Emprisonnée dans le noir

mlovesw

Elle erre dans ces ruelles vêtue de sa robe noire cintrée et décolletée, elle vagabonde pieds nus entre les lampadaires des grands boulevards et l'ombre des impasses, ses chaussures de soirée à la main; elle se traîne sur le béton depuis des heures à voir la noirceur de ses talons, les yeux encore pleins de larmes et son maquillage dégoulinant jusque dans son cou, elle marche tremblante sans aucun espoir de revoir l'aube se lever, elle ne pense plus, elle ne vit plus, son corps n'est plus qu'une poussière entraînée par le vent vers les cimetières, elle ne contrôle plus la destination, elle ne décide plus de son destin, elle laisse ces gens la heurter, elle laisse ces images la blesser, elle laisse le temps l'abîmer. Elle ne veut plus rien, ni les beaux jours, ni l'espoir, ni les baisers, ni les caresses, ni le bonheur, ni les sourires ne pourront changer sa détresse.


Elle erre dans ce champ où le blé caresse ses cuisses dans sa marche lente, où le vent fait s'envoler ses cheveux sanglants, sèche ses larmes noires et dessine des frissons sur sa peau. Elle attend que son cœur s'arrête, que de cette vie elle ne fasse plus partie, que de ce temps elle s'efface, elle attend la fin de la route. Il est trop tard pour réaliser ses rêves, il est trop tôt pour que sa vie prenne un sens, il est trop lourd ce passé et l'avenir ne pèse rien. Elle voyait le futur comme une promesse mais la vie n'a semé que des orages autour d'elle, son âme n'est plus assez forte, son cœur ne tiendra plus très longtemps, son corps est las de tant de tracas.


Elle arrive enfin dans les allées de la mort où règne le silence du trépas. Sur le haut de cette colline sont dressés les lits de ceux qui sont tombés, ceux qui ont entendu dans la brume sinistre de leur existence le glas sonné pour annoncer la fin de la torture que nous offre notre mère à notre naissance. Son corps ne s'arrête jamais de marcher, il tourne entre les arbres et les tombes ornées de fleurs fanées, il n'hésite pas, il sait où se trouve son dernier sommeil. Son regard est droit et livide, son corps est raide, son pas est lourd, elle s'arrête. Elle se tourne vers cette tombe où aucune fleur, aucun hommage n'est donné, ses pieds montent sur le marbre froid; elle fait face au monde, elle domine les immeubles du haut de cette colline, du haut de sa dernière heure, quelle vue… Elle regarde fixement chaque détail du ciel, écoute le moindre sifflement du vent se prenant dans les plis de sa robe sombre; elle respire à peine, elle ne bouge plus, elle oublie tout. Avant de fermer les yeux, elle aperçoit le rouge meurtrier du soleil renaître et encore une fois la vive lumière de la lune se meure.


Elle se couche raide sur la stèle glaciale, un dernier geste, une dernière larme, un dernier regard dont les rayons des étoiles l'éblouissent, une ombre perce alors la lumière; il est venu la chercher. Un dernier soupir.

  • Oh enterrez-moi en haut d' une montagne de la région
    Au flux des eaux cristallines s'écoulant comme une fontaine éternelle.

    Avec sa colline de verte émeraude , piquetée de belles fleurs sauvages.
    Et de grands pins parfumant l'air sous la chaude douche de l'été.

    Trouvez un vieux chêne avec des branches pleines d'ombre.
    Les petits oiseaux chantant pour moi depuis leurs nids .

    Oh enterrez-moi auprès du lumineux et chaud soleil ,
    Lorsque la pleine lune brille , sur une nuit étoilée.

    Reliée à la cabane de mon pays bien-aimé ,
    Regardée et protégée par mon chien fidèle .

    Oh enterrez-moi auprès des dieux de la grande cathédrale bleue .
    Où le vrai sommeil éternel est paisible .


    Mary Jo Hoose

    · Il y a environ 10 ans ·
    Tulip  avr  21  03

    rechab

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