[Extrait ] Le retour de l'épouse prodigue

sadnezz

- Ne parle pas de mon fils comme d'un petit gibier inconsistant.

Il n'y a que moi qui le puisse. Le forger à ma façon, à mon image et sans commune mesure . Sans demi mesures. Ne sais tu pas qu'il y a de l'amour dans la dextre punitive d'un père? Mais si, tu le sais. Tu le cherches. Et tu l'alimente comme un foyer d'hiver qui maintient mais que l'on tient à distance. Et même si cet amour là est un des plus égoïste qu'il soit, même si je ne grandit que moi en mettant cet enfant debout ... Garde toi de me le faire remarquer.

Le minuscule corps s'était lassé de s'éparpiller, la position offerte et défaite avait été balayée par des réflexes tous candides. Amadeus s'était recroquevillé, boule vaguement spasmodique au sommeil agité, Sa bouche faisant refuge à de potelés doigts poussiéreux. Judas porta un regard grave à l'adolescent qu'il ne considérait pas comme tel. Un homme, si jeune fut-il ne pouvait pas exceller en actes sans maitriser l'art de choisir ses mots. Règles Judéenne dont l'esprit s'avérait souvent plus étroit que le con d'une vierge. Les mots étaient masques. Les manières garde-fou. Qu'il était imprudent de sortir ainsi sans couverture... Le visage du satrape revint au feu tandis que l'objet de toutes les convoitises fut placé dans le confort relatif d'une fourrure où une chienne cherchait elle aussi le réconfort, mamelles en paires gonflées pour une progéniture absente. Il passa une main sur sa nuque noueuse, cherchant peut-être à l'apaiser, chuchota presque.

- Tu couvriras ton visage si ça te rassure, et tu drogueras sa mère plutôt que lui. Elle a retardé d'un an sa marche en le portant comme un convalescent impotent , gage que pour la parole, ce petit n'est pas prêt de te dénoncer...

Le seigneur gardait à l'esprit une infime part de tolérance pour Hugo, fort de se croire maitre d'un apprentissage en cours. Aussi, prenant ce rôle à coeur il laissait facilement poindre sa satisfaction, sa colère ou son exaspération. Le crin brun se secoua, corbeau offensé et paternaliste.

- Et puis je sais endormir une sotte, et autrement qu'avec des gifles, ne manque pas tant d'humilité ...! ... Je te fournirai de quoi verser dans son repas. Et si cette idiote jeûne, tu n'auras qu'à la pousser dans les escaliers ou être le plus discret des maraudeurs.

Il mangea enfin l'offrande à la chair sèche, dévolu au lièvre musculeux de trop rester alerte à l'abri de la main assassine de l'homme. La nuit avait pris ses quartiers, enfin. Les chiens avaient cessé de fureter, les chevaux avaient laissé reposer le sabot en équilibre et la fumée piquait le nez du Von Frayner... Jusqu'à ce qu'il se lève sur les fourrés, senestre se portant lentement sur un couteau de chasse à sa ceinture. Un bruit venait de troubler le calme du camp disparate.

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