Gargouille gravier

evinrud

e hisse mon corps. Tout droit, je lève les bras pour toucher le coton de l'imagination, j'ouvre grand la bouche pour que les abeilles effraient mon palais. Je chatouille mes côtes pour les réveiller. Et puis, je m'assois, plie mon corps pour la première fois. Je ne mens pas. J'essaie juste d'enrober les noyaux. Je me noie, de nouveau. J'ouvre la fenêtre, et sans prendre de l'élan, je saute, et j'atterris sur le toit d'en face. On sait tous que le pied sur terre ne propulse pas le corps, c'est une fois dans l'air que ça se passe, quand on ne touche plus à rien que ça se fait . Alors, me voilà sous le soleil, au plus haut, sans rien au dessus de moi, sinon les nuages qui ne transmettent rien. Des nuages qui ne font même pas joli. Qui sont là, sans être mes amis. Je les oublie, et me laisse glisser sur les tuiles qui m'emportent sur un balcon. Balcon duquel je m'échappe, par la maison qu'il prolonge, du parquet, des tableaux, des fleurs, un piano. Je ne les aperçois que de côté, sans même les regarder, tous ces objets traversent les corridors de mes pupilles, glissent le long des parois de ma vue pour ne former qu'un couloir des couleurs. Marron, jaune, bleu, rose, vert. Une porte, me voilà en haut d'un escalier. Les pieds en avant, sans cercueil, je dévale les marches, couchée, je suis une fusée. Une fusée qui ne supporte pas très bien les épines. Je n'ai pas peur, parce que je suis déjà en bas, j'aurai bien aimé croiser quelqu'un de debout pour l'emmener avec moi. J'aurai bien aimé.

Je suis couchée, par terre, plus rien ne m'entraine plus loin. J'aurais du rester debout, maintenant je ne peux plus me relever. Alors je ferme les yeux car je sais que rien ne peut m'arrêter. J'entends des pas, des voix, des gens. C'est gagné, je passe pour une accidentée ! A moi l'ambulance et la priorité. Je bouillonne à l'intérieur, ne tremble même pas sur la civière. Le vehicule est en marche, il va vite et s'arrete .On sort mon corps et l'hopital m'ouvre les portes. Je suis installée sur une nouvelle surface. J'ose lever une de mes paupières, personne ne me regarde, je roule par terre et me redresse. Pour ça, ils sont surpris ! Alors je cours, je ne veux pas d'ennuis. Je cours vite sans bousculer personne, cependant, je me perds mais je ne veux pas m'arrêter. On me poursuit ! Je pleure de joie! C'est tellement bon de courir. Il n'y a rien devant, mais tu es obligée de courir ! Un ascenseur !Me voilà dedans, vite, étage 3 en haut, ils ne sauront pas !

Etage 3. Personne ne me connait ni ne me regarde. Je vais dans une chambre, salue la dame aux cables et regarde par la fenêtre. De là, j'aperçois un escalier de secours! J'ai besoin de secours, c'est parfait !Je me rends au bout du couloir, j'essaie de retenir mes jaùbes. Qu'elles ne s'emballent pas. Porte, porte, porte, échelle. Je descends, prudemment. Pied à terre. Je suis sortie du bâtiment. Je n'ai plus envie. Je creuse un trou. Avec mes mains. Marcher ne me dit rien, courir, je l'ai déjà fait, je ne vais pas reculer. Alors je creuse un trou? Mais c'est douloureux. Parce que tout en creusant, je sais que ce n'est pas ce que je devrais faire. J'ai envie d'atteindre encore une fois les hauteurs, mais je n'ai que l'envie, aucun de mes muscles ne m'obeit. Alors que mes yeux brouillés se dirigent vers le plus haut, je ne sens que la terre humide et sâle qui se glisse sous mes ongles. J'enrage, ratisse le sol par poignées, arrache les malheureuses herbes qui ne resistent pas, et je roule, encore une fois, endiablée.Mon corps tombe un peu dans le trou, mais je le dépasse. Je n'ai rien pour me redresser, pas un tremplin, pas de canon à propulsation. Je roule. J'attends pour traverser, je ne pleure presque plus. Je suis concentrée, je peux mourir à tout moment. Je roule, je vois le béton, je vois le ciel, je vois les maisons. Je vois le beton, je vois le ciel, je vois les maisons. Je roule, je vois le béton, je vois le ciel, je vois les maisons . J'aimerai qu'on m'aide, qu'on me donne une idée. Un tuyau que je n'ai pas exploité, un tunnel dans lequel m'enfoncer. Rien, le trottoir, les gens à éviter. Et puis, un chantier. On pousse la barrière, je pénêtre l'espace-danger. Des fosses en béton, bien creusées, facile d'accès. On me propose de l'aide, j'aquiesce. On me redresse, je souris. Il me voit la bouche bien fermée, mes lèvres à l'interieur, un peu démunie, un peu trop joyeuse, un peu l'air bête surtout. Ils comprennent parce que j'ai le front haut vers le ciel. Sur le toit de l'immeuble, un homme me lance une grosse corde qui tire un seau. Je n'ai qu'un pas à faire pour accéder à l'ascenceur de sauvetage. Un pas. Maintenant, le front bas et je souris aux gens qui deviennent petits, petits, petits. Parce qu'on me hisse, sans savoir pourquoi, sans savoir comment, on me hisse, par dessus les fosses en béton, les maisons, le rose, le vert et le marron. Mon ascension est lente, délicieuse. Le goût de la mangue chaude, un peu. Je suis au sommet, et je marche comme je n'ai jamais marché sur un toit plat, comme une piste de décollage, je marche comme on marche vers la mer. L'écume des jours n'est pas loin, j'ai un frisson d'appréhension. Je suis sûre que l'eau est froide. Mais je pense à la mangue chaude. J'ouvre grand la bouche pour les abeilles, mes côtes rigolent toutes seules. Je ne vois plus les nuages, ils sortent de mes oreilles. Des nouveaux alliés qui me chuchotent des choses. L'ouvrier sur le toit, toujours là me regardait depuis mon arrivée. Il me propose une chaise pour mieux contempler les hauteurs de la ville. Je ne veux pas trop accepter parce que m'asseoir ne me fais pas trop envie. Il insiste, je me dis que ce doit être important. Alors je regarde mes pieds qui sont eux aussi sur un toit plat d'un immeuble très haut. Je me dis que regarder ses chaussures est trop bête lorsque l'on a la possibilité de contempler le monde et de courir vers la mer. Je me relève.

J'ai deplié mon corps. Je suis dans ma cuisine, rien n'a changé, la fenêtre est ouverte et mon café s'est renversé. J'ouvre grand la bouche. Pour bailler.

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