Fin de monde

Susanne Derève

 Ce début de siècle est la fin d'un monde        

De consciences figées en croyances désuètes,

De doctrines en dogmes

La fin d'un monde

Mais nous ne le savons pas encore

Faudrait-il épouser ce nouvel idéal de la Silicone Valley ?

J'ai cru si longtemps à des tas de choses ……

Mais le bolchevisme est aujourd'hui rangé au rang des mythologies

Rimbaud a déserté le Verbe pour conquérir l'Abyssinie

Et Blaise Cendrars n'a jamais pris le Transsibérien

Poème est toute chose

Toute chose est poème

Ce fut mon tour enfin de découvrir l'Amérique

Et j'ai soudain compris combien cette démesure géologique avait du imprimer sa marque dans le cœur des hommes

Le flamboiement dantesque du  grand canyon dans le soleil couchant

Ses abymes sombrant doucement dans la nuit monochrome

Tel le naufrage d'un gigantesque navire entraînant avec lui les derniers fastes d'un monde à reconstruire

La beauté émergeant du néant à travers les paysages lunaires de la Death Valley,

Et soudain je fus l'aigle  au dessus des hoodoos,

Planant au-delà des fragiles cheminées de fée de Bryce Canyon

Au point que le vertige m'a saisie de l'immensité d'un tel pays

La fin d'un monde

De certitudes figées en vérités obsolètes,

Du grand Ogre d'Amérique, de la photo du Che,

Des dictatures destituées plongeant dans le chaos

Et ce chaos du monde tout entier que nous avions cru devoir s'apaiser

Et qui a enfanté des barbares

A mes pieds en mille morceaux brisés mes rêves

Et plus d'Abyssinie pour les reconstruire

Et qui fait-il rêver encore ce Transsibérien de la discorde et de la guerre

Faut-il donc se terrer comme un lièvre en hiver ?

Les soubresauts immondes, les miasmes d'un vieux corps nous aveuglent sans doute

La fin d'un monde

Mais nous n'y croyons pas encore

                                               

 

 

 

 

 

 

 

 

 
  • A chaque instant le sol se dérobe sous mes pieds :

    J'avance dans le vide, et je me surprends à marcher
    sur quelque chose, qui ne semblait pas possible,
    un instant plus tôt.
    C'est que l'horizon cerne mon monde.
    Et il est plutôt limité :
    je ne connais des choses que par oui-dire,
    ou à travers ce qu'en ont rapporté les journaux,
    ce qui est couché dans les livres.
    On peut leur faire confiance,
    mais cela ne remplace pas l'expérience de la marche solitaire ,
    et la sensation de l'air, du sable ou de la roche, ,
    ancrée dans le paysage: attache du minéral au vivant,
    elle même ancrée dans mes yeux , et que je peux, faute de mieux,
    décrire avec quelques mots maladroits ,
    comme d'autres l'ont fait, si l'on accompagne Cendrars dans le transsybérien,
    Rimbaud en Abyssinie, jusqu'à s'y perdre, littéralement,
    ou Jules Verne, qui aurait tout inventé, sans presque sortir de chez lui....

    Ceci dit les éléments auxquels on se confronte "pour de vrai" , sont toujours plus forts :
    ils brûlent, tel le soleil d'Afrique,
    ils écrasent, comme les murs des montagnes,
    ils s'étalent à l'infini, comme les océans brumeux,
    ils nous prolongent notre existence dans l'inconnu,
    pieds nus dans la mangrove, entouré de reptiles,
    sous les crevasses bleues des glaciers.

    C'est ainsi que l'on entre dans les fastes d'un monde,
    On pourrait se contenter de le contempler
    sur un catalogue d'agence de tourisme, ou suivre un reportage télévisé .
    Mais les fastes du monde, ce ne sont pas seulement les kilomètres avalés,
    et qu'on peut « reprendre » en quelque sorte,
    puisque possédant le billet retour...

    mais se perdre quelque part,
    et se perdre en soi, perdre ses certitudes,
    sa langue, ses habitudes alimentaires,
    pour imaginer vivre ailleurs,
    oubliant la terre natale et ce qui s'y rattache,
    abandonner une vie qui peut encore servir,
    comme si l'on changeait d'habits ...
    . ..une mue volontaire .

    On ne saurait même plus ce qu'est la beauté, car,
    plutôt que d'être extérieure, elle serait à l'intérieur de soi ,
    impossible d'être détachée du vécu .

    C'est en quelque sorte le vrai poème,
    où tout peut naître à l'intérieur de chaque chose ,
    et , s'il faut le traduire en mots ,
    ce seraient avec des expressions qu'on n'aurait pas imaginées un instant plus tôt :
    construisant son vocabulaire au fur et à mesure
    à l'image d'un fil, comme l'araignée,
    pour pouvoir capturer le monde, et nous y accrocher .

    Mais nous n'y croyons pas encore...

    n'étant pas prêts à y brûler nos ailes .

    -
    RC - mars 2018

    · Il y a plus de 6 ans ·
    Tulip  avr  21  03

    rechab

    • mais crois-tu qu'on choisisse ?

      · Il y a plus de 6 ans ·
      Photo

      Susanne Derève

    • certains font ce choix, oui, mais la plupart, nous sommes prisonniers de notre condition.

      · Il y a plus de 6 ans ·
      Tulip  avr  21  03

      rechab

    • je pense oui

      · Il y a plus de 6 ans ·
      Photo

      Susanne Derève

Signaler ce texte