Et j’écorne la vie comme un matador

ikonklast

Un air lourd, chargé, plombe au-dessus du Cirque humain. Les travées grouillent de visages dégoulinant d’ivresse. Les regards lubriques se braquent, incontinent, tout et va-et-vient. Au centre, l’agonie se donne en spectacle, le sang-mêlé dans la sciure laisse trace sans amalgame. Les  spasmes s’estompent court tandis que l’écho perdure dans les coursives. Sur la piste aux étoiles, brandit comme un trophée de foire Las Orejas, gloires éphémères.

ET puis revenir sur l’avant scène.

À l’écart, une pointe de mine en particule, un couloir en tranches de mie, s’étire en clé de voûte. Au bout, en contour, dans les gradins vermillon, la foule se distingue en silhouette. Les cris se font terreurs et résonnent en spirale. L’issue se dessine en certitude.  Plus j’en approche et peur au ventre, moins je souffle et clairvoyance. À mesure, la lumière s’intensifie, le bruit sourd de la corne sur les larges dalles usées contraste. Mes narines se dilatent plus mon crâne se déforme, je deviens furie.

Plus qu’un pas sur le fil, je cligne une seconde, apnée.

Dératé, je bondis dans l’arène, désorienté je ne sais où quoi faire. À contre, un élégant en panoplie, couvre chef en guise, trône sur ce Noble. La Puya, tête basse, s’incline pour son tour d’admiration. La foultitude se lève à son passage, entre ombre et lumière. La face prend forme. L’initiative m’engage, ruades et cavalcades, sans calcul, droit dans le viseur. Le choc se fait frontal. La pique d’acier s’enfonce plus que de raison entre mon cou. Les assauts se succèdent en sens unique, je vacille sans sourciller un peu plus à chaque fois. Sans choix, je m’use contre un mur. Au bout d’un temps de presque rien les claps de paumes supporte la monture et s’en retourne.

Aucun répit et pourtant, Les pantins corsetés fondent tout près tant et si loin. Désorienté, les salves s’abattent en déluge et banderilles. Les papiers de couleurs volent au vent et le frou-froutte me perce-neige, la douleur m’électrise. Chaque harpon me vide un peu plus. Le sang coule le long. Les tours à tours et passe passes, m’entame en filante. Haletant, souffle court et reprise.

Le fantomate aux pieds de verre effilé comme des aiguilles surgit d’antre. Vissé au centre de sa cour, il me nargue, cambré comme un arc boutoir. IL se déplace aussi précis qu’un fil de ferriste défiant les lois de l’attraction. Prenant grand soin de me tenir dans son dos, je sens son mépris en effluve m’assaillir de toute part et scruté en coin. La foule n’a d‘yeux ce soir, je suis son faire valoir.

 Passes de cape avant toute chose, une Véronique. À sa main, au plus près, sous ses esquives en volute, je peux sentir son air lent et régulier tel un métronome. La Muleta en point de mire, je tangue d’un bout à l’autre. Les houra rythmes chaque temps de valses, il se joue de ma fureur. Le sable souillé me coagule en grande pompe. Pourtant, je ne me refuse à rien.

Sans une seconde en suspension, la lame en tête de gondole, le rouge en sous cloche, il se pointe de pied et vise dans le collimateur. Je le regarde, l’œil vide, pas la moindre issue.Il gesticule l’appât, je statique et perdure. Le temps se suspend à mon envie. Je deviens maître. La foule s’agite. Le jeu de nerf s’agace, il me tique d’un œil.

Un geste encore et plus de conviction, le rouge s’agite, et sans élan, je perds le conducteur. À coeur perdu, je fuse avec ce qui m’importe plus. Immobile, il me campe près de l’estoque. Le geste précis comme une tête d’épingle. 

Un sang-froid m’empare quand le contact se fait jusque la garde.  Terrasse en pleine course et mordre la poussière. Le tourneboule s’achève pesant. Le nuage suffoquant s’évapore longuement. Le sang fuite sans discontinuer, la vie se quitte et les mouchoirs de sortis.

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