Extrait de "Please Adjust Your Dress Before Leaving".

walkman

Et le combat reprend de plus bel, même si je suis le seul soldat. J'ai traîné ma carcasse amorphe et vide de sens à travers les vallées de Castille jusqu'en Andalousie ; une ligne verte à la manière d'une droite infinie qui m'a conduit de Madrid à Cordoue en passant par Tolède, notamment. J'avais dans l'idée de départ de rejoindre Séville puis Cadiz afin d'achever l'Andalousie en glissant sur la côte jusqu'à Gibraltar. En vérité la chaleur m'a donné soif de Maghreb. Mais à force de marcher tout droit sans me préoccuper des routes et des propriétés privées je me suis transformé en passant mal élevé, un marcheur sans ami qui discute avec son appareil photo pour meubler le silence glacial. Ce qu'il y a de regrettable dans mon autarcie virale, c'est que Lady n'est plus là et que je n'ai pas croisé le Delap espagnol qui m'aurait pimenté mon séjour. Jusqu'ici mon voyage solitaire se trouvait un but dans des rencontres fugaces et arrivait à se nourrir de ces courts moments de partage. J'avais pour mission de voyager seul à la découverte d'une autre humanité. Alors ma quête de solitude prenait un coup sur la tête et perdait sens et attrait. Plus j'avance plus je suis dégoûté d'avancer. Je suis parvenu à trouver des bons cotés à la vie standard, et finis par critiquer le sauvetage de ma vie sauvage. Je deviens peu à peu un globe-trotteur parfaitement ridicule. Celui qui se plaint toujours. Retranché à l'ombre de la Mosquée-Cathédrale tout droit venue de la «Reconquista». Je souris à la douceur de l'été en regardant les gens visiter ce quartier historique. Je suis à l'endroit où les religions se sont embrassées dans le dos de leur Dieu. Là où l'humanité à dominer le mythe divin. Au moins, j'ai l'inspiration qui me brûle les doigts, malheureusement mon ordinateur portable a rendu l'âme à Dublin. J'ai encore tout gâché comme un gosse capricieux qui supplie pour connaître ses surprises. Mon visage a cessé d'être émerveillé par l'imprévu. J'ai mis plus d'un mois à digérer l'erreur de ne pas avoir suivi Lady au Canada. Va-t-il falloir que ça swing jusqu'à ma mort ? Mon univers cosy a pris pas mal de poings dans la gueule. Je commence à être las de prendre le monde à contre-pieds en permanence. Je viens de perdre le goût de mon incroyable instabilité. Je n'ai plus rien, nada, que dalle... La planète bleue est belle mais ses rouages sont machiavéliques. Le parfait imparfait. Contre-pied. La cruauté de la chance avec de jolies figures de style. Je vois que ma vie me ressemble, et comme par hasard, je m'en rends compte au moment où je me déteste le plus. Alors que le bonheur danse, la tragédie est derrière les platines. C'est précisément cet univers que je m'efforce à fuir. Cet ordre préétabli que je déteste et qui fait de moi l'être abjecte, complexe et odieux que vous avez sous les yeux. Mon «moi» existentiel débordant  de bons conseils et de regards critiques à la con. J'ai pas fait Mai 68, ni les grandes révolutions de notre ère. Je n'ai jamais milité pour le respect des Droits de l'Homme ni apporté mon aide aux plus démunis. Je me justifie très bien : j'ai toujours trouvé ça contre nature de lutter contre la misère dans un pays riche qui se tourne les pouces sur ses acquis. On dit que je viens d'un pays qui a enfanté la forme référentielle de la liberté moderne, mais, comme moi, ce pays se fiche éperdument du respect de son passé. Ni parfaitement égalitaire ni fraternel, un pays fait de couches sociales qui se font face, critiques en amuse-gueule et incompréhension des autres en digestif. Des heures de glaces pilées qui n'arrivent pas à être brisées. Des camps d'hommes et de femmes qui se cherchent des différences fondamentales au milieu d'un paradis sur Terre, voilà l'image que je garde de mon pays natal. A mon image, c'est une nation enracinée dans un passé à la fois noble et houleux, capable du meilleur et du pire. Le pays qui me représente le mieux, alors que je passe mon temps à le maudire ou à décrier sa politique interne... Putain j'ferai un bel ambassadeur. Je ne vois pas mieux ailleurs et ce n'est pas ce que je cherche. J'en fais juste le constat global et subjectif. L'enfant à l'amour compulsif, toqué par des rêves inaccessibles. Vous me consacrez du temps, je parle de moi. J'ai aposé ma signature en bas de la dernière page du pacte avec le Diable. Il m'a fait transférer du monde réel sachant avant tout le monde que je n'étais pas fréquentable. Je m'adosse au monument d'un monde aussi barbare que mon esprit, aussi moyen que ma volonté. J'ai perdu le volontarisme du pluriel. J'ai troqué mon amour expansif contre une générosité restrictive. La politique du moi. Je fais mes fonds de poches pour sortir une clope et l'allumer. Des gens me regardent, voient que je ne suis pas comme tout le monde. Ils s'embarquent dans une analyse de mon style de vie. D'après mes vêtements savent dire si je suis à la mode, si je réponds aux critères. Ils me jugent sur un instant. La même rengaine depuis toujours. On me case dans une région du monde, me prête une laïcité imposée... On m'enferme dans une case, une caste, un rang social. Je fume ma clope en les laissant dévêtir mon âme pour la comparer à la leur. Ils se disent que ma loyauté a été pervertie par un corps tentateur, que je suis l'enfant d'un conflit familial, que je n'irai pas loin dans la vie. Leur doctrine est confortable et mon sort est scellé selon le destin d'une religion occidentale. On m'associe aux erreurs à ne pas commettre. Ces gens qui prétendent que seul Dieu me jugera objectivement. Sans savoir que je suis mon seul Dieu. Un penseur malade et drogué – ou l'inverse. Je file un mauvais coton. Gâche ma vie. J'aurai du m'accrocher à mes chances, saisir les instants, tenir les promesses. Voilà la synthèse démagogique. On me démocratise, donne mon corps à la science. Je suis soumis à l'opinion publique. J'ai suivi la mauvaise massification des normes sociales. J'ai un réseau obstrué, mon adolescence était forcément un prélude cataclysmique. Je n'ai que ce que je mérite et autre «on t'avait prévenu». Ne pas snifer les lignes de conduites... Puta madre. J'y avais même pas pensé. Les sourires moqueurs, j'adore. Les roses jetées sur mon passage laissent le caniveau pourpre. Je me lève, me mets en spectacle devant mes juges. L'humanité me regarde prendre mon pied sur des futilités. Oui, ma vie ne me nourrit pas. Je l'assume mal ? C'est vrai. Le Macdo me manque, j'arrive plus à me regarder dans à miroir après deux verres de Rhum, d'ailleurs je ne bois que cet alcool là. Je lui voue un culte débile, une fidélité mal placée. J'ai pas touché le corps d'une femme depuis longtemps, et mon public se dit que c'est normal... qui voudrait d'un connard pareil ? Ils pensent que si j'étais comme eux, je prierais parce que c'est tout ce qu'il me resterait. J'suis dos à deux religions, et pour eux c'est l'endroit idéal pour choisir la repentance. Mes péchés peuvent encore être absous. Je m'en fous. Je me tourne et écrase ma clope sur la paroi est de la Mezquita. Je suis un penseur sous-estimé, un écrivain maudit... je ne me prends pas pour une merde conforme à vos lois. J'écris des lignes. Pour me vider l'esprit. J'aime ce que je suis et je ne demande pas d'être apprécié. Je suis avec ou sans talent, bon ou mauvais orateur, piètre, ludique, vulgaire ou ce que vous voulez. J'aime la vie. Les pléthores d'idéaux, les dépendances pléonastiques, les grands mots, les petites victoires, les échecs, les dames tout ça me va bien. Je suis tel quel. Proche du vide. Pas là pour être fier d'avoir les poches pleines. Un incompréhensif pur et dur. Brutal, parce que je ne changerai jamais. Je suis paresseux, fatigué. Un homme dont on ne fait que de croire connaître. J'ai quatre saisons. Je vous emmerde, dans chacune d'elle. Et pour toujours. 

"Et le combat reprend de plus bel, même si je suis le seul soldat. J'ai traîné ma carcasse amorphe et vide de sens à travers les vallées de Castille jusqu'en Andalousie ; une ligne verte à la manière d'une droite infinie qui m'a conduit de Madrid à Cordoue en passant par Tolède, notamment. J'avais dans l'idée de départ de rejoindre Séville puis Cadiz afin d'achever l'Andalousie en glissant sur la côte jusqu'à Gibraltar. En vérité la chaleur m'a donné soif de Maghreb. Mais à force de marcher tout droit sans me préoccuper des routes et des propriétés privées je me suis transformé en passant mal élevé, un marcheur sans ami qui discute avec son appareil photo pour meubler le silence glacial. Ce qu'il y a de regrettable dans mon autarcie virale, c'est que Lady n'est plus là et que je n'ai pas croisé le Delap espagnol qui m'aurait pimenté mon séjour. Jusqu'ici mon voyage solitaire se trouvait un but dans des rencontres fugaces et arrivait à se nourrir de ces courts moments de partage. J'avais pour mission de voyager seul à la découverte d'une autre humanité. Alors ma quête de solitude prenait un coup sur la tête et perdait sens et attrait. Plus j'avance plus je suis dégoûté d'avancer. Je suis parvenu à trouver des bons cotés à la vie standard, et finis par critiquer le sauvetage de ma vie sauvage. Je deviens peu à peu un globe-trotteur parfaitement ridicule. Celui qui se plaint toujours. Retranché à l'ombre de la Mosquée-Cathédrale tout droit venue de la «Reconquista». Je souris à la douceur de l'été en regardant les gens visiter ce quartier historique. Je suis à l'endroit où les religions se sont embrassées dans le dos de leur Dieu. Là où l'humanité à dominer le mythe divin. Au moins, j'ai l'inspiration qui me brûle les doigts, malheureusement mon ordinateur portable a rendu l'âme à Dublin. J'ai encore tout gâché comme un gosse capricieux qui supplie pour connaître ses surprises. Mon visage a cessé d'être émerveillé par l'imprévu. J'ai mis plus d'un mois à digérer l'erreur de ne pas avoir suivi Lady au Canada. Va-t-il falloir que ça swing jusqu'à ma mort ? Mon univers cosy a pris pas mal de poings dans la gueule. Je commence à être las de prendre le monde à contre-pieds en permanence. Je viens de perdre le goût de mon incroyable instabilité. Je n'ai plus rien, nada, que dalle... La planète bleue est belle mais ses rouages sont machiavéliques. Le parfait imparfait. Contre-pied. La cruauté de la chance avec de jolies figures de style. Je vois que ma vie me ressemble, et comme par hasard, je m'en rends compte au moment où je me déteste le plus. Alors que le bonheur danse, la tragédie est derrière les platines. C'est précisément cet univers que je m'efforce à fuir. Cet ordre préétabli que je déteste et qui fait de moi l'être abjecte, complexe et odieux que vous avez sous les yeux. Mon «moi» existentiel débordant  de bons conseils et de regards critiques à la con. J'ai pas fait Mai 68, ni les grandes révolutions de notre ère. Je n'ai jamais milité pour le respect des Droits de l'Homme ni apporté mon aide aux plus démunis. Je me justifie très bien : j'ai toujours trouvé ça contre nature de lutter contre la misère dans un pays riche qui se tourne les pouces sur ses acquis. On dit que je viens d'un pays qui a enfanté la forme référentielle de la liberté moderne, mais, comme moi, ce pays se fiche éperdument du respect de son passé. Ni parfaitement égalitaire ni fraternel, un pays fait de couches sociales qui se font face, critiques en amuse-gueule et incompréhension des autres en digestif. Des heures de glaces pilées qui n'arrivent pas à être brisées. Des camps d'hommes et de femmes qui se cherchent des différences fondamentales au milieu d'un paradis sur Terre, voilà l'image que je garde de mon pays natal. A mon image, c'est une nation enracinée dans un passé à la fois noble et houleux, capable du meilleur et du pire. Le pays qui me représente le mieux, alors que je passe mon temps à le maudire ou à décrier sa politique interne... Putain j'ferai un bel ambassadeur. Je ne vois pas mieux ailleurs et ce n'est pas ce que je cherche. J'en fais juste le constat global et subjectif. L'enfant à l'amour compulsif, toqué par des rêves inaccessibles. Vous me consacrez du temps, je parle de moi. J'ai aposé ma signature en bas de la dernière page du pacte avec le Diable. Il m'a fait transférer du monde réel sachant avant tout le monde que je n'étais pas fréquentable. Je m'adosse au monument d'un monde aussi barbare que mon esprit, aussi moyen que ma volonté. J'ai perdu le volontarisme du pluriel. J'ai troqué mon amour expansif contre une générosité restrictive. La politique du moi. Je fais mes fonds de poches pour sortir une clope et l'allumer. Des gens me regardent, voient que je ne suis pas comme tout le monde. Ils s'embarquent dans une analyse de mon style de vie. D'après mes vêtements savent dire si je suis à la mode, si je réponds aux critères. Ils me jugent sur un instant. La même rengaine depuis toujours. On me case dans une région du monde, me prête une laïcité imposée... On m'enferme dans une case, une caste, un rang social. Je fume ma clope en les laissant dévêtir mon âme pour la comparer à la leur. Ils se disent que ma loyauté a été pervertie par un corps tentateur, que je suis l'enfant d'un conflit familial, que je n'irai pas loin dans la vie. Leur doctrine est confortable et mon sort est scellé selon le destin d'une religion occidentale. On m'associe aux erreurs à ne pas commettre. Ces gens qui prétendent que seul Dieu me jugera objectivement. Sans savoir que je suis mon seul Dieu. Un penseur malade et drogué – ou l'inverse. Je file un mauvais coton. Gâche ma vie. J'aurai du m'accrocher à mes chances, saisir les instants, tenir les promesses. Voilà la synthèse démagogique. On me démocratise, donne mon corps à la science. Je suis soumis à l'opinion publique. J'ai suivi la mauvaise massification des normes sociales. J'ai un réseau obstrué, mon adolescence était forcément un prélude cataclysmique. Je n'ai que ce que je mérite et autre «on t'avait prévenu». Ne pas snifer les lignes de conduites... Puta madre. J'y avais même pas pensé. Les sourires moqueurs, j'adore. Les roses jetées sur mon passage laissent le caniveau pourpre. Je me lève, me mets en spectacle devant mes juges. L'humanité me regarde prendre mon pied sur des futilités. Oui, ma vie ne me nourrit pas. Je l'assume mal ? C'est vrai. Le Macdo me manque, j'arrive plus à me regarder dans à miroir après deux verres de Rhum, d'ailleurs je ne bois que cet alcool là. Je lui voue un culte débile, une fidélité mal placée. J'ai pas touché le corps d'une femme depuis longtemps, et mon public se dit que c'est normal... qui voudrait d'un connard pareil ? Ils pensent que si j'étais comme eux, je prierais parce que c'est tout ce qu'il me resterait. J'suis dos à deux religions, et pour eux c'est l'endroit idéal pour choisir la repentance. Mes péchés peuvent encore être absous. Je m'en fous. Je me tourne et écrase ma clope sur la paroi est de la Mezquita. Je suis un penseur sous-estimé, un écrivain maudit... je ne me prends pas pour une merde conforme à vos lois. J'écris des lignes. Pour me vider l'esprit. J'aime ce que je suis et je ne demande pas d'être apprécié. Je suis avec ou sans talent, bon ou mauvais orateur, piètre, ludique, vulgaire ou ce que vous voulez. J'aime la vie. Les pléthores d'idéaux, les dépendances pléonastiques, les grands mots, les petites victoires, les échecs, les dames tout ça me va bien. Je suis tel quel. Proche du vide. Pas là pour être fier d'avoir les poches pleines. Un incompréhensif pur et dur. Brutal, parce que je ne changerai jamais. Je suis paresseux, fatigué. Un homme dont on ne fait que de croire connaître. J'ai quatre saisons. Je vous emmerde, dans chacune d'elle. Et pour toujours. "

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