Faux espoirs

Lucile

 On en est à combien maintenant ? Quatre ? Cinq ? On va dire quatre, ça fera peut-être un peu moins chier. Quatre, c'est pas beaucoup et en même temps c'est énorme.  Quatre faux espoirs. C'est trop. Quatre faux espoirs que tu guérisses, et ce depuis six ans. Six ans. C'est trop aussi. Et les rendez-vous à l'hôpital on en est à combien maintenant ? Je ne compte même plus. Je ne compte plus non plus le nombre de fois où j'ai pleuré. Pourtant je veux pas pleurer, je dois être forte. T'es forte toi maman. Moi pas. J'essaie mais j'y arrive pas. Je suis impuissante, je peux rien faire et ça me bouffe, ça me ronge. Je peux t'aider pour les tâches ménagères, et après ? C'est tout. Je peux sourire aussi, mais c'est qu'une façade. J'ai toujours la joie de vivre, elle fait partie de moi, mais la douleur aussi elle fait partie de moi. Elle est juste enfouie, cachée tout au fond. Et si on gratte un peu à la surface, on ne trouvera rien. Je veux pas que ça recommence, et pourtant je crois que c'est déjà trop tard. Je veux pas que tu recommences à sauter les repas, à t'allonger sur le canapé, étouffée par le plaid. Non je veux pas. Je  veux pas que ce soit silencieux à la maison, je veux pas ne plus entendre les rires, je veux pas que tu sois encore en arrêt maladie. Je veux pas. Je veux plus. Je veux plus que t'aies ce foutu mal de tête. Et pourtant il est en train de revenir. Encore. Je le sais parce que tu te frottes les yeux. Je le sais parce que tu es fatiguée, ça se voit sur ton visage. T'as plus les yeux qui pétillent, mais t'as les traits tirés. Y a une citation qui dit « Si la vie te donnes une centaine de raisons de pleurer, montre à la vie que tu as un millier de raisons de sourire », c'est plus facile à dire qu'à faire, mais je veux essayer.IgG4. C'est le nom  pourri de la nouvelle merde qui t'accompagne. Parce que tout ce que tu as eu avant c'est pas suffisant, autant en rajouter une couche. On est combien en France déjà ? Plus de 66 millions. Et vous être combien à avoir cette merde ? Une centaine. Évidemment, fallait que tu fasses partie du lot, sinon ce serait pas drôle. Parfois j'ai l'impression que le sort s'acharne. Que la lumière au bout du tunnel s'éloigne à chaque fois un peu plus. Je me demande si tout ça va s'arrêter à jour. Je me demande si tu seras enfin tranquille. Je sais que tu n'en seras jamais totalement débarrassée, c'est bien pour ça que les maladies incurables existent. Au fond de moi je rêve qu'un jour ce soit terminé. Mais faut que j'arrête d'autant espérer, parce que je ne fais qu'être déçue. Déçue par tous ces faux espoirs.

 

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