Fuir la solitude

revolution

Tu rigoles, mon amour.

Le son cristallin de ton rire me parvient avec délice aux oreilles et je me tais quelques secondes afin de le savourer comme il se doit. Tu as toujours eu un rire fort, un rire communicatif, un rire enfantin. Je me souviens de tous ces fous rires que je t'ai vue avoir. Rire te donne l'impression d'être plus vivante que jamais. Tes pupilles s'illuminent et deux jolies fossettes viennent creuser la rougeur de tes joues. Tu es si belle, mon amour, quand tu ris. J'ai l'impression qu'avec ton rire on pourrait changer le monde, le rendre meilleur, à l'image de celui que tu souhaites. Un monde né de ton unique rire... Je suis sûr que cela pourrait être réalisable, mon amour, parce que tout le monde aime ton rire, moi le premier. Il est tellement chaleureux, et si unique. Grâce à lui j'ai de magnifiques petits papillons qui me chatouillent le ventre, parce que savoir que tu es heureuse à cet instant me donne le sourire – mais me déchire le cœur.

Tu es entourée de tes amis, mon amour. Ceux pour qui tu te bats, ceux pour qui tu vis. Ta deuxième famille, celle que tu as pu méthodiquement choisir, renvoyant les traîtres, acceptant les purs. Tes amis qui t'aident, te comprennent, te soutiennent et te changent les idées. Tes amis qui te font rire, avec qui tu partages de bons moments. Tes amis de toujours qui t'ont vue dans tous tes états, que ce soit euphorique, désespérée, ou - plus comique - bourrée. Tes amis que tu aimes.

Et moi, je n'y suis pas. Prostré à l'écart de ta troupe, je t'observe, une étincelle de douleur dans le regard.

Tu inspires profondément, mon amour.

Tu es contente d'être ici, tu profites du moment qui s'offre à toi avec plaisir. Tu as tout ce qu'il te faut à cet instant pour être heureuse. Tes meilleurs amis sont près de toi, l'alcool coule à flots, les baffes crachent ta musique préférée, la nuit est étoilée. Et je sais à quel point tu aimes les étoiles, n'est ce pas mon amour ? Tu admires leur pureté, envies leur invincibilité, et tu regrettes leur inaccessibilité. Il suffirait que tu me le demandes et je t'offrirais une étoile, mon amour. Même si la plus belle que j'ai vue, c'est toi. Mais tu ne le feras jamais, je te connais trop pour cela. Tout comme je suis tout à fait en mesure d'anticiper la moindre de tes réactions. A force d'observation, mon amour, je te connais mieux que quiconque.

Je peux donc dire que l'atmosphère commence à être lourde pour toi. Dans peu de temps, tu t'éloigneras vers la fenêtre afin de prendre l'air. Et tu déserteras mon oxygène.

J'ai besoin de toi, mon amour. Tu n'as pas conscience du manque que produit en moi ton absence. Tu n'as pas conscience de la loque humaine que je suis sans toi. Tu ne me voies pas, mon amour. Tu ne remarques pas les regards brûlants que je te jette ni les sourires charmés que je t'adresse. Tu ne me remarques pas, mon amour. Et je ne fais rien pour.

Je suis lâche, mon amour. Tout courage me déserte quand tu daignes poser les yeux sur moi, mon cœur fond quand tu oses me sourire. J'ai peur, mon amour. Peur de tout gâcher, de briser cette confiance tacite entre nous et cette amitié importante qui nous relie. J'ai peur de te perdre pour toujours. J'ai peur de ne plus jamais te voir, t'entendre, te sentir ou te toucher.

Alors je me tais, mon amour. Pour toi. Pour qu'un nous amical subsiste malgré ma trahison. Et je souris, mon amour. Pour toi. Pour que tu ne voies pas que je feins tout ce cinéma, pour que tu ne saches jamais que mon cœur est balafré et mon âme torturée. Pour que tu ne t'inquiètes pas. Je ne le mérite pas, mon amour. Je suis impur, je t'ai trahie.

Je préfère souffrir en silence plutôt que de te faire du mal, mon amour. Je tuerais quiconque oserait te blesser. Je meurtrirais le premier qui oserait te toucher d'une façon vicieuse, te regarder d'une façon obscène, te parler d'une façon perverse. J'assassinerais tous ceux qui te trahiraient. Tu es la personne la plus importante à mes yeux, celle pour qui je mourrais. Et tu le sais.

Tu le sais mais tu ne te rends pas compte de la profondeur de ces paroles. Tu ne voies pas la face cachée de ces mots, le double sens de mes phrases, le message codé de mes propos. Non, mon amour, tu ne vois pas. Tu ne te doutes pas. Et je ne parle pas.

Depuis un an que je brûle pour toi. Le moindre de tes faits et gestes me rend fou. Ton rire m'apaise, ton parfum m'enivre, ta vue me transporte. Je me maudis la nuit d'oser t'imaginer. Mais tu ne m'aides pas, mon amour. Tu ne te rends nullement compte de l'attirance que les gens peuvent ressentir pour toi. Tu n'as pas conscience de ton incroyable pouvoir de séduction, ni de ta beauté fatale. Et pardonne-moi mille fois, mais j'ai été l'un des premiers à succomber.

Je n'aurais pas dû, je n'avais pas le droit. C'est pourquoi je me tais, me cache et m'admoneste. Tu ne vois pas le mal bienfaisant que tu me fais, mon amour. Dès que tu me touches, une violente décharge électrique s'empare de moi. Dès que je te voie, mon imagination s'enhardit. Dès que je te sens, le reste du monde disparaît. Tu me rends fou. Mais je sais que jamais tu ne m'aimeras.

Je pourrais t'écrire une lettre te déclamant ma flamme la plus pure, te laissant ainsi un dernier souvenir et partir pour toujours. Sauf que tu le sais, je suis lâche, je n'aurais pas la force de mourir. Et de là-haut, comment pourrais-je te sentir ou te toucher ? Je préfère de loin rester ici et m'apitoyer sur mon sort. Je te l'ai déjà dit, j'ai peur de te perdre. Même si ma passion me dévore, même si mon amour m'obnubile, je sais d'avance que je suis perdu. Mes sentiments n'aboutiront jamais à un nous fusionnel, et je ne serais jamais en paix.

Je sais que tu m'aimes, mon amour. Mais cette maigre consolation est en train de m'assassiner petit à petit. Tu m'aimes, certes, mais pas comme moi. Tu m'aimes comme le frère que je ne veux pas être. Tu m'aimes comme le jumeau que je déteste être. Tu ne me vois que comme ton confident. Comme un simple frère de cœur.

Pourtant, de quoi me plains-je ? Comparé à d'autres, j'ai le droit au Paradis. Sauf que les portes me sont hermétiquement closes et que l'accès me sera toujours interdit. Peut-être aurais-je mieux fait de ne rien avoir. Peut-être préférais-je n'être qu'un inconnu dans la foule anonyme de tes prétendants. Parce que tout ce que tu m'accordes ne sera jamais nécessaire pour me satisfaire. Et ce maigre tout me consume lentement. N'est ce pas ironique, mon amour ? Je dépéris d'amour pour toi alors que j'ai déjà quelque chose sur un tout autre plan. Je me maudis. Je suis ton meilleur ami ; et rien d'autre. Tu as vu l'alcoolique occasionnel que je suis en soirée, tu ne verras jamais l'amoureux transi que je suis vraiment.

Ca y est, tu aspires à plus d'air frais. Pour ce faire, tu sors sur le balcon et en passant devant moi, tu me souris.

Je suis triste, mon amour. Triste de vivre sans toi, triste d'être le confident de ton cœur, triste de n'être que celui vers qui tu te tournes quand tout se barre et que tu as besoin de réconfort. Triste d'être ta roue de secours. Triste de n'être que ton ami. Je n'arrive plus à m'en contenter. J'ai besoin de plus, beaucoup plus. Ou alors de plus rien. Mais je n'ai pas le droit de te demander quoi que ce soit, alors je me tais encore et toujours et remplis mon rôle à la perfection.

Tu ne peux imaginer à quel point je t'aime. J'hurle de désespoir la nuit, dans la solitude de mes draps. Mes amis croient que je suis gay. Mais je n'y peux rien, la seule femme que je veux à mon bras ne peut être mienne. J'hurle de douleur le soir, quand je te sais aux côtés d'un autre. Mais je ne dis rien. Au contraire, je te souris, t'encourage et te soutiens. Je rêve de tuer ce rival qui ne peut en être un, alors je m'incline et m'efface, silencieusement ; tu ne dois pas savoir. Seul compte ton bonheur. Et nous savons tous les deux que tu ne peux pas le trouver à mes côtés. Malheureusement...

Je suis ton meilleur ami, et le meilleur menteur du siècle. Tu n'arrives pas à déceler le mal-être qui me ronge, et je ne le veux pas. Sauf que parfois, je rêve que tu perces ma carapace et que tu te jettes dans mes bras, me proclamant ton amour à tout va. Et nous ferions l'amour encore et encore... Mais ceci n'est que rêves stupides. La réalité en est tout autre. Et cela me tue.

Au plus profond de moi, je ne suis plus qu'une merde remplie de souffrance et de peine. La douleur me frappe inlassablement, et malgré les à priori, le temps ne me guérit pas. Pas en restant à tes côtés, à te voir sourire et vivre aux bras d'inconnus qui me répugnent et m'inspirent la plus grande jalousie. Pas avec ta tendresse enfantine qui me fait chavirer. Tu serais détestable que tout serait plus simple, tu me jetterais dès la première seconde, mais tu en es incapable, tu es trop gentille, trop adorable, trop... toi. Cette cicatrice à vif ne pâlira jamais –  je le sais, je le sens.

Il faut que cela cesse, mon amour. Je dois faire quelque chose, je ne supporte plus cette douleur assassine. Aime moi ou tue-moi. Et tue-moi, qu'on en finisse puisque jamais tu ne m'aimeras...

Et comme si tu m'avais entendu, tu reviens dans le salon et t'approches de moi. Je tremble de tout mon corps mais ne le montre pas. Je suis un automate qui sourit, personne ne devine le trouble de mon cœur. Personne ne s'intéresse à moi. Tu me souris et me réprimande en voyant la bouteille à moitié vide devant moi. On est en soirée, tu sais que je bois. Mais tu ne sais pas pourquoi, n'est-ce pas mon amour ? Tu m'ôtes alors le verre des mains et m'attrape le bras pour m'obliger à me lever. Tu me proposes de danser, je souris. Tu crois que je suis déjà bourré. Tu te trompes. Bien que mes jambes flagellent et que me yeux soient voilés, je suis lucide. Demain, je me souviendrais de tout, comme toujours. Et les réminiscences de cet instant me feront autant de mal que de bien. Je suis plus proche de toi que jamais, mais paradoxalement à l'opposée totale. Oh, pauvre de moi...

Tu m'entraînes à ta suite et nous voilà sur la piste de danse. Tu t'éclates, je souris. Je ne sais faire que sourire, et encore, ces derniers sont faux. Mais tu ne le remarques pas. Peut-être qu’habituellement, tu te douterais de quelque chose. Mais pas ce soir. Ce soir, tu souhaites juste t’amuser, oublier tes soucis, profiter de la vie, rire avec tes amis, danser avec moi. Ce soir, tu souhaites vivre comme une jeune fille de ton âge, en oubliant les études, les parents, les autres. Et ce soir, tu mènes la danse avec joie, avec douceur, puis avec fougue.

Voltigeant passionnément, tu me vois tanguer, alors tu me prends la main et nous voilà dans la cuisine, seuls. Mon cœur bat la chamade. Je n’ai plus l’habitude de me retrouver seul à seule avec toi, mon amour. Je ne sais plus comment réagir. J’ai peur de faire une bêtise. Je retiens ma respiration, la sueur me coule le long du dos, et je ne peux que t’observer. Tu fouilles dans les placards et me tends avec un sourire un paquet de gâteau, prétextant que je devrais manger pour me sentir mieux. J'obtempère servilement tout en évitant ton regard. Tu peux me demander n'importe quoi, j'obéirais, que ce soit en tant que meilleur ami ou en tant qu'amoureux transi.

Satisfaite, tu t'assois ensuite sur la table et m'observes, attendant que je mange afin d'être sûre que je t'obéis. N'ai pas d'inquiétude, mon amour, je fais tout ce que tu me dis.

Demande-moi donc alors de me jeter du haut d'un point, je t'en supplie, mon amour...

Ton regard me sonde. Alors brusquement, j'ai l'horrible impression que tu sais. La panique commence à m'envahir. Non, je ne veux pas que tu saches, il ne faut pas ! Tu vas t'en vouloir sinon, et je refuse que tu culpabilises. Ce poids sur ma conscience m'achèverait...

Tout à mes pensées, je quitte le paquet de gâteaux des yeux et te regarde. Tu ne fais pas attention à moi, tu tortilles l'un de tes bracelets, le regard dans le vague. Je soupire imperceptiblement. Après tout, peut-être ne t'es-tu rendue compte de rien.

Les minutes s'écoulent lentement. Je mange sans me presser, profitant simplement de ta présence à mes côtés. Je n’y avais pas eu le droit depuis un long moment. Tu m'avais manquée. Tu vas me manquer.

Puis à un moment tu rigoles et sautes à terre pour t'approcher de moi. Je ne comprends pas ce qui se passe. Mon trouble s'agrandit, mon cœur bat la chamade. Que fais-tu, mon amour ?... Tu te retrouves à quelques centimètres de moi, tu te mets sur la pointe des pieds et tends la main pour me frôler la joue. Je commence lentement mais sûrement à perdre tous mes moyens, mon amour, en as-tu conscience ? Je retiens une fois de plus ma respiration. Puis je me rends compte que tu ne fais qu'enlever des miettes qui parsèment ma barbe de trois jours. Tu reposes doucement tes talons sur le sol. Et là se produit ma capitulation. Rejetant au loin toutes mes appréhensions, la raison m'abandonne et la passion me dirige.

Je signe mon arrêt de mort.

Sans réfléchir, je t'embrasse, posant mes lèvres sur les tiennes. Voyant que tu n'as aucune réaction, je me permets une dernière folie, profitant vilement de ton stoïcisme, et mordille ta lèvre, glissant ainsi ma langue dans ta bouche, cherchant la tienne et débutant une danse interdite. Je sens bien que tu es trop choquée pour répondre à mon baiser. Mais pour la première fois depuis un an, je suis égoïste. Qu'importe les conséquences. Je sais que je m'en voudrais, mais j'ai juste souhaité céder à mes pulsions pour une fois dans ma vie. J'ai enfreint les règles. Pourtant, sur le coup, je ne le regrette absolument pas. La curiosité m'a poussé à goûter tes lèvres si attirantes.

Et avant que tu ne te rendes pleinement compte de la situation, je recule et m'excuse. Tu ne dis rien. Je vois la surprise habiter ton regard et l'étonnement vriller tes traits. Je me mords la lèvre inférieure, subitement gêné, totalement attristé. Or il est temps d'assumer. Fini la lâcheté. Nathaniel Summyaz sera courageux pour une fois dans sa pauvre existence.

Alors, pour une fois, c'est moi qui parle.

_Je t'aime. Pardonne-moi.

Et sans que tu puisses me retenir, je suis parti, mon amour. J'ai fui.

Je me déteste.

Je t'aime.

Adieu.

  • étonnant, mais ... tous ces " mon Amour" font très peur, ces Amours martelés comme une virgule, une respiration, sont stressants parce que j'ai l'impression qu'il serait capable de tout Nathaniel, même du pire ... Je ne voudrais pas être aimée, idolâtrée à ce point.

    Merci pour ce texte partagée, j'aime beaucoup en tout cas.

    · Il y a presque 12 ans ·
    Illustration campagne avc

    lounalovegood

  • infiniment triste et tres beau a la fois...cdc

    · Il y a presque 12 ans ·
    Suicideblonde dita von teese l 1 195

    Sweety

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