Fantaisie en vers (35)

Alain Balussou

pièce 35 de La fin de l'autarcie

Fantaisie en vers pour une petite horreur ecclésiastique

suivie d'une deuxième petite horreur en prose pour la

route


Mon père avait sept ans, en mille neuf cent trente,
et son père un parcours syndical et soufré.
Il est très rare qu'une rime se présente
facile et appropriée : la famille en souffrait.


Mon père traînait donc ce handicap étrange
qui lui venait du sien. Un soir du mois de mai,
par l'opium des fleurs ou la candeur des anges
il entra chez Mafuste, abbé déjà nommé,


il entra dans l'église où l'on prie la madone
tout ce mois, à genoux, délit à qualifier
dans les lieux où sourit la vierge qui pardonne...
pas Mafuste : il se sent vengeur car défié,


devant tous ses Chrétiens il chasse de l'Eglise
(qui plus jamais, détail, ne lui appartiendra)
oust ! le malfrat aux manches courtes, la chemise
de ce petit salaud lui couvrait mal les bras.


Tout ce qui compte un peu dans un village honnête
plaida "mais, cet enfant n'en est pas mort". Non. Morts,
Cuauhtémoc et Grandier , l'étaient, depuis lurette,
Lorca, Robert Desnos, Max Jacob, pas encor.

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  La même carence, chez l'abbé Mafuste, s'était déjà
manifestée dans ses relations avec ma famille, côté maternel et dix ans plus tôt.
  Ma grand-tante Henriette avait eu un enfant d'un homme qui n'avait pas voulu l'épouser puis était mort à la guerre. Le jour du
baptême de Louise, innocente petite bâtarde, Mafuste, de son
initiative ou par application d'usage ou consignes, pria le sonneur
de cloches de ne pas sonner.

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