Extrait Journal Intime (11)

Ce N'est Pas Moi, Ordi Hacké

Un concentré des 40 pages que j'ai écrit lors de mes 3 mois d'hospitalisation psychiatrique en 2013. Un vrai témoignage de bipolaire/borderline. J'ai juste enlevé les passages qui parlait de mon ex ; en respect de mon partenaire actuel. Le fait que le texte soit long peut vous faire fuir ; mais soit ne partez pas et prenez tout votre temps ; soit lisez en diagonale, soit ne lisez pas ;-)


14 août 2013. Vide chronique.


Je me rends compte que cela fait une semaine que je suis hospitalisée. J'ai perdu la notion du temps. Suis irréelle, ne comprend plus la vie depuis longtemps. Ne comprends plus les
passants, les regards, les bonjours, le bon appétit, les à bientôt, la bonne année, les anniversaires. Je comprends tout juste enfin la bonne santé. Même si certains n'en voient qu'une rengaine vide de sens. Je veux recouvrer ma santé. Ou tout simplement la couvrer. Ne l'ai-je jamais eu ? Je crois que non. Ce soir, je suis terriblement triste. Je ne veux pas le contact des autres. Je n'arrive pas à pleurer mais je pleure en placebo. Je me sens en vide chronique. C'est un symptôme de ma maladie. Mais ce n'est pas le fait de connaître ce symptôme qui me donne cette impression, comme les hypocondriaques qui se fient aux effets secondaires de la notice.  Non, j'ai ce vide chronique dont je ne peux faire la critique. Puisqu'elle est indicible. J'ai peur ce soir, je pleure ce vide.


LES MEDICAMENTS NE ME FONT PLUS AUCUN EFFET, RIEN. Je crois que les premiers jours n'ont été que du PLACEBO. Je pourrai tout autant être chez moi. Sans médicaments. On ne me soulage pas ici. Je veux qu'on me défonce l'esprit pour passer le cap de l'hospitalisation, qu'on me relâche non défoncée, donc dans un état lamentable jusqu'à ma reprise de suivi à Saint Nazaire. J'ai toujours affronté toutes ces crises, j'affronterai la prochaine, irrémédiable. Elle ne sera pas fatale, je n'ai pas le DROIT. Je n'ai pas reçu le ticket du suicide. Je dois attendre la distribution....à la place sont les heures du repas. Ah...les repas... J'aimerai ne pas être à l'hôpital mais chez moi, sous ma couette. Ici, je mange un pain confiture et un yaourt par jour. Ici je dors le drap au dessus de ma tête. Je veux me cacher du monde. Le monde me fait souffrance. Mon moi aussi. Je ne peux pas cacher mon moi, seul le monde à travers l'enfouissement du drap. Alors, je ne suis plus claustrophobe de me cacher dans ce lit froid. Comme tous les lits d'hôpitaux.

L'aide soignante et l'infirmière me disent que je ne mange pas. Oui, et ? C'est un constat. Si c'est un constat sans suite, il ne sert à rien. Pourquoi faire des constats sans suite ? Sans conséquence professionnelle. Allo ? Quelqu'un m'entend t-il ?

La vue de la fenêtre est un parking. J'y vois ma voiture. Mais les soignants m'ont pris mes clefs. Je ne peux m'échapper et prendre le large. Les portes sont d'autant plus verrouillées à
19 heures. Je suis emprisonnée physiquement, mais surtout moralement. Je suis en désolation. Déshydratation de ma vie. Ma vie, pourquoi. Le big bang, pourquoi. La tristesse et la joie, pourquoi. J'aimerai être le nain simplet qui a un cardiogramme aussi plat qu'un calme paradisiaque. Je n'ai plus la niaque. Je suis très symétrique. Alors pourquoi ma vie est un bordel ? Un appartement qui s'apparente à a Badgag ? Des dossiers administratifs que j'aurai du envoyer en septembre ? Pourquoi la dépression me rend tétraplégique ?

J'ai besoin de ma voiture mais ça veut dire plus de Tercian et plus de Seresta. Or, ce sont mes deux seuls sauveurs du moment. Non, je me trompe, ils ne marchent pas une miette. Je vais donc sortir d'ici en miettes. Il faut qu'il me foute sous Tercian à fond, toute la défonce alors, merde j'ai trop mal. Pourquoi me donner 18 smarties par jour de médicaments, qui plus est sont dégueulasses ? Soulagez-moi juste fin août et septembre, je ne demande pas trop. Au bout de 7 ans, je demande peu non ?

Je suis indifférente. Différente, du monde réel. Comprends pas les gens. D'ailleurs. Moi, et pas toi, pas eux ?
Baudelaire : “Plaisirs, ne tentez pas un cœur sombre et boudeur comme le mien”. Je m'étais appropriée cette phrase. Mais j'ai du mal à redessiner les plaisirs. Baudelaire, où les a tus cachés ?
Panse, Panse, Panse-moi. Pense, Pense, à moi. Je pense à toi. Chaque seconde de ma vie, chaque pore de ma peau, chaque image dans ma tête.

La nuit est en train de tomber. J'ai très peur, cela veut dire que demain je vais me réveiller.


Tiens, je vais aller fumer. Bonne nuit comme on dit. Pourquoi se sent on toujours obligés de dire “bon” ou “bonne” quelque chose ? On ne peut pas avoir l'arrogance de croire que les choses seront bonnes ou non pour autrui. On devrait plutôt dire : J'aimerai que tu passes une bonne nuit. C'est comme les “ Bonjour, ça va ? “ Qui peut oser répondre “ Non “. Tout n'est qu'un jeu de dupe, parce qu'au final, personne ne veut savoir comment va l'autre. Tout le monde se regarde le nombril. 

Je n'ai pas de perm ni de sortie de parc autorisée, je m'emmerde, je m'emmerderai tout autant ailleurs. J'ai peur, merde.

  • Tu as raison, la souffrance des autres dérange. Nous vivons dans un monde de convenances, mais c'est aussi une façon de vivre... Quel chaos tu as traversé ! Désirer le suicide mais sans souffrir et sans faire souffrir les autres, comme si on avait la faculté d'effacer notre souvenir dans la mémoire de ceux qu'on veut épargner.

    · Il y a plus de 7 ans ·
    Coquelicots

    Sy Lou

    • Et oui... Et en cela, tu es courageuse... Quelle force de caractère il t'a fallu pour parvenir à survivre ! Je ne sais pas si tu te rends compte... Et j'espère aussi que tu as pensé à avoir pitié de toi, que tu as pensé à pleurer sur cette jeune femme en souffrance que tu as été. Pense à te prendre dans tes bras, à te bercer toi-même si tu n'as personne autour de toi pour le faire. Pense à avoir beaucoup de bienveillance pour toi, beaucoup de respect pour tout ce que tu as su surmonter. En bref, aime-toi et tu verras que tu trouveras ta place dans cette vie que tu sembles supporter plutôt que vivre. Tu peux m'écrire si tu veux.

      · Il y a plus de 7 ans ·
      Coquelicots

      Sy Lou

    • Ne faut-il pas que tu sois abonnée à moi pour échanger en message privé ? Cela dit, je suis heureuse que tu aies rencontré un homme qui t'aime. Je me doutais que tu ne t'aimais pas. Je veux te prédire qu'un jour viendra où tu te verras différemment. Ce ne sera peut-être pas le grand amour avec toi-même, mais tu seras réconciliée avec toi. Et à partir de là, tu sentiras battre ton cœur pour toi, tu sentiras poindre des émotions pour cette femme fragile et si forte pourtant ! Courage !

      · Il y a plus de 7 ans ·
      Coquelicots

      Sy Lou

  • Dans le zen, Alice, on dit que la vie 'est comme le reflet de la lune sur les eaux d'une rivière. Durant un court instant l'eau s'illumine puis poursuit son chemin vers la nuit, le passé, sans retour possible. L'instant présent c'est ce reflet, celui de la pensée apaisée.

    · Il y a plus de 7 ans ·
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    Christian Le Meur

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