Estime

mysteriousme

Petit traité d'amour propre

Dans mon pays, on ne s'aime pas.

Ce n'est pas ce que vous croyez.

Je m'explique.

Le système dans lequel on évolue encourage plus à l'auto-sabotage qu'aux auto-louanges.

A l'école, au travail, à la retraite, tu es mis en compétition en permanence. Parfois sur des disciplines ou des projets que tu ne maîtrises pas, où tu perds pied faute d'objectifs atteignables, ou encore des matières où ton cerveau n'a tout simplement pas prise.

Tu es comparé. Constamment.

Donc tu te compares.

Et tu es systématiquement plus mauvais qu'Untel, pire que toute une classe, affreusement moins bon que l'Univers.

Alors, gentiment, bercé par ton impuissance imaginaire, tu t'aimes moyennement.

Tu comptes sur les autres pour t'aimer.

Et ton ego met la barre haut. Très haut. Tout en haut de la plus grande échelle : celle qui décroche les étoiles.

Y'a du taf. Y'a du taf pour ceux qui t'aiment ou veulent t'aimer. Et pareil dans l'autre sens... Y'a du taf.

A force, le système t'épuise, t'éreinte, te pousse à bout. Tu viens à ne plus t'aimer du tout.

Burn out de saison, bore out de ta mission, brown out pour broyer du noir...

Parce que ceux qui t'aiment ont la mainmise sur toi, ou parce que tu te laisses aller par paresse ou par ennui ou par stress, ou parce qu'on te manipule... Va savoir !

Et tout ça, tu veux le compenser.

Cool ! Le système te le permet !

Alors tu accumules plein de trucs inutiles.

Et ton petit nid rempli de doux rêves ouatés et satinés devient un capharnaüm sale et désolant de matériel.

Tu utilises, ou pas, tu casses, tu jettes, tu rachètes. Tu ne peux pas réparer. Le système a tout prévu. Ca coûte plus cher que je racheter. Alors tu rachètes !

Tu es frustré. Tu n'arrives pas à tout compenser, à tout posséder. A faire comme dans les magazines.

Tu cours après l'artiche ! Et quand tes poches sont pleine, tu les vides. Enfin, elles se vident ! Parfois sans le vouloir, compulsivement, souvent à crédit.

Tu es fait comme un rat dans ce système.

Et c'est à ce moment-là que tu finis par céder, et par ne plus te respecter toi-même, et donc ne plus respecter ceux et ce qui t'entourent.


Violence verbale.

Violence physique.

Violence auto-immune.

Violence écologique.


Tu étais sur Terre pour chercher ton ikigaï : ton équilibre parfait dans un monde qui ne l'est pas (à première vue), dans cet Eden aux couleurs chatoyantes, à la faune et la flore luxuriantes, à l'amour universel... Et tu trouves son contraire. Tu perds tout équilibre : quotidien terne, regard vide, nature-décharge, sourires tristes...

Prise de conscience tardive. Envie de changer les choses. Besoin de changer le monde. It's too late!


Et le système de te rire au nez : "Tu n'avais qu'à t'aimer !"


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