Epines

           Elle vendait des fleurs, des roses, des iris

            Des lilas blancs et des violettes odorantes.

            Elle était trop jolie et s’appelait Alice,

            Les hommes la courtisaient, elle était ardente.

            Toute l’année on la voyait sur le marché

            Où ses cheveux couleur de blé, ses yeux pervenche

            Et sa bouche vermeille éclataient de gaieté.

            Tous les jours elle s’habillait comme en un dimanche

            Et fichait à son corsage une marguerite.

            De sa voix claire elle interpellait les badauds:

            La vie, leur disait-elle, passe bien trop vite,

            Offrez-vous quelques fleurs, mes bouquets sont si beaux !

            Les vieilles achetaient sa jeunesse, les messieurs

            Sa fraîcheur ; même les dames au coeur pincé

            Ne résistaient pas à son sourire radieux

            Et lui prenaient quelques tiges de centaurées.

            Elle avait un Pierrot, elle était Colombine,

            Qui aimait son doux parfum et son teint de lys ;

            Elle était aimante mais un peu libertine

            Et offrait à tous ses lèvres d’amaryllis.

            Pierrot longtemps ferma les yeux, elle était fleur

            Et les hommes cueillaient cette belle ancolie.

            Mais un jour un trait plus violent perça son coeur

            Et l’empoisonna de noire mélancolie.

            Pour qu’elle ne s’échappa point il fit couler

            Sur sa gorge blanche deux filets d’amarante

            Puis appliquant sur son cou la lame effilée,

            Aux jardins d’Eden il rejoignit son amante.