Fragile.

Christophe Hulé

Tendres tiges baignées de rosée surplombées de corolles aux mille couleurs et parfums.

Fragiles embruns sur les crêtes minuscules des vaguelettes qui creusent des sillons à marée basse.

Les algues déploient leur chevelure qui ressemble, à s'y méprendre, à l'automne.

Les myrtilles sont peignées à la belle saison, ici et là on trouve encore des mûres, des framboises ou des fraises des bois.

Comme les moules ou les coques, il faut montrer patte blanche, car le nombre tarit l'abondance d'antan.

De plus en plus rare, de plus en plus cher.

Mes grands-parents ne savaient trop que faire de leurs coings qui, pour moi, font les meilleures confitures.

Des armoires normandes remplies de bocaux, comme la caverne d'Ali Baba.

Autrefois, ce qu'on appelle le « bio » allait de soi.

Pourquoi donc forcer la nature et créer des surplus, comme pour le pétrole ?

Parce que ça rapporte.

Les vaguelettes deviennent des tsunamis.

Comme disent les paysans, les vrais, enfin sauf ceux qui se sont suicidés, « on marche sur la tête ».

Que représente aujourd'hui les foins, la cueillette des pommes, les vendanges, j'en passe et des pas mûr(e)s, tout est reporté, tout est dénué de sens.

Le monde rural, comme celui de la pêche artisanale, pour ne citer que ces deux-là, ne trouverait leur place que dans les musées.

De drôles d'algues envahissent certaines côtes, ce qu'on nomme les « marées vertes », sans compter sur les espèces « invasives », enfin toutes ces cochonneries qui peuvent tuer un cheval ou autres animaux qui ne nous ont rien fait.

Mais on en est plus à une disparition d'espèce près, la règle étant de se fixer des priorités.

Même la « chronique d'une mort annoncée » de notre espèce n'effraie pas plus que ça ceux qui demandent un retour sur investissement.

Rien de nouveau à l'Ouest.

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