Evolution (chap 17)

Daniel Macaud

Aucune fiche ! Bon sang, ce n’était pas normal. Qui était ce Stago ? Un pilote de chasse, même de première classe, devait forcément avoir une fiche, alors... Mais qui était-ce bon dieu ? Un infiltré de la marine supérieure ? Ils aimaient beaucoup faire ça là-haut. Infiltrer leurs gars, pour garder un oeil sur tout. Neuf fois sur dix d’ailleurs, ils ne restaient pas longtemps sur le terrain. Ces mecs-là était des têtes pensantes, pas des hommes d’action.

Le colonel n’aimait pas cela. Il réalisa qu’il avait lui-même donné le contrôle de sa mission à un gars de la marine supérieure, autant dire qu’il venait de se tirer une balle dans le pied. Merde ! Il devait en savoir plus sur ce type. Marine supérieure ou non, il devait bien avoir des effets personnels dans sa cabine.
- Monsieur Jacques Stago, il va falloir m’en dire plus, dit-il en se levant.

Il se retrouva vite dans le quartier des premières classes. Au fond de la coursive, la cabine de Stago. C’était pratique d’avoir un passe de niveau cinq ! Il ouvrit la porte.

A l’intérieur, rien d’inhabituel. Matériel réglementaire, rangements réglementaires. Lit fait au carré. Dans son sac réglementaire, un petit cahier personnel, autorisé par le règlement et... Un disque ? Tiens donc. Ce n’était pas réglementaire d’espionner ses gars, mais tant pis. Le colonel ouvrit le capot de son petit lecteur de poche. Disque verrouillé par code d’accès. De plus en plus intéressant. Aucun problème. Ses états de services, le colonel les devaient à son excellence dans les hacks informatiques. Il se retrouva dans son bureau.

Le disque inséré dans le lecteur de son ordinateur. Programme de piratage lancé. Quelques instants plus tard, il avait enfin accès à toutes les informations. Secret défense, ben voyons ! Il le savait, un gars de la marine supérieure. Un commandant. Là, c’était clair. Lui, un simple colonel, aux commandes d’un tel croiseur ? Une marionnette. Et le marionnetiste, il était là, sous ses yeux. Et ça...

Ce qu’il lisait maintenant, aucun livre d’histoire n’en faisait mention. La vérité qu’il avait là, sous les yeux, sous forme d’un brief de mission, était bien plus que terrible. C’était immonde. Des humains... Ils avaient tiré sur des humains. Le colonel en aurait pleuré de douleur s’il n’avait pas été colonel. Et ce Stago, lui, le savait pertinemment. C’était un assassin. Pire. La marine supérieure était une meurtrière. Ses supérieurs étaient des monstres. Sa promotion ? Il n’en voulait plus. Il se devait de prévenir tout l’équipage. C’était son devoir d’humain. C’était con à dire, mais c’était la vérité. C’était son devoir d’humain. Son honneur d’humain.

***


- Ce que je ne comprends toujours pas, c’est pourquoi d’un seul coup mon radar m’a indiqué la présence du terrien. Et pour l’autre terrien ? Je ne comprends pas pourquoi je n’ai eu aucun point rouge. Et avant... j’en sais rien. J’y faisais pas attention.
- Dis donc, tu vas encore causer longtemps ?

Ils marchaient depuis un moment dans le sous-bois, en longeant la rivière. Androucha parlait toute seule. Merks souffla de lassitude.
- Ecoutes. Ton radar, il repère pas les “entités vivantes” il fonctionne sur un principe très simple: les sources d’energies. Le détecteur de chaleur repère la chaleur, qui est une énergie aussi, et l’infra-rouge repère les énergies manquantes. Ton radar fonctionne sur le même principe.
- Je ne comprends pas.
- C’est pourtant pas compliqué s’exclama Merks. le camouflage optique absorbe la chaleur du corps humain, ce qui fait une sorte de trou dans l’équilibre des énergies ambiantes, un détecteur de chaleur ne le voit donc pas, mais un infrarouge, si ! Il repère ce “trou” pour en extrapoler une présence. Ton radar, il a simplement repéré une source d'énergie émise par ce terrien.
- Celle de son camouflage optique ?
- Je sais pas. Ça peut être aussi celle de son viseur laser. Au moment il l’a allumé, le radar l’a accroché.
- Peut-être. Mais alors, pourquoi il n’a pas fonctionné jusque là ?
- J’en sais rien moi, c’est pas moi qui l’ai conçu !
- Mais râle pas ! Je posais une question en l’air c’est tout.
- Bon. maintenant, on se tait. il faut trouver les autres. C’est le moment de chercher.
- Entendu.

La visière passa en mode scan, puis infra-rouge, puis radar. Androucha chuchota.
- Environ trois cents mètres. Ils sont trois. Ce sont eux.
- Bon. Le petit jour va arriver. Il faut les prendre par surprise, ne leur laisser aucune chance. Prête ?
- Oui.
- Il faut les tuer.
- Je sais.
- Alors me fais pas faux bond. C’est toi qui a la plus grande puissance de feu. On approche en douceur.

Ils se mirent en marche, toujours en suivant la rivière. Les camouflages optiques allaient se montrer très utiles.

***


- Ce n’est pas normal. ils devraient être rentrés.
- Je sais. C’est inquiétant.
- Monsieur. je pense qu’on devrait évacuer. Ça ne me plait pas de laisser deux hommes derrière nous. Mais nous n’avons pas le choix. Plus de contact radio depuis deux heures. Je les considère comme morts.
- Je veux cette armure.
- Monsieur. Trois contre une possible armée...
- Ce sont des mutants ! Cria Stago, et ils ne sont pas une armée, ce n’est qu’un groupe de survivants à peine capable de tenir un bâton.
- Des survivants qui ont pu tuer deux hommes monsieur. Nous devons lever le camps. La mission est un échec. nous ferons notre rapport et nous demanderons des renforts.
- Je veux cette armure ! Vous entendez ?!
- Monsieur... Sauf votre respect, le mutant qui détient cette armure pourrait être une armée à lui seul. On ne pourra pas l’affronter à trois.
- Je sais... Mais je sais aussi qu’elle est faible !
- Elle ?
- C’est une femelle. Elle a peur de tuer. C’est un avantage.

les deux hommes se regardèrent. Le petit jour arrivaient doucement. Ils devenaient des cibles faciles. Ils devaient se mettre en mouvement.
- Monsieur, nous partons pour le point d’extraction. Suivez-nous.
- Hors de question !
- Nous venons d’envoyer le signal au transporteur. Nous devons...

Une déflagration. Le soldat tomba raide, sous l’oeil exorbité de Stago et de son compagnon d’arme. Tous les deux levèrent leurs armes. examinant les environs. Stago, épouvanté, lâcha une salve de balles en arc de cercle.
- On y va. C’est pas où ? Cria-t-il.
- Venez !

Les deux hommes se mirent à courir. La peur tenait les entrailles de Stago. Il ne voulait pas crever ici. Se faire tuer par un mutant ? Jamais ! Ils sautèrent sur les duads et prirent la fuite. Le point d'extraction était assez proche, ils avaient une chance d’en sortir vivants.

Merks était furieux. Androucha n’avait pas tiré.
- Qu’est-ce que t’as foutu bordel ? Ils viennent de mettre les voiles, ils vont nous échapper. Si jamais ils rejoignent leur navette, c’est foutu ! Hey la mutante, tu m’entends ?

Androucha n’entendait pas. Ou plutôt, elle n’écoutait pas. Son regard était figé, tout entier à l’horreur de la scène exposée à ses yeux. Le corps du mutant assassiné gisait là, sans sépulture. Merks poussa un juron, et se rua à la poursuite des deux terriens. Après tout, il pouvait très bien se démerder sans cette idiote de mutante. Il avisa un duad abandonné et s’élança. Androucha ne bougeait toujours pas. La vision de ce mutant mort ne la quittait pas, et ne la quitterait plus jamais. Stago avait tué ce gars. Il était innocent. Stago avait tué un innocent. Et c’était de sa faute. Maintenant, la réalité lui explosait en plein visage. Des larmes de désespoirs coulaient le long de ses joues grises, faisant le tour de sa bouche aux lèvres proéminentes, restes génétiques de la gueule de ses ancêtres dauphins. Pourquoi tant de morts ?
- Pourquoi ? Hurla-t-elle de désespoir. Stago, réponds-moi, pourquoi ?

Elle activa son propulseur et s’élança. Dans son esprit, tout se bousculait. Colère, tristesse, incompréhension... Haine. Pour la première fois de sa vie, elle ne ressentait plus seulement de la colère à l’égard des humains, elle ressentait de la haine, une envie de tuer. Et cette émotion était enivrante, elle la submergeait totalement. Toute son attention se fixa sur cet objectif: rattraper Stago.

***


Ils fuyaient aussi vite que possible, aussi vite que le leur permettaient les duads. Le point d’extraction ne leur avait jamais semblé aussi loin ! Derrière eux, un duad, lui aussi lancé à pleine vitesse, mais sans pilote. Le soldat se risqua à jeter un oeil en arière. Il comprit. Camouflage optique. Volé sur les cadavres de ses équipiers sans doutes. De colère, il tira en arrière, sans viser. Stago, lui, ne se retourna même pas, il fuyait pour sa vie.

Merks ne fit même pas un geste pour éviter les balles, bien trop hautes. Il tentait d’ajuster son arme pour dégommer le terrien. En vain. Ils allaient à peu près à la même vitesse, et les embardées que chacun faisaient pour éviter les arbres empêchaient tout tir ciblé. Et puis merde ! Il tira dans le tas. Raté.
Seconde chance. arbre evité, souche évitée, ennemi devant. Touché !

Le second tir de l’ennemi l’attegnit. Lui et son véhicule. Avant de mourir, il n’eut même pas le temps de penser qu’il allait souffrir. Son véhicule explosa contre un arbre.

Les échos de l’explosions affolèrent Stago. Il était le seul survivant ! Vivre. Survivre ! Comment ces démons pouvaient-ils lui être supérieur, à lui ? Ce n’était pas possible. Un bruit de fusée le fit sursauter. Il se sentit soulevé dans les airs, son duad termina sa course dans un arbre. Il se sentit tomber. Lourdement. Il roula, totalement désarticulé, pendant quelques secondes sur le sol. La douleur dans son épaule était sans équivoque. Cassée. Par réflexe de survie, il tenta de se relever. Peine perdue. Un poid sur sa poitrine. Il ne voyait rien. Qu’est-ce que c’était ? Qui c’était ?
- Pourquoi ? Hurla une voix. Dis-moi pourquoi ?
- Quoi ? Qui ? Qui est là ?

Le camouflage optique fut désactivé. L’armure était là, devant lui, le tenant en joue, un pied sur son torse. La mutante hurla de nouveau.
- Pourquoi ?
- Pourquoi quoi ?
- Pourquoi tu l’as tué ? C’était un innocent ! Il était innocent ! Pourquoi ?
- Je...

Elle le frappa de toutes ses forces du revers du canon plasma. L’homme se retrouva sur le dos.
- Réponds ! Pourquoi ?

Il ne répondit pas. Il sentit le désespoir de son assaillante. Une chance de survie. Une seule. Lui parler. Gagner du temps. En suffoquant, il tenta de se relever, activant au passage un petit emetteur GPS. Gagner du temps jusqu’à l’arrivée des secours.
- Réponds !
- Oui... Je... Vais répondre...

il se releva avec peine. Androucha lui décocha un second coup. Le souffle coupé, il commença à rire.
- Hé bien, pour une mutante pacifique, tu frappes fort.
- Espèce d’ordure ! Il était innocent.
- T’en es sûre ?

Nouveau coup. Il roula au sol. Androucha le visait. Le canon plasma commença à briller.
- Allez, tire ! Tu vois, t’es comme moi ! On est tous pareils.
- Non toi t’es un assassin !
- Et toi alors ? T’es quoi ? Un démon de l’enfer ! Vus avez juré notre perte ! On a juré de vous anéantir !
- Alors c’est tout ? Une histoire de religion ? Tu a tué pour ça ?
- Vas-y, hurle ! C’est tout ce qu’il te reste. Si t’avais dû tirer, ce serait déjà fait !
- Tu... Vous avez détruit la moitié de la Terre, à cause de vous, nous avons muté ! C’est vous qui nous avez créés, et maintenant, vous voulez nous tuer !
- On répare nos erreurs, voila tout ! Vous ne devriez pas exister. Pour moi, vous n’existez pas ! Tu veux que je te dise, ca m’amuse de vous détruire.
- Assassin !

Encoure un coup. Gagner du temps. Stago avait mal partout. Il entendit un duad arriver. L’autre mutant. Merde ! Et les renforts alors ?

Androucha ne disait plus rien. Elle pleurait sous son casque. Merks arriva. Il aligna son arme sur Stago.
- Androucha, écartes-toi, laisse-moi le finir ! Androucha !
- Allez Androucha... Laisses-le faire ce que tu n’es pas capable de faire.

Androucha hurla de colère, de desespoir. Le tir passa au dessus. Détruisant un arbre. Au même instant, le transporteur terrien fit son apparition. Tirant une salve de protection, obligeant Androucha et Merks à se réfugier sous les arbres, il descendit. Une echelle de corde. Stago l’attrapa de son bras valide, et le transporteur disparut. Enfui. Il avait réussi. Merks jetta son arme de colère !
- Putain ! Merde !
- Je... Je suis désolée.
- Il va revenir ! Ils vont revenir maintenant ! Et tout ça, à cause de toi !
- Non, il ne reviendra pas.
- Qu’est-ce que t’en sais ?
- Parce que je vais aller sur Titan.
- Hein ? Où ça ?
- Les mutants ont une base secrète sur la première lune de la planète 232. Elle s’appelle Titan. De là, on prendra le croiseur terrien en chasse. On le détruira. Je te le promet.
- Tu promets ? Elle vaut quoi ta parole, hein ?
- Elle vaut ce qu’elle vaut. Rentre parmi les tiens. Dis-leur que c’est fini. A partir de maintenant, je m’occupe du reste.
- Ben voyons ! Laisse tomber. T’as une arme surpuissante, et tu sais pas t’en servir. Je sais pas pourquoi le destin t’as confié ce truc, mais il s’est planté !
- Tu as peut-être raison.

Il n’y avait rien d’autre à faire qu’à rentrer. Merks remonta sur le duad. et fit demi-tour. Androucha tomba à genoux. Maintenant, elle pouvait pleurer. Autant qu’elle le voulait.

  • Ah oui ! Pardon je corrige !

    · Il y a plus de 13 ans ·
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    Daniel Macaud

  • Je bute à la page 4:
    - Ce sont des mutants ! Cria Merks, et ils ne sont pas une armée, ce n’est qu’un groupe de survivants à peine capable de tenir un bâton.
    C'est Stago qui parle, en fait, non? Ou alors, je n'y comprends plus rien.
    En tout cas, quelle émotion!

    · Il y a plus de 13 ans ·
    Arbre orig

    pointedenis

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