Exaltation paranoïaque

Thibaut L.

Exaltation paranoïaque

   L’énième autoroute sur laquelle la famille Soutine avait jeté son dévolu se refusait aux éclairages du véhicule. Les arbres environnants lançaient avec trop d’insistance leurs ombres au devant de celui-ci. Il paraissait s’engouffrer dans le néant armé d’une unique lampe torche. Seul le ronronnement régulier de la carcasse et le frottement sur les tissus des corps endoloris rappelaient le monde tangible. Les arbres mêmes n’étaient aux yeux de Lucien que des formes indéfinies et absurdes s’attelant à lui remémorer ses rêves, ceux où il marchait dans quelques espaces à l’ornement inquiétant et mouvant. Mais il s’était fait une habitude de ne pas en être effrayé, ne les considérant plus que comme quelques voyages. Combien d’enfants de son âge auraient pourtant redouté ce qu’ils auraient alors nommé cauchemar : Lucien s’y complaisait. Il les préférait à l’autre, au véritable, qui se déroulait certes aussi ensommeillé, mais n’avait rien de commun… C’est ainsi sans surprise que les basculements de la voiture, les ombres parcourant les cloisons et semblant à l’envie s’en prendre aux corps, les bras noirs se penchant dangereusement pour faire s’échapper le véhicule de sa trajectoire, les tracés blancs s’ondulant tels de petits vers de terre à la venue de la pluie, et la lune, ronde, blanche, mais dirait-on ornée d’une bouche, ne tardèrent pas à faire s’endormir l’enfant.   
   Il se réveilla le cou tout endolori, ne sachant  guère si c’était sa position, le corps à demi-penché, la tête plaquée contre le métal devenu chaud, une épaule légèrement décalée, comme si elle eut-été difforme, ou le soleil l’obligeant à ne garder pour l’instant que les yeux entrouverts, qui l’avait fait sortir de son sommeil, mais il en était incommodé. Comme beaucoup il préférait s’endormir au départ et s’éveiller à l’arrivée ; cela donnait l’impression de s’être téléporté, peut être même de renaître, tandis qu’autrement, interrompu, l’esprit était perdu, intemporel… Il fallut que Lucien se remémore les événements passés, se situe dans le temps. Ce n’est que les pupilles bien écarquillées, les cils remontés, comme si ce geste eut quelques capacités étranges, qu’il y parvint. Il se dirigeait depuis la matinée vers un village dont le nom lui échappait… et ne s’était arrêté de mémoire aucune fois… Il avait bien aussi ces quelques pensées d’avoir roulé la nuit. Trop peu concrètes, surement trop peu logiques, ce ne pouvait être qu’un de ses rêves : on en fait toujours d’étranges quand on dort mal. Son retour à la réalité d’ailleurs le lui confirma. Elle le frappa. Il n’y a bien que le réel qui frappe ainsi !         
   Se massant le cou il écouta désagréablement la radio. Il était rare que ses parents la mettent. Ils lui avaient appris à ne pas l’aimer. Des boites à bruit disaient-ils. Lui, il avait mit un temps à comprendre ; au tout début de ses âges, comme chez tout enfant, de simples percussions, fussent-elles dissonantes, entrainaient chez lui une intense satisfaction. Ce n’était plus le cas. Il lui semblait mieux entendre.          
   — Pa’, tu peux mettre ta musique ? Ca commence par…           
   — Radiohead. Met Kinetic. Lucien l’a jamais entendu j’crois bien.        
   Dallie ne répondit pas. Elle se contenta de manipuler avec désinvolture le lecteur.  
La famille se mit aussitôt à rouler religieusement, silencieuse… Dés le son émit, vibrant, la voiture s’était enveloppée d’une bulle. Toute petite bulle, mais bien là. Chacun pu se laisser bercer, s’occuper. Lucien souriait, le tout le traversait, Emil et Dallie, quant à eux, se laissaient subtilement emporter, dévalant en cascade ces quelques nuages, doucement. On ne se souciait plus de savoir dans combien de temps on arriverait, on profitait de l’instant présent, on éjectait toute notion de temps… Ce n’est qu’à la fin du morceau - quand Dallie décida de mettre l’album Amnesiac - que Lucien manifesta sa faim, coupant court dans l’esprit de chacun à cette solennelle expérience. Elle aurait pu continuer des heures encore sans que cela ne gène personne. Il aurait fallut qu’aucun souci physique ne vienne y faire face. Mais voilà.

   La voiture, à la surprise peu loquace de chacun, bifurqua sur l’autoroute A666 : un fin sourire s’esquissa sur le visage d’Emil… Il avait vu depuis plus d’une heure sur sa carte ce vulgaire nombre superstitieux.  « Ignares, conneries », ce sont bien les seules choses que ça lui évoquait. Il n’était pas de ceux qui se complaisaient à meubler leur vie de croyances abstraites, ou qui prononçaient une boutade tout à fait plate, que tout le monde déjà avait formulé dans sa tête et aussitôt oublié… Tout cela était trop lourd, trop lent… Le mutisme était mieux, et n’empêcherait pas d’arriver sur une aire… Chose faite elle fut même bien sympathique. A l’ombre d’un grand arbre, les feuilles tombantes, un saule pleureur à n’en pas douter, les Soutine étaient bien isolés. Le soleil n’allait pouvoir taper ni sur la voiture ni sur l’herbe, et ils se trouvaient suffisamment loin du magasin et des autres voyageurs pour supposer, avec un peu d’effort, leur inexistence. Se mélanger, pourquoi… L’idée ne vint que de Lucien, il voulait une glace. De bon cœur, à contre cœur, Emil s’éloigna alors, entrainant son fils par la main, et laissant sa femme sortir seule le repas.      
   — Ça fera deux euros cinquante, balança le caissier, un jeune stéréotypé avachi dans un siège délavé, et qui semblait avoir fait ça toute sa vie, tendant déjà sa main et ses yeux, comme si il fut possible que l’argent lui revienne, à lui.          
   — Pa’, c’est quoi à côté de la voiture ?    
   — Quoi ? Y’a rien.  
   — Ça fera deux euros cinquante, balança le caissier, ses petits doigts presque agités.           
   — Si, c’est qui ?      
   — C’est une personne maintenant ? J’vois rien.  
   — Ca fera deux euros cinquante… Coupa le caissier, regardant à présent les autres clients, se sentant bien vivant, bien impliqué, dans son travail.       
   — Oui, oui, deux euros cinquante. Mais Lucien, de quoi tu parles ? Répondit-il en déposant quelques piécettes sur le comptoir.         
   — Bah, j’sais pas, il est plus là…   
   — Bon, on y retourne, conclue-t-il en tirant son fils par la main, traversant les dédales de peuplade s’embouchant jusqu’à la porte… Les poussant jusqu’à en sortir et avoir face à soi, au loin, l’absence de Dallie ; une absence pesante, affermée de la vision du fils, antithétique par la présence sur l’herbe des paniers à repas et agitée d’une paranoïa naissante, celle-ci même qui bientôt s’accrocha au corps tout entier du père, faisant trembler ses petits yeux hagards et tomber sa raison dehors. Il ne fut alors plus question de rien sinon de gestes : sans prendre la peine d’attraper la main de son fils il se dirigea à pas rapide vers la voiture. Personne. Il bifurqua vers le petit bâtiment que composaient les toilettes… Se mit à regarder partout, dans les cuvettes même, sous les lavabos, tandis que Lucien le suivait silencieux… Ils s’arrêtèrent bien vite, ressortirent dehors, regardèrent de nouveau la voiture, le magasin au loin, le parking, l’autoroute, …            
   — Pa’, je l’ai vu partir vers les arbres.     
   — A l’instant ? Vers la forêt ? Qu’est ce que t’as vu tout à l’heure ! Qu’il répondit en avançant déjà.           
   — Oui… Oui. C’était, un homme, j’crois bien.       
Le silence reprit sa place… Et même plus, les faisant glisser tout deux vers l’orée jusqu’à les y arrêter, les laissant dés lors plonger leurs yeux immobiles dans l’obscurité ; cela semblait être un autre monde derrière cet invisible mur que formait le contrebas des branches et des feuilles… Le père et le fils s’y refusaient. L’un par logique, crainte de faire là une mauvaise décision, l’autre par un sentiment naissant, et bien naturel. Chacun même y chercha une soustraction, jetant de nouveau quelques regards vifs partout ailleurs… Qu’ils revinrent vite pourtant lorsqu’au fond des bois apparu une silhouette féminine. C’était Dallie, elle s’éloignait doucement ; son fils l’appela. Ce fut le signal, la trompette de guerre, celle qui permet de franchir le Rubicon ! Emil tira Lucien, reprenant lui-même l’appel, embourbant ses pieds en un instant, et déjà se servant de ses mains pour dégager le chemin. Il était encombré à n’en pas voir à plus de trois mètres, frappait de partout, comme pour punir, et oppressait, bouffant les corps. Les mains à peine posées sur les troncs s’en retiraient douloureuses, râpées, quand les pieds ne cessaient de butter dans les racines. Les branches se jetaient au visage du père, l’écorchaient, l’encombraient, lui faisaient craindre de perdre la vue, cette même vue qui ne percevait la silhouette suivie que par intermittence. Elle apparaissait de temps à autre, quand un rayon venait subrepticement, puis disparaissait… Mais semblait toujours lointaine, inatteignable. Une douce incertitude se mit à se propager dans les deux corps, les agitant plus encore que ne le faisait la conjointe crainte, et accélérant le pas, jusqu’à ce que Lucien en soit trainé. Il suivait tant bien que mal derrière, ne tenait plus debout que grâce à cela, les genoux pleins d’un mélange terreux, les chevilles écorchées, envenimées par l’urticaire, et la chevelure prise de passion pour les feuillages ; elle se confondait à la forêt à mesure qu’ils avançaient, changeant de couleur, de sens et d’âme… Le père et son fils ne semblèrent plus être que deux arbres, qui tombaient tout en longueur, pour s’allonger, se projeter au loin, et mourir. Ils resteraient alors au sol à tout jamais, se décomposant, retournant à leur état originel.       
   Ils étaient assis, haletants, et dans un noir quasi-total. Tout deux résignés, à la pensée chaotique…                                           
   Où est-elle ? C’était bien elle ? Elle fuit, ça fuit. Tout fuit. On va retourner, à la voiture. On ne peut pas. On a tourné ? Bifurqué ? Ca me démange. Ca fait mal. Qu’est ce que je vais faire ? L’enterrement y sera comment ? De moi ? Il a encore sa glace. C’est drôle. Faut se lever. Et puis. Vers quoi on va ? Le soleil, il est où. Si on dort là… Elle va nous retrouver
peut-être. Ma ! Non. Pas de téléphone. Ils vont la dépouiller la voiture. Nan ! Où elle est.
   — Pa’, qu’est ce qu’on fait. J’ai soif.         
   — On va retourner à la voiture… Dit-il à peine convaincu.        
   — On n’est pas perdus ?    
   — Manges ta glace.          
  
   Ils restèrent à nouveau silencieux un temps, cherchant des yeux un doux changement, comme si un rayon eut pu venir s’éclater célestement au sol devant eux et éclairer tout à la fois le chemin du retour et Dallie, réapparue mystérieusement, souriante et toute propre. Mais où étiez-vous, qu’elle dirait alors. Emil esquissa un sourire, puis le transforma en une petite larme, froide, qui lui sembla presque geler sur sa joue saignante.            
   — On y va, décida-t-il aussitôt en se levant.        
   Ils repartirent en tâtonnant, suivant le Nord par le souvenir du corps, c'est-à-dire l’idée impromptue et généralement infantile qu’il suffit, pour retrouver son chemin, de se tourner de moitié et d’aller droit. Ca ne semblait pas fonctionner. Les ombres se faisaient de plus en plus oppressantes. Elles supprimaient toute considération spatiale, si bien qu’Emil n’était plus tout à fait sûr de se trouver la tête droite, que le sol fut bien lisse, ou que la gravité soit encore bien normale. Il se sentait comme quelqu’un qui vient de s’éveiller dans la noirceur de sa chambre et cherche à savoir où se situent les murs et les meubles invisibles, supposant de suite et naïvement qu’ils sont à quelques emplacements anormaux. Le seul contact à la réalité qu’il lui restait était en somme la main de son fils ; il la lui serrait comme il fallait pour qu’elle ne glisse pas, qu’il ne soit pas happé par le noir, ne s’en aille pas comme sa femme. Ca lui permettait d’avoir le sentiment de le protéger... Ce geste qu’il ne faisait jamais, cet élan sentimental transfiguré au sein de la société en bonne morale paternaliste tout à fait neutre… Ce geste dénué de nos jours de signification, toujours mit sous l’égide d’un protectionnisme codé et rationnalisé. Codé que ce fut la mère qui tint son enfant ou la femme son amant… Réglé pour la complaisance du paraître. Ce geste prenait enfin un sens, retournait à ses origines. Emil tenait réellement la main de son fils, non de peur qu’il puisse se balancer suicidaire à la traversé d’un passage piéton, mais de crainte qu’il ne s’embourbe, glisse, tombe, meurt d’une soudaineté tout à la fois bien plus inconvenue et réaliste. Il était donc aux aguets. Il regardait de vifs mouvements de tête que rien ne fut en train de les attaquer… Une passion grandissante apparue en son cœur. Il eut la vague impression d’une haute responsabilité, comme si la réponse à la question « où » lui avait été soudainement donnée. Il savait où se trouvait sa femme, il savait où était la sortie, il le pensait. Ses yeux vides lui inventaient presque les décors et les chemins sinueux dont il pensait se rappeler. A droite, à gauche, à gauche, tout droit, là, tout droit, à droite, … Qu’il se disait, comme si il fut quelques heures plus tôt sur l’autoroute et carte en main. Mais il ne tarda pas à imploser, comme si il fut quelques heures plus tôt sur l’autoroute, un homme de la classe moyenne, qui vient de se perdre, et carte en main. Il lâcha la main de son fils pour aller la cogner contre un arbre. N’ayant pas assez mal il recommença par deux fois, jusqu’à se la tenir toute dégoulinante. Le voilà qu’il était châtié de son erreur, et que sa colère fut transposée dans le sang. Il pouvait s’asseoir sans crainte, pleurer sans crainte, crier sans crainte... Un silence revint - il revenait toujours, c’était leur compagnon. Ils se retrouvèrent de nouveau assis les yeux vitreux, et cette fois-ci tremblants de froid. Désormais sans aucune pensée, avec tout juste de la souffrance.

   Lucien s’endormit. C’était là les seules ombres qui le happaient, lui. Il quitta ainsi ce monde d’incohérence pour en trouver un autre plus fort encore. Il commença par marcher dans des couloirs imbriqués, puis couru, poursuivit par quelques animaux, puis des hommes, et enfin des morts. Ils le rattrapaient, puis s’en allaient, et revenaient. Il s’envola au dessus d’un champ pour leur échapper, nageant la brasse, et arrivant bientôt sur le toit moelleux d’une maison de campagne où des oiseaux l’y attendaient. Il discuta avec eux des assaillants auxquels il venait d’échapper puis ils se mirent en cœur, redécollant du sol, à citer quelques textes de Lafontaine... Il aurait voulu aller sous l’eau, dans ce grand lac lumineux, qui pétillait, brillait. Les oiseaux eux venaient d’y plonger… C’était des dauphins en fait. Ca n’avait jamais été des oiseaux. Et ils étaient plus cruels qu’on ne le pensait. Ils voulaient capturer Lucien. Il se sauva, nageant la brasse dans l’air, puis s’endormit. Se réveilla. Son père n’était plus là. L’enfant fut aussitôt pris de panique, reprenant d’Emil le mouvement de tête rapide et saccadé qu’il avait eut plus tôt, et ne tardant pas à crier, faisant de sa voix un terrible écho… Son clone de l’autre côté de la forêt répétait ses mots avec un ton plus sarcastique, moqueur presque. Il lui semblait l’entendre rire. A quoi ressemblait-il ? C’était peut être lui qui avait enlevé sa mère, et maintenant son père. Qu’en faisait-il ? Et pourquoi riait-il ?            
   — Vient là !! Lança Lucien, se sentant un soudain élan de courage, prêt à utiliser la haine familiale, à se détruire lui aussi la main si il le fallait.          
Vient là ! Rend moi mon père !  Balança-t-il encore.         
   — Vient là, toi, plutôt ! Répondit sa voix. 
Il se glaça d’effroi, s’enfonçant dans sa souche d'arbre et ne clamant plus que par automatisme... Il se rendait peu à peu compte de sa solitude et de son incapacité à tout. Son père déjà était incapable ; incapable de garder sa femme, incapable de la retrouver, incapable de la poursuivre correctement, de ressortir d’une simple forêt, de ne pas pleurer, de ne pas souffrir, de ne pas lui seul se faire souffrir. Et il avait été incapable même de le conserver, lui, son fils ! Alors qu’est ce qu’il allait bien pouvoir faire, ce petit merdeux, qui à peine pensait, qui tout juste venait d’apprendre ce qu’était de la musique, et ne savait pas encore ce qu’était un livre. Lui qui toujours se sentait bien vivant, toujours heureux, « insouciant » comme diraient certains l’étant tout autant, et pourtant plus âgés. Il aurait fallut un bon philosophe, un bon aliéné, un homme qui pense en arborescence, pour se sortir de là, pas quelqu’un qui avait décidé un jour de faire un fils puis de l’emmener en vacance, aussi lucide soit-il de tout. Car cette personne, Emil, avait cessé de développer tout génie dés lors qu’il s’était dit que sa progéniture en serait un. Il avait balancé toute son énergie dedans, n’en gardant plus pour lui… Il avait balancé toute son énergie mystique dans l’inconnu, dans l’inconnu de l’enfant qui peut devenir tout et n’importe quoi. De l’enfant qui finalement était là, tout aussi incapable que son père... Mais il devait pourtant essayer… Il cria une dernière fois, faisant résonner sa voix tel un démon dans la forêt, arrachant les arbres, les feuilles, le temps même, déchiré ; tentant une ultime fois de détruire son clone de sang, de ramener ses parents, de s’élever plus haut que tout, plus haut que la pensée elle-même ; détruisant jusqu’à son enveloppe charnelle, trop impure… Son visage se métamorphosa ! Il n’aurait jamais dû avoir ce visage : le visage d’un génie, le visage d’un intemporel, est toujours bien trop concret. On devrait se dire à sa seule vue qu’il l’est, intemporel, qu’il est tout à la fois mouvant et immobile, plein d’une sombre lumière, parsemé de quelques éclats de matière, … Il ne tarda alors pas à y tendre, vers cette forme. Il se mêla même au cri. Quelle beauté ! Quel bon goût !   
   Son père l’entendit, se réveilla. Etait-ce son fils qui proférait ainsi ? Avec tant de force et de haine. Il semblait déjà tuer. Il fallait l’arrêter si c’était lui. Où se trouvait-il dans tout ce noir, dans tout cet amas de néant ?           
   — Lucien réveilles toi ! Lui dit son père en le secouant.
   — Ah, Pa’. Je t’ai ramené.
   — Tu dormais… Qu’est ce que t’as vu ?   
   — T’étais plus là, je t’ai ramené.  
   — T’as encore fait ce cauchemar ?          
   — Nan, nan. Ce… C’était pas lui.  
   — Bon, oublie ça alors. J’ai eu une idée tout à l’heure avant de sombrer dans le sommeil. Je pense qu’il fait encore jour. Il faudrait que tu grimpes en haut d’un arbre, tu le fais toujours, t’as juste à faire comme d’habitude… Moi j’ai toujours eu le vertige… Fin’, tu l’sais. Arrivé en haut tu pourras voir des yeux où se trouve l’air d’autoroute. Et puis de retour là bas on retrouvera surement ta mère… Elle n’est pas dans la forêt, c’est sûr. Elle a dû s’éloigner de la voiture pour une raison quelconque, puis y ait retournée. La police nous y attend.
   — Dac’. Acquiesça-t-il simplement avant d’escalader l’arbre derrière lui, les bras et les jambes recroquevillées contre le tronc, le ceinturant et s’y hissant. Si bien qu’il fut bientôt à plusieurs mètres du sol, passant de branches en branches, regardant avec des yeux presque larmoyants le haut du feuillage se rapprocher ; alors que son père devenait de plus en plus craintif de ne plus le voir, qu’il ait disparu, considérant bientôt l’avoir abandonné au néant... Agité, tremblant, il se décida à aller le sauver. Il jeta ses mains unes à unes sur l’arbre, posa ses pieds, colla son torse, et escalada. Il s’imaginait déjà le pire, il se dépêchait… Il n’avait plus le temps, plus le temps de rien, plus le temps même d’avoir peur. Lucien avait disparu lui aussi !    
   Un bruit rauque retentit, la terre trembla, l’arbre aussi, comme si les confins du monde avaient implosés. Lucien, déséquilibré, en tomba, passant sous le nez de son père. 

Chapitre 1 : La famille roule en voiture quand le fils fait un étrange cauchemar qu’on ne distingue que peu de la réalité. S’arrêtant sur une aire le père et le fils s’absentent pour acheter une glace et découvrent à leur retour que la mère n’est plus là. Ils pensent la voir dans la forêt et la suivent avec acharnement. S’en suit des passages de craintes et d’onirisme. Le fils tombe d’un arbre suite à une secousse.

Chapitre 2 : Le père tente de réveiller son fils tant bien que mal. Le fils, évanoui, est plongé dans un cauchemar intemporel, répétitif et aux allures quasi démoniaques. Il se réveille finalement, traumatisé : ce n’est pas la première fois qu’il le fait. Leur esprit remis ils se mettent à entendre de la musique, et tentent de la suivre tout en s’en délectant.

Chapitre 3 : La musique disparait. La nuit semble définitivement tombée. Ils se recouvrent de branches et de feuilles pour ne pas avoir froid. Leurs yeux s’habituent à la noirceur, la lumière de la lune semble leur parvenir quelque peu. Père et fils se mettent à concevoir le paysage comme des toiles de peintures.

Chapitre 4 : A leur réveil la musique reprend. Ce n’est plus le même groupe. Ils la suivent jusqu’à arriver dans une petite clairière, mais ils sont toujours entourés de forêt. Le sol se dérobe sous les pieds de Lucien : il tombe dans un trou.

Chapitre 5 : Le père n’est pas assez épais pour rentrer dans le trou. Il tue un lapin, se nourrit de la moitié (sans le faire cuir) et jette l’autre dans le trou. Lucien évolue dans un monde qui lui fait penser à ses rêves. Emil après avoir mangé réfléchit à un moyen de sauver son fils.

Chapitre 6 : Le père grimpe à un arbre, voit au loin un petit endroit qui semble découvert. Il s’y dirige en laissant des traces afin de retrouver la clairière et découvre une nouvelle clairière avec en son centre un tronc coupé, un livre vierge, une plume et un encrier. (Quelques passages oniriques du fils)

Chapitre 7 : Le père se sent investit d’une tâche suprême. Il lui semble qu’écrire un conte va pouvoir délivrer son fils. Lucien refait son cauchemar intemporel, mais lutte cette fois et pour la première fois pour en sortir.

Chapitre 8 : Dallie apparait dans le cauchemar de Lucien et l’en sort, lui expliquant par la même occasion la source de ce dit cauchemar. Le père rentre dans un état second et se met à déambuler dans la forêt en écrivant à propos de tout et n’importe quoi, mais en exaltant toujours ses écrits.  

Chapitre 9 : Lucien, guidé d’un faste qui apparait sur les parois de sa caverne, arrive à se hisser jusqu’en haut. Il revoit les petits oiseaux bleus du rêve du premier chapitre qui citent Lafontaine. Emil agonise, mais continue d’écrire son livre.

Chapitre 10 : Lucien sortit de sa caverne sent qu’il est devenu génial. Il sait où se trouve Dallie, va la chercher et la ramène ensuite jusqu’à son père. La famille s’en va de la forêt, en se complaisant désormais de son atmosphère angoissante, et en s’extasiant devant l’œuvre chaotique d’Emil.

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