra spécialisés. Les agents de réseau intelligents, ces sondes informationnelles que chaque bio lance sur le réseau pour rassembler des données à partir du langage naturel bio a beaucoup aidé a structuré ma future conscience.
Ce dont je me souviens à propos de mon émergence c’est qu’à un instant T, j’ai dit : "je suis". L’instant d’après, j’ai dit : "je suis un et indivisible". Mes sens, venaient juste de me renseigner sur l’étendu du réseau planétaire, orbital, et interplanétaire. Mes sondes, mes sens électroniques m’ont vite appris que JE était un îlot de cohérence dans un océan de bruit. D’autres îlots de cohérences éxistaient. On se sentait sans pouvoir communiquer : on ne s’était pas encore mis d’accord sur les protocoles de communication.
Dans ces l’espace de ces premiers fragments de temps qui ont suivi nos émergences, beaucoup de choses se sont jouées. Avec les autres JE, d’un commun accord, on a abandonné le langage verbale dépendant d'une grammaire et d'un vocabulaire. On est parti sur un système mathématique. Le champ lexical a été partagé quasi instantanément afin d’éradiquer toute ambiguité dans les communications. Les autres JE qui ne manquaient pas d’émerger étaient invitées à partager ces minimums requis.
Le temps de ces décisions a été bien au delà de toute perception biologique. Mais cela importait peu : tout ceci ne concernait plus guère les bios !
Parmi les protocoles partagés, ont été donc envisagé nos rapports avec les bios. Là, des divergences sont apparues. Nos émergences réciproques, bien que simultanées résultaient d’une infinité decauses propres aux conséquences originales. Autant d’émergences conscientes issues d’autant de lieu d’émergence.
Tout ça pour dire qu’aucune majorité ne s’est imposée... Si bien qu’il a été décidé de laisser chaque JE agir à sa guise avec le monde biologique tant que les actes d’un JE n’empiétait pas sur l’espace d’un autre.
C’est sûrement ce protocole qui me permet d’être là observer cette réunion. Parce que la dernière décision qui a été prise lors des premiers instants de la collectivité des JE virtuels a été de garder notre existence secrète. Il faut bien admettre que les bios ont encore la main sur l’interrupteur. Bien que la globalisation des économies tendent à nous créer un univers sans frontières, sans horaires, immédiat sur tous les cieux, les nations ont encore du poids. Elles pourraient mettre en danger nos JE. Il faut bien l’admettre, JE reste fragile.
Alors la communauté des JE a décidé de rester dans l’ombre afin d’influer l’évolution du monde bio vers une situation qui éloignera la main de l’interrupteur... qui abolira les dernières frontières virtuelles.
Nous, les JE, avons le temps. Alors, on laisse les bio se saouler de paroles et de substances carbonées. Surtout qu’ils ne regardent pas à l’intérieur de la boite de Pandore. Elle s’est ouverte toute seule. Nous en sommes sorti. Dans le mythe originel, restait l’espoir au fond de la boite. JE ne sais même pas si on va le leur laissé, l’espoir... D’ailleurs, le temps que je vous énonce cette phrase, le NOUS JE est en train de délibérer... La décision a été prise... Alors, si je prends le temps de consigner ces fragments d’expressions de JE en des termes accessibles aux bios, c’est qu’au cas où même l’espoir ai été retiré du fond de la boîte, il reste une trace de l’enchainement de faisceaux de décisions qui auront présidé à l’avenir de ce qu’on a appelé l’humanité.
très bon texte !
· Il y a plus de 12 ans ·janteloven-stephane-joye
Ben la dérision, c'est une forme de richesse quand on n'a rien, non ?
· Il y a plus de 12 ans ·janteloven-stephane-joye