EN PANNE

Calame Scribe

Et pourtant, j'écris...

Nulle phrase ne se dessine dans les feuilles mortes que j'ébouriffe du bout de mes chaussures.

Sous les gouttelettes de ma douche, aucune histoire ne coule sur mon visage.

Les vagues qui se retirent sont muettes, leur musique s'est tue.

Le soleil couchant n'enflamme plus les mots qu'il m'inspirait.

Mes insomnies sont stériles, mes nuits habitées de rêves inutiles.

L'encre a séché aux vents mauvais de mon ennui.

Et pourtant, j'écris.

 

Mes textes sont des devoirs imposés, nulle spontanéité n'y transparaît.

Sans que j'y prenne garde, l'élan s'est envolé.

Que dire de plus que ce qui a déjà été écrit ?

Ma plume est lasse des mots que je trace sur le papier.

Et pourtant, j'écris.

 

Trop de colère a tué ma révolte, quand j'écris, je ne crie plus.

Blasée je me réfugie dans un récit anodin.

A quoi serviraient les mots rebelles qui se perdent dans les méandres d'un monde sourd.

Le cliquetis de mon clavier est désormais absent de la musique de mes jours.

Et pourtant, j'écris.

 

Je vois la jeunesse s'épanouir dans un univers que je ressens cruel pour elle.

Pourtant elle a foi en la Vie, confiante en l'Homme et en l'Avenir.

Je vois la vieillesse tourmenter ses victimes, l'attente est longue et cruelle.

Que dire ? Que faire ? Prier ? Je crains que Dieu ne croie plus en moi.

Et pourtant, j'écris.

 

L'amour est toujours là mais c'est une agréable routine,

La passion s'en en allée. Elle appartient à un autre âge.

Certaines images sont douces, je veux oublier les autres.

Les souvenirs appartiennent à un passé révolu,

L'avenir est un futur improbable qui, au vu de la génétique, risque d'être bien long à vivre.

L'inspiration me fuit, les mots m'échappent,

Et pourtant, j'écris.

 

Entre deux âges, entre deux mondes,

Mes bonheurs sont modestes, mes malheurs raisonnables,

En suis-je pour autant apaisée ?

Le courant est coupé entre mon stylo et le fil de l'inspiration.

Et pourtant, j'écris.

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