Fin et soyeux

Tout perdre sur un chemin, un sentier, voir sa vie tomber en désuétude, destin obsolète, tout changer, tout refaire à la sueur de son front, même pas un ami pour nous accompagner, nous aider, juste le temps avec soi, précieux et cruel, il file entre les doigts, s'accroche à vos rides, votre visage épais, fripé, abîmé, esquinté. S'orienter grâce aux montagnes, fidèles, hautes, majestueuses, seules compagnes avec la forêt qu'on longe inlassablement, trait d'union entre  contes et réalité. Recommencer avec quelqu'un, entre rêves et poings fermés, plus que jamais, éviter les erreurs faites, accomplies, avoir dans la tête plus qu'un songe, quelque chose de vrai, d'authentique, refaire le lit défait, défroissé, bannir toutes les lois de la cité, en créer d'autres peut-être, si les hommes jouent le jeu, entrent dans la danse.

Garder une place à table pour le pèlerin qui marche et voyage, mains dans ses poches trouées, semelles qu'on devine élimées jusqu'à la corde, en faire un homme nouveau, propre comme un sou neuf. Etre cette personne généreuse qui donne et qui l'accompagne en pensées, en paroles qui résonnent avec bienveillance comme la chanson d'un vieux carrousel. C'est l'automne, bientôt l'hiver gercera les lèvres, les arbres nus... La route sera une immense bande pleine de givre qui se déroule devant le voyageur avant que des coeurs chaleureux l'arrêtent au coin d'un feu qui crépite et lui racontent l'histoire d'une vie qui rêvait d'être elle aussi, un nomade, un qui marche dans le désert des hommes et d'un sable fin et soyeux tel le coeur d'un nouvel homme.