Génie moderne

Dorian Leto

Un tout premier conte, inspiré de "nous, les menteurs" de Lockhart.

                Il était une fois, dans deux pays voisins, deux familles royales, riches, prospères. L'une était constituée de gens immenses ; les femmes les plus petites mesuraient plus de deux mètres et les hommes les plus grands, encore un demi-mètre supplémentaire. Parmi les membres de l'autre famille, on ne trouvait que des gens minuscules ; les femmes les plus grandes ne mesuraient pas plus d'un mètre vingt et les hommes les plus petits atteignaient parfois cinquante centimètres. Les deux familles vivaient heureuses, s'ignorant l'une l'autre. D'aucun aurait affirmé qu'une haine très ancienne se cachait quelque part, leur interdisant de s'approcher, mais en réalité, leurs désaccords n'étaient que minimes. L'origine de cette indifférence était en fait beaucoup plus quelconque : les Petits n'avaient dans leur champ de vision que les membres inférieurs des Grands tandis que ceux-ci n'apercevaient même pas les premiers. Dans ces conditions, comment auraient-ils pu entamer une relation sur un pied d'égalité ?

                Un jour niais parmi tant d'autre, un membre quelconque de la famille des Grands, lors d'une de ses habituelles promenades en lisière de frontière, trébucha sur une chose molle qu'il prit d'abord pour un animal. Un peu sonné, il s'assît. Un membre des Petits agitait les bras, bégayant des propos inintelligibles. Ce fût une illumination, un éclair d'intelligence commune : si les Grands s'asseyaient, tout allait pour le mieux dans le meilleur des mondes possibles ! De plus, portant le poids d'une si grande découverte, ces deux idiots heureux ne pouvaient qu'en partager la célébrité découlante. Ils se marièrent. Ce fût un beau jour de juillet, et l'on vit un tout petit être en tenir un grand par le bas des vêtements. Ils jouirent de leur éminence, se reposant à l'ombre de leur génie, jusqu'à la fin de leurs jours.

 

Moralité première : l'amour malgré la distance, c'est possible.

Moralité seconde : les idiots heureux ont toujours raison.

 

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