Faux pas

Francesca Calvias

Plainte.

 

 

Angélique et ses parents se rendirent au commissariat pour déposer plainte contre Dylan. Il était assez tard et le commissariat fonctionnait au ralenti. La jeune fille et ses parents durent attendre assez longtemps dans la salle d’attente avant d’être auditionnés. Il se passa une bonne heure avant qu’ils ne furent reçus par un policier assez désagréable, un vieux garçon aigri qui se mit à parler agressivement à Angélique. Angélique et sa mère ne savaient plus trop quoi dire. Son père pria le policier de se montrer plus poli. L’homme le regarda d’un œil torve mais ne répondit rien. Le policier expliqua qu’il avait reçu un coup de fil de Michel. Ce qui ne semblait pas lui plaire.

-C’est parce que tu es au courant du fait qu’il a déjà été accusé d’attouchements que tu viens déposer plainte ? Demande-t-il brutalement à Angélique, qui se mit à pleurer. Elle avait l’impression que le policier ne la croyait pas, ou lui reprochait d’avoir été passer l’après midi chez sa copine. Elle avait vraiment l’impression que le policier essayait de lui faire comprendre qu’elle avait provoqué le délit, rien ne serait arrivé si elle n’avait pas été là. La fillette a envie de s’enfuir du commissariat et de tout laisser tomber.

Ses parents réagissent instantanément. Là c’en est trop !

-Monsieur si vous ne souhaitez pas traiter notre plainte, mettez nous en rapport avec un de vos collègues.

-Oui. Renchérit sa mère. Votre travail est de prendre notre plainte et non de porter un jugement sur notre fille.

Une jeune policière blonde s’approche du bureau. Elle sourit gentiment à Angélique.

-Je ne devrais pas dire ça, mais Francis est un vieux garçon aigri… il n’a aucune psychologie. Il ne sait pas s’y prendre avec les enfants, ni avec personne d’ailleurs ! Ne faites pas attention à lui. Vous serez convoqués ultérieurement par la brigade des mœurs. Eux s’occuperont de vous et vous aideront en cas de besoin. En attendant je vais faire les photocopies des auditions et ensuite vous pourrez partir.

La mère d’Angélique sourit à la jeune policière. Merci beaucoup.

Au moment où la petite famille sortait du commissariat, une Peugeot 406 verte se garait devant l’entrée.

-Hé Françoise !

La mère d’Angélique se retourna. Grand, mince, cheveux bouclés, visage bronzé, vêtu d’une veste en cuir brun et d’un jeans élimé. Le policier en civil qui sortait de la voiture banalisée était Tony Dufour, un ancien copain d’école.

-Tony, bonjour. Comment vas-tu ?

-Moi ça va. Répondit-il en serrant la main au père d’Angélique. Mais à vous voir à trois au commissariat à cette heure-ci, avec une mine aussi sombre je soupçonne un problème…

Malgré sa nervosité, Françoise se mit à rire. Tu es perspicace dis donc.

-Tu m’expliques ?

-Ici ? Comme ça ? Demanda le mari de Françoise.

Tony regarda le couple et sa fille. Ils avaient l’air tendus. La petite était même à deux doigts de pleurer. A coup sûr elle avait été agressée dans ce quartier de merde, voir même pire. Ok. Laissez-moi deux minutes et je vous raccompagne, on pourra discuter à l’aise devant une tasse de café. Je vais prendre mon break chez vous. Rajouta Tony avec un clin d’œil.

Quelques minutes plus tard, assis dans le fauteuil face à Angélique qui pleurait maintenant à chaudes larmes, Tony écoutait son amie d’enfance lui expliquer ce qu’avait fait Dylan à sa fille et ce que Lucien leur avait expliqué l’autre jour.

-Putain de merde ! Lança-t-il en déposant sa tasse vide sur la table de salon. Oh excusez-moi les enfants… fit-il avec un sourire en coin. Vous avez expliqué ça à Francis ?

-Ben non, il n’avait pas l’air d’avoir envie de nous croire. Il semblait penser qu’on lançait des accusations fantaisistes sur Dylan parce qu’il a mauvaise réputation dans le quartier.

-Connard ! Ca ne m’étonne pas de lui. Ce qui m’énerve c’est que c’est encore une fois Schuller qui va travailler sur ce dossier.

-Qui est ce Schuller ? Interrogea Françoise.

-Un collègue. Répondit Tony avec une grimace.

- Tu n’as pas l’air de l’apprécier. Souligna Thomas.

-Ca tu peux le dire mon grand. Ce mec est… je sais même pas comment t’expliquer ! Si je te dis qu’il est responsable de la mort de Renaud Massin, de l’autre gamin et des trois flics… tu comprends mieux mon dégoût ?

Françoise devint toute blanche. Angélique se mit à pleurer. Nicolas serra les poings.

-Tu es sérieux ? Interrogea Thomas.

-Malheureusement. Et ce que vous venez de m’expliquer m’en donne la certitude absolue. Il a poussé ce gamin au suicide en sachant qu’il n’avait rien fait, que le vrai coupable était Dylan.

-Et qu’est ce que tu comptes faire ? Tu vas le dénoncer quand même ? Demanda Nicolas.

-Ce n’est pas si simple malheureusement. Je dois d’abord réunir des preuves.

-Mais enfin Tony… tu ne peux pas le laisser continuer ! Objecta Françoise.

-Tu sais, si je pouvais je le balancerais sur le champ cette ordure. Mais voilà. Je n’ai rien de concret. Les paroles de Lucien Faidherbe que vous m’avez transmises. C’est trop peu. Schuller est un malin. Si je l’attaque avec ça, il se protégera de manière à ce que je ne puisse plus m’en servir. Alors malheureusement il faut attendre. N’oubliez pas que je n’ai pas une excellente réputation moi non plus… Rajouta le policier en souriant.

-Mais tu n’as jamais tué personne ! Commença Françoise. Enfin… Se reprit-elle, je crois…

Tony éclata franchement de rire. Tu crois ? Mais tu n’en n’es pas plus sûre que ça hein ? T’en fais pas va, tu n’es pas la seule ! Je sais bien ce qui se dit dans le quartier. Puis, plus sérieusement. Je ne suis pas un saint Françoise, mais les enfants c’est sacré pour moi. La manière dont Schuller gère son service depuis des années me rend malade. Il est plus pervers que les violeurs et les pédophiles qu’il arrête. Je ne supporte pas ce qu’il fait. Sans parler qu’il m’a fait un sale coup il y a quelques années de ça. Je te promets que je vais utiliser tout mon temps libre à trouver des preuves contre lui.

  • C'est souvent comme ça dans les commissariats, on a beau savoir qu'ils en entendent des vertes et des pas mûres, ça les rend méfiants quand les personnes qui déposent plaintes sont sincères

    · Il y a plus de 10 ans ·
    Yoda 24 04 09 002 92

    yoda

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