En fait, je m'ennuie.

Un p'tit bout d'chagrin dans ma s'melle, un caillou pointu dans ma chaussure, une crampe au saut du lit, enfin « saut du lit » c'est une image, si vous saviez, au bout d'à peu près une heure et demie, je commence à peine à relever les paupières, pour voir enfin combien la vie est précieuse.

La salle de bains est comme une chambre froide, si j'allume les radiateurs électriques, c'est une autre douche qui m'attend à la fin du mois.

La plupart du temps je m'emmerde, n'ayant à m'occuper que de moi, j'en ai vite fait le tour.

Chacun s'occupe, dit-on, à de petites choses, pour moi, ces « petites choses » sont des corvées.

La télé ou le net, ben c'est pas ça, heureusement qu'il y a toujours la musique, que des trucs que j'aime, j'ai mis des années à enregistrer ma bibliothèque

La lecture c'est par période, comme le dessin, la peinture, la guitare, le piano.

L'aventure, les voyages, les sorties, le sport, les amis, la famille, le sexe, bon j'ai fait une croix sur tout c'la.

Tout le monde ne s'appelle pas Montaigne ou Rousseau, ou Pascal ou Patrick Sébastien, j'aligne mes pensées sur le carnet de courses, pour ne pas oublier l'essentiel : mouchoirs, papier-toilettes et autres.

Pour le whisky et le pastis, pas besoin, y a quand même des trucs qu'on oublie pas.

Mes frangins-frangines vivent quelque part, sur une planète où je me demande si j'ai jamais eu de droit de séjour.

Mes parents sont bien vieux, mais c'est compliqué, ayant toujours été la cinquième roue d'une charrette plutôt moyenne avec le recul.

De toute façon, entre les enfants, les petits et les arrière-petits, ils n'ont pas à se plaindre, ça me permet de moins culpabiliser.

Le noyau originel ne dure qu'un temps, après ça pollenise au hasard, pardon pour le pléonasme.

Je gagne bien ma vie, je pourrais m'empiffrer comme un cochon, le problème c'est que ça me dit rien.

J'ai changé de boulot pour trouver enfin un poste où l'ambiance est super, il aura fallu toute une vie de galère, enfin après l'enfance, l'adolescence et le sursis des années d'études, pour trouver le Graal sur mes vieux jours.

J'y resterai le plus longtemps possible, car la retraite, sans les primes et les annuités qu'il faut, c'est la misère assurée.

Comme tout ce que je mets de côté passe dans mon épave, enfin ce qu'on appelle une voiture, autant vivre avec cette idée que l'on peut s'empiffrer, même si on en a pas envie.

J'entends d'ici les jugements lapidaires des donneurs de leçons.

La vie est bien plus compliquée !

J'ai beaucoup trop donné, dans tous les sens du terme, je n'attendais rien en retour c'est sûr, mais je ne m'attendais pas à tant de raclées au fil des ans.

Certains me disent : « Pense à toi, fais-toi plaisir », ou autres, ça ne me fait pas vraiment aller de l'avant, on ne pense pas à soi, on essaie de vivre à peu près sereinement.

Il y a la Préhistoire, et la période pré-boulot, peut-être que ça parle à certains.

Il y aurait tant à dire à ce sujet. On peut bien en faire des tonnes ou des tomes, et là je suis sûr que ça parle à beaucoup, car je parle de la jeunesse et de l'insouciance ou de la possibilité d'un rêve, pour tordre le bras à l'autre facho, que je parodie sans joie.

Il faut bien fermer le store et se résoudre à mettre les radiateurs en route, quand sur les couches de pulls on en vient à mettre le manteau.

J'ai trop donné, j'ai rien reçu, pour détourner cette fois les paroles du grand Serge, que j'admirerai toujours.