Ferenc Feher – Morgan and Freeman – festival La becquée

Laure Cassus

Multitude des états d’âme circulant sur un même danseur en formation augmentée. Solo.

 

 Y en a un qui aime et y en a un qui veut se libérer, c'est classique, mais là dans ce pantomime ils sont la même personne, du moins sur le plan physique. Chorégraphie pour un danseur sombre et sa marionnette échevelée, convoquant Antonin Artaud dans la lugubrité, la douleur et le cri. Le tout en silence, c'est cela surtout, un duel fusionnel en silence, si ce n'est la musique, remarquable d'intensité, composée par Ferenc lui-même.

Musique de superpositions : la corde grattée d'une guitare en gros plan (sonore) sur fond de flashes métalliques. On est en pleine épilepsie et le corps de Ferenc Feher est convulsé de spasmes, force de danse au potentiel incroyable. On a beaucoup de spirales partant d'un genou ou d'ailleurs et se diffusant en onde sonore sur le reste des membres, faisant entrer en résonnance ces chairs, parfois mourantes . La marionnette est secouriste dans ce cas, épuisée de tant d'effort, elle transpire. Bagarreuse d'autres fois, elle saisirait son personnage au cou pour le saigner. Elle est son enfant souvent, son chat câlin ou son lapin hystérique. Lui il a le regard du tueur souligné de khôl, le regard du fou pas drôle de l'hôpital psy les globes exorbités par le sarcasme. Le regard du clown baladin quand c'est elle qui le mène par le bout du bras, le regard du noyé aussi, le regard du narcissique sous les appareils photos quand un de ses bras en appui prend la pose.

Parfois on sent que c'est lui le démiurge de cette pauvre chose de coton, parfois bien sûr c'est elle la marionnette qui prend la tangente. Et parfois, il ne lui reste qu'elle, qui se tient droite et ferme face à lui, dans l'air trop étroit de sa bulle.

Il lui apprend aussi  à danser, à le regarder et à le respecter. Ses chaussons sont noirs et son pantalon à carreaux le marquent d'un tragicomique extrêmement sophistiqué, immensément réalisé et juste. L'homme est habité. La marionnette quant à elle retrouve son doudou à la fin car l'humour rode sans cesse autour de ce vortex.

 

 

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