En gare de Langres

Julien Darowski

La suite des aventures de Raymond et Ginette...

Ma chère Ginette,


Je suis à bord du train, rassurez-vous, j'arrive !
J'ai bu un martini blanc avec une olive,
Je ne tiens plus debout, mais je ne suis pas saoul !
Tout tremble : mes mains, mes jambes et mes genoux.


Je transpire, j'ai peur que vous soyez déçue...
Voilà que j'en oublie le nom de votre rue,
Un zèbre, une tortue, c'était un animal...
Rue de la jument, oui, non, plutôt du cheval !


Ah oui ! Voilà, c'était rue de la belle biche !
J'avais cuisiné pour vous, une bonne quiche,
Elle a fini brûlée, mais ne m'en voulez pas,
Je suis quelque peu gauche et souvent maladroit.


Dans ma poche, toujours avec moi, votre lettre,
J'ai comme l'impression de déjà vous connaître.
Vous êtes un soleil, un éblouissement,
La lumière inouïe des matins de printemps.


Quand vous apparaîtrez de derrière la porte,
J'imagine vos yeux et l'émotion m'emporte,
Ce jour tant attendu arrive et, avec lui,
Notre premier baiser, notre première nuit.


Ma Ginette adorée, la chose est délicate...
J'ai un aveu, cela concerne ma prostate,
Ne soyez pas vexée si je suis un peu lent
Et, surtout, si je vais aux toilettes souvent.


Nous sommes arrivés, je descends, mon alouette,
L'hiver touche à sa fin, voilà le train s'arrête,
Les gens se lèvent tous, c'est un capharnaüm,
Si seulement j'étais champion de slaloms !


Je me fraie un chemin à l'aide de ma canne,
« Poussez-vous, je suis là pour faire un don d'organe !
Je crie, je me débats, voilà un contrôleur :
- Monsieur, restez assis, vous êtes en sueur.


- Non, je suis attendu, il faut que je me presse,
Fichtre, diantre, poussez donc vos énormes fesses !
- Calmez-vous, s'il vous plaît, et ne m'insultez pas
Car la sortie est tout près, elle est juste là.


- Eh bien ! dites à ces gens qu'il faut que je sorte,
Mon cœur est fragile, un souci avec l'aorte.
Et le voilà faisant retentir son sifflet.
- Faites intervenir un docteur, un pompier ! »


Tout tourne autour de moi, et je vois des étoiles,
Ginette, mon trésor, ma fleur au cent pétales,
Je serai en retard, mais je viendrai, promis,
Je ne vis que pour vous, ma petite souris.


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