Evolution (chap 18)

Daniel Macaud

Une fois à bord du transporteur, il avait été vite pris en charge par une équipe médicale. Le transport s’était déroulé sans encombres. Stago avait du mal à réaliser qu’il venait d’échapper à la mort une seconde fois. Il était vivant. Dans sa tête, résonnait une phrase en boucle: “elle a tiré”. C’est ce qui l’avait le plus frappé. Elle avait tiré. Mal, au-dessus de lui, mais sa fureur avait été plus grande que sa peur, elle avait tiré. Il lui fallu un long moment avant de se reprendre.

Il était maintenant dans le bureau du colonel, qui le toisait méchamment. Il ne s’attendait pas à cet accueil froid.
- Alors non seulement, vous ne récupérez pas cette armure, mais en plus, vous me perdez quatre hommes !
- Monsieur, je n’y suis pour rien si vos hommes...
- Vous étiez responsable de cette mission ! Vous avez tout fait foiré ! J’attend votre rapport dans l’heure !
- Avec tout le respect que je vous dois, colonel, je n’ai aucun compte à vous rendre.
- Pardon ? Et depuis quand un pilote de chasse désobéit aux ordres ?
- Depuis qu’il est commandant de la marine supérieure !
- Ben voyons !

Stago sortit son insigne de sa poche et la posa, bien en évidence, sur le bureau. Loin d’être surpris, le colonel eut un sourire narquois.
- Alors tout ceci est vrai, fit-il en lançant, désabusé, le disque qu’il avait trouvé.
- Vous fouillez dans les affaires d’un supérieur maintenant ?
- J’ai fouillé dans les affaires d’un première classe qui n’avait pas de fiche de renseignements, ce qui est constitutif d’une infraction au règlement !
- Vous y avez trouvé des données classé secret défense, secret que vous avez violé, ce qui est passible de la cour martiale !
- Allez vous faire foutre, avec votre secret défense ! Nous avons tiré sur des civils humains !
- Des civils mutants !
- Ce n’est pas ce qui écrit ici ! Cria Le colonel.
- Ils n’ont aucune importance ! D’après vous, pourquoi est-ce qu’ils ont été déportés ?
- Alors c’est bien vrai ? Epuration ethnique ?
- Et alors ? Avouez qu’en dehors des mutants, il n’y a plus de conflit sur Terre. Nous avons réglé le problème définitevement !
- Et la marine supérieure le savait depuis le début !
- Non, colonel, la marine supérieure l’a orchestré depuis le début ! Vous voulez revoir vos cours d’histoire ?
- L’histoire dit que la colonisation a été un moyen pour le gouvernement, de vider les prisons, et d’expulser les mutants.
- Exact. Et selon vous, qui étaient dans les prisons ? De criminels ? Vous êtes vraiment naïf.

Le colonel ne répondit pas. Tout cela, il l’avait lu. les rafles, les emprisonnements politiques et ethniques, les massacres entre humains, tous ces passages oubliés, rayés de l’histoire moderne, résumé dans un petit disque de brief, comme un simple état des lieux avant mission, et cette précision, monstreuse, inhumaine: “Les sous-humains présent sur les planètes solonies n’ont aucune importance, considérez-les comme des mutants”. Lui-même avait fait cette erreur. Il eut un sourire de dépit.
- On s’est bien fait avoir.
- En effet. Maintenant, je vous relève de votre commandement, pour raison de sécurtié d’état. Vous avez bien fait votre travail, vous en serez remercié.
- Allez vous faire foutre, Stago.
- Quoi ? Est-ce une mutinerie ?
- Appelez cela comme vous le voulez. Moi et mes hommes, nous n’avons plus à obéir à des assassins.
- Vous passerez en cour martiale pour cette trahison ! Cria Stago
- Ça m’étonnerait, répondit calmement le colonel.

Il quitta le bureau tout aussi calmement qu’il avait parlé. Stago se rua sur le micro d’appel en interne.
- A tous les hommes d’équipages. Ici le commandant de la marine supérieure Jacques Stago, nouveau commandant de ce croiseur. Le Colonel Mauresco est offiiciellement relevé de ses fonctions. Son attitude envers son supérieur hiérarchique pouvant être considéré comme une mutinerie, j’ordonne son arrestation et sa mise en quarantaine sur le champs !

Le colonel Mauresco entendit ce message avec un sourire triste. Imbécile d’autocrate ! Il pouvait toujours se prétendre supérieur, dans un croiseur vide ! il rejoignit les docks d’embarquement. Ses hommes étaient là, attendant en silence. La voix de Stago résonna à nouveau.
- Je vous ordonne d’obéir, tout comportement inverse sera passible de la cour martiale !
- Vous êtes prêts les gars ?
- Oui Monsieur ! Répondirent les soldats tous ensemble.
- Alors on embarque.

Il se tourna vers les quelques hommes qui ne le suivait pas.
- Messieurs. Ceci est votre choix. Je le respecte. Sachez que je suis navré de ce qui s’est passé. Mais maintenant, mon combat a changé de camps. Aujourd’hui, on peut être un mutant selon sa couleur de peau, et demain, selon ses opinions ? Je ne veux pas de ce monde là. Au revoir Messieurs.

Les portes des transporteurs se fermèrent, les soldats restants évacuèrent sans un mot. Les soutes s’ouvrirent laissant le passage aux mutins, à leurs transporteurs, ainsi qu’à quelques chasseurs qu’ils “empruntaient” également. La voix de Stago résonna à nouveau.
- Je vous ordonne de les arrêter, ordre de tirer ! Détruisez les mutins !
- On peut pas, répondit l’un des hommes en décrochant l’interphone. Les tourelles de tir ont été sabotés. On pourra réparer, mais pas avant deux heures.

Les hommes autour se regardèrent, à moitié souriant. La résistance pouvait prendre bien des formes parfois. Dans l’espace, des petits vaisseaux foncèrent droit sur la planète 232. Le croiseur, lui, fit demi tour, et prit la direction de la Terre.

***


Merks avait rejoint le réseau de grotte et le petit groupe de survivants. Les nouvelles qu’il apportait n’étaient pas forcément réjouissantes, et elles inquiétèrent le groupe. Il tenta de temporiser.
- On en sait pas ce qu’ils vont faire maintenant, mais on sait déjà qu’ils n’ont pas été capable de nous retrouver. Avant qu’ils ne reviennent, nous allons tout faire pour sécuriser les lieux.
- Merks ! Fit le dénommé Vlad. On ne peut pas se battre contre une amée entière avec des bâtons ! C’est foutu !
- Rien n’est foutu ! On ne peut abandonner ! Il faut se battre !
- Et comment ? Ce n’est pas une forteresse non plus ! On peut y entrer sans problèmes dans ces grottes !
- Et bien on fera en sorte qu’on ne puisse pas en sortir ! Enfin quoi, vous voulez crever ici ? Fit-il en s’adressant à l’assemblée.

Un silence lourd lui répondit. Ils semblaient avoir tous baissé les bras. Cette attitude l'énervait. Pourquoi ils renonçaient ? Et lui, il faisait quoi maintenant ?
- Alors vous renoncez ? Vous allez attendre, san rien faire ? Vous ne voulez plus vous battre ? Même pour vos enfants ?
- Regarde les choses en face Merks. La guerre est finie, on a perdu, et on a été trahi par la Terre, et nos semblables. Même les mutants n’auraient pas été aussi monstrueux.

Que dire de plus ? Merks Ramassa ses affaires. il ne restait qu’à partir. tenter de survivre, malgré tout. Même seul. Il n’avait plus rien à dire. Il sortit de la grotte.

Un gros bourdonnement se fit entendre. le même bourdonnement qui avait accompagné l’attaque des chasseurs terriens. Merks les regarda un instant, hagard. Alors c’était vraiment fini ? Tout ça, à cause de cette idiote de mutante ?
- Vous voulez nous détruire, hurla-t-il de désespoir, alors venez ! Je vous attends ! Allez-y, tirez !

***


- Androucha, maintenant, il faut que tu reste ici, et que tu attendes de pouvoir partir. nous ne pouvons plus rien pour les humains. Ils sont perdus, tu comprends ?
- Oui, je comprends Braid. Je... J’ai donné une sépulture à Crom. C’était le moins que je pouvais faire.
- Je te remercie. Selon toi, ils vont revenir ?
- Je n’en sais rien du tout. Braid... Faut-il vraiment qu’on en arrive là ? Toujours ?
- C’est-à-dire ?
- Les humains, et les mutants ? Quelque soit la planète, on va devoir s’entretuer ?
- J’en ai bien peur la dauf’, fit la voix caverneuse. Et cela ne me réjouis pas du tout. Quoi que tu en penses, je n’aime pas me battre, moi non plus. Mais je n’ai pas le choix. Nous voulons survivre, et les humains...

Un mutant entra, totalement affolé, dans le bureau du chef.
- Braid, ils sont là ! Des dizaines de vaisseaux !
- Merde ! Androucha, surtout, tu restes là !
- Hors de question Braid !
- T’as déjà fait assez de dégâts comme ça ! Maintenant, on ne bouge plus !
- Braid !
- C’est un ordre ! Nous ne pourrons pas tenir un assaut pareil !
- Je...
- Assez ! Toi, va aux nouvelles, essaie de savoir où ils se posent, et ce qu’ils font.
- Oui monsieur.
- Androucha. Ton vaisseau sera bientot pret. Je compte sur toi pour ne pas faire de vague jusque là. Ensuite, je compte sur toi pour ne pas revenir.

Braid se leva. Sa haute stature écrasait la fragile silhouette de la dauf’. Il la toisa du regard et sortit sans un mot.

***


Les transporteurs s’étaient posés en plein milieu des ruines de la ville douze.Les hommes s’était déployés très vite, sécurisant les environs, et installant un campement. Puis, un détachement de quelques hommes partit explorer les environs, à la recherche des survivants. Dans sa tente de fortune, le Colonel Mauresco ne se faisait pas d’idées. Les survivants n’allaient leur sauter au cou de joie. Ils allaient être considérés comme des envahisseurs. Il allait falloir du temps. Mauresco espéra qu’il n’en faudrait pas trop. Ses hommes le suivaient pour le moment, et cette frénésie de la révolte les poussaient avec enthousiasme à se donner à cent pour cent. Mais il savait qu’avec le temps, cet enthousiasme allait s’altérer. Avant que cela ne survienne, il fallait absolument qu’ils aient repris le contact avec les humains de la planète. Quant aux mutants... Pour le moment, il n’en savait rien. Ses hommes étaient-ils prêts à les tolérer ? Souhaitaient-ils également, autant que lui, cette paix ?

Il sortit faire un tour dans la ville calcinée. Pour le moment, tout ceci n’était que ruines. Bientôt, s’élèverait une nouvelle ville. Alors peut-être que les choses changeraient enfin. Il jeta un oeil vers le ciel. Le soleil serait bientôt au zenith. Cette lumière était insuportable. Il rentra sous la tente.

***


Les survivants avaient vu les transporteurs se poser dans les ruines de la ville douze, puis, plus rien. Pas d’armées, pas de chasseurs en patrouille. Pas d’explosions. Le groupe ne savait pas quelle attitude adopter. Aller voir ? Rester caché ? Sans Merks qui n’était pas revenu, ils se sentaient tous perdus.

Il fut décidé qu’un éclaireur serait envoyé, histoire de les espionner un peu, et de se renseigner. Le volontaire désigné, et partit, il ne restait qu’à attendre. Attendre et espérer.

***


Braid écoutait attentivement le rapport de son informateur. Les souterrains vers la ville douze étaient étroitement surveillés depuis l’arrivée des terriens. En quelques heures, l’effervescence s’était emparée de toute la communauté de mutants. Tous craignaient que les souterrains ne soient découverts. Selon son informateur, les soldats ne déployaient aucune arme. Ils avaient monté un campement, et depuis, le calme plat.
- Bon. Pour le moment, on reste discret. On attends de voir ce qu’ils vont faire. Je veux un rapport toutes les deux heures. Surveillez toutes les allées et venues.

***


Merks avait rejoint les abords de la ville douze. Un campement avait surgit des transporteur. Calme plat. La lumière sans doute. Alors ils s’installait hein ? ils voulaient vraiment en finir ? Très bien ! Malgré la lumière, se protégeant comme il pouvait, il avança.
- Vous nous vouliez, me voila ! Cria-t-il. Venez me chercher !

Deux hommes en armes sortirent. des tentes. ils se tenaient à l’ombre des transporteurs, observant avec curiosité, l’homme à la démarche hagarde qui hurlait comme un ivrogne.
- Allez-y ! Tuez-moi ! Osez pour voir !

Les deux hommes se mirent à rire. Merks ne comprenait pas. Qu’attendaient-ils ? Il n’était pas armé, il avait tout laissé au pied de la montagne, dans le duad, pour les autres, pourquoi ils ne tiraient pas ? il avançait encore. Il criait toujours. Rien. Finalement, il trébucha bêtement, et se retrouva au sol, sous les rires des deux soldats. Ceux-ci approchèrent enfin.
- Dites-moi mon vieux, faut pas vous mettre dans un état pareil. On a quelqu’un qui veux vous parler, venez.

***


En paix ? Ces humains venaient en paix ? Braid écoutait le rapport de son informateur, et il n’en croyait pas ses oreilles. En paix ? Des humains ? C’était presque impossible. Pourtant...
- Bon, fit-il, y’en a au moins une qui sera ravie. A ce propos, ce vaisseau, il est prêt ?

L’informateur repartit. Braid s’enfonça dans son fauteuil et se mit à réfléchir profondément. Si des humains, après avoir détruit des villes entières, venaient checher la paix auprès d’autres humains, c’est que les choses n’avaient pas tellement changés pour eux. Ils allaient faire la paix entre eux, au détriment des mutants. A moins que...
- Les hommes mutants... Et pourquoi pas ?

Fin de la première partie.

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