Tati au bord du gouffre

lafaille

Concours Félix Vallotton : Intérieur, femme en bleu fouillant dans une armoire.

Je ne sais pas pourquoi, ils veulent encore m’enfermer, faites des gosses. La semaine dernière j’ai foutu le feu à ma baraque sans m’en apercevoir, je n’ai pourtant pas azheimer, et celle-là qui me scrute depuis tout à l’heure.

_ Dépêche toi Tati on va être en retard.

_ Tu crois que ça me fait plaisir d’aller à l’hosto.

_ On en a déjà discuté Tati. Soupirs.

Cette armoire, que des affaires trop grandes, je ne veux rien emporter, je reste en robe de chambre, ça leur fera les pieds.

_ Tati tu ne vas pas encore rester dans cette robe de chambre bleue ?

_ Pourquoi ?

_ Pourquoi pourquoi pourquoi ? Je me plonge dans l'armoire, fouille, des vêtements volent, des souvenirs avec. Pour quoi je suis comme ça, merde j’ai tout perdu, mon mari, mes enfants, et ma nièce bientôt. Je ne suis pas méchante je suis malade, c’est pas moi qui le dis, c’est le docteur. Malheureusement ma maladie a de l’avance sur la médecine.

J'ai toujours été en avance, les émotions fortes et embarrassantes qui vont avec. Si seulement on pouvait me laisser tranquille, et alors, même si je mets le feu, qu'est-ce que ça peut leur faire, qu'ils aillent tous au diable, ils ne comprennent rien. Et Charlotte, qu'elle m'énerve à me surveiller, derrière moi comme si elle était prête à me sauter dessus dès la première connerie. Mais laissez moi crever en paix. On ne peut même plus s'immoler tranquillement chez soi. 

_ Alors Tati t'as trouvé quelque chose à te mettre ?

_ Non.

_ Ben qu'est-ce que tu fais là-dedans depuis tout à l'heure ?

_ Rien

_ Rien ? 

_ Non, rien. Et même ça ne te regarde pas.

Charlotte souffle, bon on y va, l'ambulance attend.

Tati part en sanglots, gardant sur le dos ce qui lui reste encore de familier, cette robe de chambre bleue, elle ne la quittera pas jusqu'à sa mort, emportant avec elle le secret que contenait ce vêtement qu'elle aimait tant.

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