Free - Fire & Water (1970)

Philippe Cuxac

Heavy Load

Lorsque je me suis intéressé à l'histoire du groupe, j'ai été surpris d'apprendre l'âge des musiciens. En effet, Free, dont le plus vieux membre a tout juste 21 ans et le plus jeune 18, en est à son 3ème album lorsque le disque sort en juillet 70 et le mois d'après ils tiennent la scène du Festival de l'Ile de Wight. Quelle classe et quelle maturité pour ces 4 jeunes musiciens anglais, j'avais l'impression d'entendre un groupe de vieux briscards.

Je suis tombé sur ce disque par hasard à la fin des 70's, j'avais une quinzaine d'années et chaque jour je découvrais tous ces groupes magiques qui, pour certains, faisaient déjà partie d'un lointain et glorieux passé.

En 7 titres qui n'ont pourtant rien révolutionné, le groupe Free a tout de même réussi à écrire l'une des plus belles plages du rock anglais et je les aimerai toujours pour ça. Ecoutez par exemple le titre Heavy Load, avez-vous vraiment l'impression que c'est un jeune chanteur de 20 ans qui porte cette lourde charge ? Non, n'est-ce pas. La voix de Rodgers, les compositions et la basse d'Andy Fraser, le jeu de guitare du regretté Paul Kossof, la batterie précise et jamais superflue de Simon Kirke, tout ici est en place, sonne juste.

Le rock de Free revendique ses racines dans le blues et la soul d'outre-Atlantique sans jamais sombrer dans la caricature. Plus tard, bien plus tard,  l'avatar Bad Co ou le groupe Whitesnake s'inspireront de la sueur de Free pour écrire leurs plus belles plages, sans pour autant arriver à cette perfection.

J'ai eu la chance de pouvoir échanger avec Andy Fraser, légendaire bassiste du groupe. Voici ses souvenirs de cette période :

"Fire & Water est représentatif d'un moment particulier dans l'évolution du groupe Free. Nous sentions que nous prenions un bon rythme. Nous étions confiants, sûrs de nous, en bonne santé et unis par une bonne dynamique. L'enregistrement de l'album a démarré aux Studios Trident à Londres, avec l'ingé son maison, Roy Thomas Baker, et après une 1ère écoute par les gens d'Island Records, Chris Blackwell a décidé qu'il fallait remixer et réenregistrer certaines parties pour apporter plus de profondeur à l'album.

Blackwell tenait à refaire ça dans les nouveaux studios d'Island à Basing Street, mais le problème était que Roy était l'ingé son maison des studios Trident et s'il continuait l'aventure avec nous il risquait de s'attirer des ennuis. Nous avions convenu que les sessions auraient lieu au milieu de la nuit, Roy était terrorisé à l'idée d'être découvert. Il a été jusqu'au bout mais a refusé d'être crédité sur la couverture, craignant pour son travail. 

C'est drôle mais, au départ, nous ne souhaitions pas que All Right Now sorte en single, on sentait le truc un peu facile avec ses 3 accords et ses paroles légères. Après quelques discussions animées, Chris Blackwell nous a prouvés par A+B que nous avions tort. Nous nous sommes rangés à ses arguments et c'est vrai que dans ce cas, il avait complètement raison. 

Encore une petite chose, cette fois au sujet de la chanson Fire & Water, tu vois le break à la fin du morceau et bien au départ, Simon ne voulait pas en entendre parler (il déteste de les solos de batterie de toutes façons), mais nous en avons longuement discuté, il a serré les dents et a fait un boulot fantastique, en une prise. 

J'ai toujours de bons et chaleureux souvenirs de cet album et de la camaraderie que nous partagions à l'époque."

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