fragile

mamzelle-vivi

Fragile.

J’avais l’air fragile et désabusée avec ma jupe fendue et mon sourire en berne.

Clara avait insisté pour que je me corrompe dans une soirée chic de nouvel-an composée exclusivement de garçons. J’étais en phase de pré- rupture avec ma grande Histoire de l’époque.

Jamais je n’avais été célibataire. Je rompais après avoir retrouvé quelqu’un.

Je n’aime pas être seule. Cela me rappelle trop les joies solitaires de mon enfance. Fille unique entourée de jouets rien que pour elle. Ce n’est jamais bon pour l’ego.

On se croit au final bien plus forte, seule.

J’étais l’unique fille pré-célibataire de la soirée et six  jeunes loups me dévoraient du regard.

J’ai repris une vodka pomme, la sixième je crois, pour me donner un peu de ferveur.

A la minute où j’ai croisé ses yeux, j’ai pensé : ma grande t’es peut être pas venue pour rien.

C’est lui qui m’a abordé.

- Toi tu dois avoir l’habitude d’être traité comme une poupée, non ?

Tu parles d’un poète.

C’était tellement naze comme réplique. J’ai  presque esquissé un sourire, une seconde.

- Mascalzone

Je sais c’est une insulte. Mais en italien. Pour les curieux, regardez dans un dico.

Pourtant, lui a souri, sans demander la traduction. Je me suis sentie craquer pour  un imbécile. J’ai feint l’outragée à vie.

Il fallait voir la tête de Clara et d’Antoine, un de ses potes, qui m’avait dragué toute la soirée. J’étais fière d’avoir joué ma femme fatale. Une femme fatale de même pas dix huit ans.

Depuis toujours, je mets un point d’honneur à rompre en premier, à faire ma peste pour voir si on tient à moi. Rien ne me fait plus plaisir que de mettre un vent aux mecs trop sûrs d’eux. La beauté d’une femme est une arme invincible. Gamine déjà, j’adorais planter mes griffes dans le cœur de mes petits soupirants. L’apparente innocence qui nous sied parfois sert aussi à jouer avec vous messieurs. Nous ne sommes pas si gentilles. Et moi j’avais décidé d’en profiter avec celui-là.

Nous nous sommes réfugiés sous la couette du canapé du salon. J’ai continué à lui proférer des menaces, il m’a fait un croche-pied. Je lui ai dit que j’étais fragile du genou. Alors il m’a répondu que comme il n’avait jamais vu plus joli sourire, il voulait bien passer son temps à me rattraper. J’ai manqué lui sauter dessus pour le manger tout cru.

La soirée s’est éternisée jusqu’au matin. Sous la couette je l’ai laissé effleurer mes jambes, se noyer dans mon regard irisé. Je savais déjà qu’il était fou de moi, mais moi j’étais foutue. Je redevenais une fillette prise à son propre piège.

Il a fini par s’endormir.  Je suis sortie du divan encore chaude. Quand on s’est recroisé dans le couloir, il m’a souri en me demandant si j’avais besoin d’aide pour la douche.

J’ai frissonné. Il m’a demandé si j’avais froid, mais ce n’était pas ça. Je repensais à mon ex pas encore ex, à qui j’avais donné l’espoir d’un retour. Je maîtrisais mal mon rôle de femme fatale au fond. Mon joli discours sur la croqueuse avait du plomb dans l’aile, moi aussi je m’étais fait avoir. Je ne pouvais pas avouer. Je n’ai donc rien expliqué à mon néophyte de l’italien. Je suis partie en courant, en marmonnant un « je ne sais pas » sur la question de retrouvailles en dehors de cette soirée d’hiver.

Clara a failli s’étouffer.

Elle m’a surtout dit de foncer.

Quand j'ai parlé de cette rencontre à ma grande Histoire,il m'a dit de choisir.

J’ai rompu. Définitivement. Mais cette fois, ce n'etait pas par honneur,j'avais fait mon choix.

 Puis, j'ai attendu, je me suis retrouvée, seule. Je n'avais plus peur.

Un mois plus tard, Clara me faisait le coup du rendez vous traquenard, où "Il", ma rencontre du jour de l'an, était là. Tenace, le garçon. Au tout début je me suis dit que ce ne serait qu’une passade réparatrice, pour jouer encore un peu mon rôle de beauté insaisissable. Mais dès les premières semaines, l’amour a terrassé mes dernières défenses. Nous avons ri, pleuré, jamais nos baisers ne furent plus tendres. Raconter ce qui s’est passé après serait trop long ; et certainement ennuyeux. Tous ceux qui ont connu l’amour savent bien que cela ne se décrit pas, ces moments où l’on découvre l’autre et où l’on se voit  enfin soi-même.

Quelle jolie formule, penser à la noter.

 Je me suis déboîté la rotule six mois après. Histoire de vérifier son attachement, qui sait..

Un an plus tard, nous étions dans un grand magasin quand j’ai croisé mon ex.

 Je fais volte face, histoire de présenter courageusement mon amoureux à celui qui l’avait toujours appelé « cet abruti ».

- Je te présente Olivier c’est..enfin c’est lui quoi.

Bravo, magnifique.

-S’lut

-S’lut

Mon expérience de la diplomatie en terrain découvert étant inexistante, et devant leurs mines « enthousiastes », je me suis sentie perdre pied.

Ils ont été cordiaux, malgré tout. Tout le monde avait évolué, au final, même moi. J’étais soulagée. Et je suis repartie sereine au bras de mon avenir.

J’ai même pleuré un peu, je crois. Oh je sais, je vous entends d’ici, la morale est sauve, l’amour triomphe et tout le toutim. Mais que voulez vous que je vous dise ?

Que l’amour devrait toujours triompher ?

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