Et, un écho dans ce bois-là

mamzellemelly


— Loup y es-tu ?

— Gageons que oui !


— Loup résisteras-tu ?

— Comment résister à cette belle encapuchonnée de rouge ?


— Loup sortiras-tu ?

— Je ne puis point. Je suis loup. Elle est gazelle et j'ai très faim.


— Loup n'as-tu point mangé ?

— Si ! Des poules, des oies, même des dindes au goût mauvais. Des centaines. Des milliers peut-être. J'en suis dégoûté, écœuré, rassasié. Il me reste pourtant ce creux, là !


— Loup, la gazelle, tu croquerais ?

— Que la lune m'en préserve ! De mes crocs, je ferais couler le rouge poison qui entacherait sa beauté. De mon envie, je condamnerais sa liberté. De mon appétit, je pourrais lui enlever la vie.


— Loup, ne t'attend-elle pas ?

— Si tel est le cas, ce dont je doute, c'est qu'elle est folle. A-t-on jamais vu un loup et une gazelle ? Comment pourrait-elle attendre le loup que je suis ? Regarde-moi. Tu vois ! Même toi qui me connais, tu me regardes avec un soupçon de peur au fond de toi. Et tu sais pourquoi ? Parce que malgré tout ce temps que nous passons à discuter, mes confidences ont inscrit une appréhension envers moi. Je ne t'en veux pas. Le contraire voudrait dire que tu n'es pas normal mon ami. Je t'ai conté assez de mes faiblesses, de mes furies, de mes errances.


— Loup, te caches-tu d'elle ?

— Bien sûr que oui ! Comment pourrait-il en être autrement ? Je l'entends dès l'orée du bois où elle vient se promener chantonnant ses petits airs gais. Je la sens dès qu'elle fait ses petits sauts de gazelle innocente et que son parfum vole jusqu'à moi, vient emplir mes narines et s'accroche au plus profond de mon esprit. Alors, je me tapis dans un bosquet et je la regarde, je l'écoute, j'hume l'air, je m'enivre d'elle. Et je rêve. Je rêve que je sors de ce buisson, ma cage, je m'approche d'elle, la frôle pour ne pas l'effrayer. Je me fais aussi petit, doux que possible pour qu'elle ne se sauve pas en hurlant. Et là, son sourire me dit qu'elle n'est en rien effrayée, qu'elle ne va pas s'enfuir. Alors elle pose sa main si délicate, sur moi. Je me fais encore plus petit, encore plus doux. Elle se penche et ses lèvres me touchent. Mais le rêve s'arrête là, parce qu'elle s'approche du fourré, ma prison. Elle s'approche très près, trop près. Tu comprends ? Je suis affamé d'elle. Trop affamé ! J'en perdrais tout contrôle.  


— Loup, as-tu peur ?

— Evidemment que j'ai peur ! J'ai peur de moi.  


— Loup, est-ce des larmes ?

— Suffit ! J'ai l'ouïe trop fine pour supporter ce défilé de questions. Pars !


— Loup…

— Va-t-en, te dis-je. Laisse-moi ! Non ! Reste ! C'est moi qui dois partir. Il faut que je cours, que je chasse, que je croque. Il faut que je fasse ce que je sais faire, ce pourquoi je suis né. Il faut que je griffe, que j'arrache, que je morde, que je dévore. Il faut que je l'oublie. Je la maudis autant que je l'aime cette gazelle encapuchonnée de rouge.


— Loup, tu l'aimes ? Vraiment ?

— Crois-tu que je ne puisse pas éprouver ce sentiment ? Penses-tu que cela m'est interdit ? J'ai, moi aussi un cœur. Et grâce, non, à cause, non, grâce, non et non, à cause d'elle, je découvre qu'il n'est pas de pierre.


— Loup, que vas-tu faire ?

— Je vais partir, loin.


— Loup, fuis-tu ?

— Non ! Je la sauve.



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MamzelleMelly

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>>>Bien sûr, la reproduction de ce texte est interdite. Merci <<<
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