Faites gaffe à l'eau
Thierry Kagan
Qui, une fois, n'a pas vibré devant une tringle à rideau ?
Qui, après trop d'excès de vie, ne rêve de disparaître derrière un fil à couper le beurre ?
Personne, me direz-vous.
Mais quand ça déborde trop, y a un moment, faut mettre les bouchées doubles.
Sans trop pousser tout de même…
Dimanche dernier, fin d'après-midi, au lendemain d'une fondue savoyarde riche en oligo-éléments mais pas que, j'ai décidé de raffermir un corps.
En l'occurrence, le mien.
A part des bouts de pain qui ne m'appartenaient pas, j'ai saisi - par cette masse molle restée sur l'estomac 18 heures durant (du fait, certainement, d'un surétanchement à l'eau) - une bonne raison pour inaugurer enfin un costume saillant de chez Décathlon et tenter de transpirer mon gras.
Pour ce faire, un bois.
Plus précisément, de Boulogne.
Je me retrouve donc, non pas aux aurores quand la rosée perle, mais au moment où elle ne fait rien, tout en sachant que son heure viendra, pas plus tard que le matin suivant.
Par cette soirée tombante, des bourgeois s'en retournent paisibles de leur promenade bourgeoise, des parents jettent à la poubelle les saloperies collectées par leurs gosses, les pitbulls sucent leurs derniers humérus, des VTT se la pédalent douce et quelques coureurs à pied sur le retour, refoulent du bitume après l'avoir trompé dans des sentiers terreux.
D'ailleurs, d'elles-mêmes au bout de quelques centaines de mètres, mes Nike Air me portent, sans rien demander, dans le premier chemin de traverse.
Là, très vite, commence un nouveau monde : dans la verdure plus dense, pendu à un arbre, un lit pliant - plié - au bout d'une corde.
Un peu plus loin, une couverture à décor de feuillages, tendue et camouflée entre les troncs.
Et de plusieurs parts, sortant des écorces, des paires de bras ou de jambes (or, vous savez comme moi que les arbres n'ont pas de membres).
Moi, je cours, j'ai la fondue à dégraisser.
Tout à coup, je croise des yeux qui n'ont pas de Nike Air - mais vraiment, pas du tout – et qui me regardent bizarre.
Cours-je si bien ?
Peut-être !
Bon, je ne suis pas naïf : je sais que des gens s'embrassent et se frottent dans les bois.
Les gens et les bois, c'est fait pour ça.
Certainement, je feins mal l'ingénu, ça se voit dans ma foulée qu'ils ne prennent pas du tout au pied de la lettre.
Je l'arrête donc et sautille sur place, pour la contenance. Et de faire au sol quelques abdominaux.
Curieux, ces êtres s'approchent de la performance.
Croient-ils que je tente quelque chose sur moi-même ?
Fissa, je me relève et de retrouver très vite le chemin de chez moi, sans écouter mes Nike qui en redemandent.
De boire trop d'eau durant une fondue, on ne m'y reprendra plus.
D'un autre côté, c'est un bon prétexte pour aller au bois...
· Il y a presque 9 ans ·Thierry Kagan
Des dangers du jogging après une fondue savoyarde...Excellent mon cher...
· Il y a presque 9 ans ·arthur-roubignolle