FLINGUES
Mitaine Crocq
Il sourit l'Occident, oubliés onguents et pansements;
il pavoise à pleines dents, de la paix offerte à ses enfants;
il mouille, le Parlement, et pas grâce à l'Ill;
il mouille de son Nobel, sous sa verrière tranquille.
Il mouille en vain, parce que l'Occident vire stérile, doucement.
Depuis la paix enfantée, son utérus est jachère, abandonné.
Les générations néees? Aussi gâtées, que gâtées.
Flingué le projet, flingué l'espoir, leaders dézingués.
Aujourd'hui, pour soulever les vivants, il faut relever les morts
mais les revenants, comme dans les films, sont toujours infidèles aux vivants.
Certes ici, nulle balle, pas de mur, nulle roquette;
ici, pas de sarin, nul goulag, pas de Tien An Men.
Pourtant on est partout criblés, soumis, criant Amen.
La paix, l'éducation, mais pour quoi?
Si ton rêve à toi c'est d'être une énième Nabila?
Tout ça pour quoi?
Si ton rêve à toi, c'est un plan marketing à la Mickael Vendetta.
Pourquoi? Si ton idéal à toi, c'est une réussite à la Patrice Evra.
Instagramer, facebooker, twitter,
pourquoi? Si ce n'est que pour Candycrusher?
C'est quoi ton rêve à toi?
Maison avec barrière en bois, labrador à poils ras, dernier meuble tendance d'Ikea?
C'est quoi, ton putain de rêve à toi?
Tu penses mieux les voir, les gazés syriens, sur ton écran plasma?
Tu penses les influencer, les actualités, sur ton Iphone dernier né?
Tu penses mieux compatir, avec tes Google glasses sur le nez?
Si tu espères mieux bander avec les dernières Manix Révolution, autant te doigter le fond.
Parce qu'attendre d'avoir une situation pour penser à une révolution, c'est une douce et grande illusion.
Parce qu'on n'est jamais plus libre que quand on ne possède rien.
Demain sera confortable mais demain est aliénant.
Demain te lie à un contrat, à un patron, à un crédit.
Demain te lie à une famille, à un train de vie, à des préjugés.
Alors elle tombera, la douce et dégueulasse fatalité.
Elle te fera rester chez toi, sur le canapé, à bouffer de la TV réalité.
Elle te fera éructer de rage, mais juste en ton for intérieur, sans jamais pouvoir ou vouloir utilement l'extérioriser.
Elle te fera t'entendre dire que c'est triste, et injuste, mais qu'après tout, qu'est ce que t'y peux?
Ici nulle balle, pas de mur, nulle roquette;
Nul Assad, pas de Poutine, aucune perpet';
Pas de sarin, nul goulag, pas de Tien An Men.
On est pourtant là, foulés, gazés, criant Amen.
Flingué le projet, flingué l'espoir, floutée la vision.
Nous sommes la génération flinguée, clouée sous la camisole chimique de la consommation.
Il sourit, l'Occident, il aime le calme, il est repu, content.
Il sourit le Monde, c'est pas pour demain, le changement.
Qu'ils prennent l'eau à Lampedusa;
Qu'ils brûlent à Damas;
Qu'ils crèvent à Athènes.
On n'y peut rien.
Après tout, c'est vrai, on est encore si bien dans nos draps de satin.
Comme tu as raison. Coeurs enormes
· Il y a environ 11 ans ·Helene Bartholin