ÉTAT DES LIEUX
dessadelaire
En entrant dans l'entrée
Je perle encore de sueur et ressens
Ce cool air in my hair
Qui me soulage de voir
Ce beau tableau d'un noir encore inconnu
Profond comme un trou noir d'espoir
Né du pinceau obstinant de Pierre Soulages
Avec tout autour de grands murs porteurs de blanc
Dehors une chaleur aigüe assiège la ville
Le silence intérieur et frais n'a d'égal que la vue
Majestueuse ou tueuse tout court
Sur la baie de Nice, so nice, sans brise
Protégée par d'immenses baies vitrées
Aux verres très purs presque ophtalmologiques
Qui corrigent la vue improbable sur 180 degrés
De l'eau sur la mer telle une loupe qui m'aspire
La piscine en terrasse semble prête
À accueillir tous les débordements
D'amis, de fêtes où résonnent déjà
L'écho des bouchons de champagne qui sautent
À l'appel des bouchent qui s'embrassent
Et qui s'embrasent pour un rien, des rires
Comme des confettis envahissent l'espace
D'un instant de bien être nos vies heureuses
Le sofa anthracite où je m'assois à l'intérieur règne
Et je me suis senti maître devant tous ces mètres
Carrés du séjour, témoins de tous mes passages à l'acte
De vente car au fond de moi je sais déjà
Je poursuis la visite, je virevolte sur moi même
Je fais le tour du propriétaire et je rugis devant
La chambre avec vide qui s'offre comme un zèbre rayé
De soleil et d'ombre à la lumière léonine d'août
Nul doute ne m'habite, je vivrais ici et là
Des moments de bonheur que je n'ai pas vécu
Me parviennent par bribes successives
Intemporels comme une sensation de déjà vu
Le dressing-room coulisse comme un ballet d'opéra
Et je vois tour à tour danser dans tes mains
Des zips, des cintres, des accroches de soutien-gorge
Aux sons de nos instruments du quotidien
Autour de la roche volcanique noire, qui sert de murs
À la salle de bain, trônent deux vasques en coquillages
Au dessus l'aquarium géant illumine de tons bleus caraïbes
La myriade de poissons tropicaux qui agitent leurs couleurs
Et mêlent à la magie de leurs croisements aléatoires
Les bulles d'air qui oxygènent leur univers clos
Je me douche devant leurs yeux condamnés au silence
Le miroir renvoie l'image de nos corps nus
Immobile devant tant de mouvements intérieurs
L'agent immobilier s'illumine comme un cierge
Qui ne nécessite pourtant aucune prière. Au Mont Blanc
Qui dépasse de ma poche intérieure s'ajoute
L'esquisse de mon sourire, le cuir de mon chéquier
Mes mots, enfin, confirment que je vais faire une offre
Je libère l'encre sur le contrat, ma signature imbibe la feuille
Blanche comme le sperme fécond des propriétaires.