GENTLEMAN FUCKER
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Quand on va à un premier rencard, on peut s’attendre au meilleur, comme au pire. Pour ma part, lors de mon premier rendez-vous avec N. je m’attendais au meilleur et plus si affinités. Il était intelligent, drôle, bien élevé (oui je tiens un peu le speech de votre grand-mère Simone, mais croyez-moi, les perles, ça s’apprécie ! Et elle vous le dira aussi…) et très mignon. Et dire qu’il m’a sorti le grand jeu serait un euphémisme : ce fut un de ces premiers rendez-vous parfaits, où même les silences prolongés semblent faire partie du script. Une expo, un apéro puis un chocolat chaud et un dîner aux gambas sur le canal d’Ourcq.
Lorsqu’il m’a raccompagné à mon arrête de bus (évidemment c’est moins classe que de héler le taxi, mais tout le monde n’est pas Carrie Bradshaw) pour moi, l’affaire était entendue. Il avait trop dépensé pour une amie, et pas assez pour une prostituée. Mais au moment de se quitter, je ne dirais pas dans un carillon de cloches, mais plutôt dans un vrombissement d’autocar de la ville de Paris, rien. La bise (avec main sur l’épaule certes) et c’est tout. Mes sentiments sont confus : mon gentleman serait-il en fait un gentlewoman ou un ami TRES affectueux, pour qui rencard rime avec pourboire ? Je m’endormais partagée, mais paradoxalement conquise (qui a dit que le doute n’était pas le lubrifiant d’une relation ?).
Le lendemain (et oui déjà, le CAC 40 de l’espoir vient de reprendre 2,5% !) devinette : qu’est ce qui, au dernier moment, remplace une vodka tonic à Ménilmontant, et donne bonne conscience à tous les habitués de la bouteille et du Champs de Mars, par un froid polaire ? Et oui vous avez trouvé : la projection de « Home » en première mondiale ! Comprendre reconversion d’un photographe à succès en cinéaste réac’, herbe à gogo et pelouses souillées pendant le discours sur le recyclage. Mais mon esprit positif et de nouveau en chute libre : il faut dire que les vapeurs d’alcool et les effluves de beuh n’aident pas à avoir les idées claires. Retour en voiture. Direction : chez moi (et non, ne vous emballez pas, j’habite chez mes parents !). Mon humeur de pitbull de la soirée associée à mon refus net et sec (et réitéré 5 fois !!! Mon Dieu, pourquoi ces règles ?) qu’il pose sa veste sur mes épaules ne font qu’alimenter le silence qui règne dans l’habitacle. On arrive finalement devant ma porte verte, sans avoir hésité une seule seconde à l’embranchement de chez lui et de mon cœur brisé. Il sort de la voiture, il est trop poli, ma parole ! Et là, ô joie ! O surprise ! O crise cardiaque évitée de peu, il m’embrasse ! Un super roulage de pelle en plus : long, volontaire, et accompagné des mouvements de mains associés recommandés. Un 9/10 sans hésiter ! Même les petits bourgeois pré-pubaires- bourrés qui rentrent de soirée de l’autre côté de la rue- poussent la chansonnette ! Avais-je l’air si désespérée vue de 200m ? Ni une, ni deux, demi-tours sans arrêt jusqu’à son lit. Enfin, canapé-lit. S’en suivront des ébats sans pression engendrée par des pseudo-records à battre, et qui, ô joie, eurent un épilogue… Le lendemain matin, il m’embrasse une dernière fois. Je pars.
Et là, lors du premier contact virtuel post-coïtal, il se passe quelque chose d’étrange : on repart à zéro, avec quelques degrés de moins au thermomètre. Nous sommes (re)devenus des connaissances. Voire moins que des connaissances. Après trois jours d’échanges Facebook plus froids que le climat actuel de l’Antarctique, et de SMS inexistants, je décide de poser LA question fatidique, tout en connaissant déjà la réponse, sans avoir demandé l’avis du public ni téléphoné à un ami : étais-je un simple plan cul ? Sans être contre le concept, bien au contraire, il y a néanmoins une clause à respecter dans ce genre de cas : de l’honnêteté et une saine franchise. Mais là, mesdames et messieurs, on nage en plein délire : tout en m’avouant pratiquement avoir passé la nuit avec la demi-sœur de son meilleur ami, il s’offusque, me reproche mon langage trop direct à son goût, et m’explique la situation (à laquelle, je le rappelle, j’ai quand même assisté…) avec moult sous-titres.
Pour résumé, il ne m’avait pas violée, j’étais tout à fait consentante, et on avait simplement passé un bon moment.
Alors on en était là : on ne pouvait même plus se fier à l’empressement d’un homme ou à ses bonnes manières chevaleresques à votre égard. La politesse et le respect de l’autre s’étaient-ils perdus au point que le moindre café offert nous apparaissait comme une demande en mariage ? L’excuse évoquée était-elle malhonnête ? Un changement avait-il modifié les plans du Don Juan, délaissant son rôle du Dr Jekyll pour celui de Mister Hide ? L’agent 007, après une cour effrénée, donne bien ses conquêtes en pâture au méchant, dont les requins blancs stationnés dans le living-room apprécieront sans aucun doute les charmes de la créature à leur juste valeur .Les hommes ont bien compris que le baratinage, à l’instar du marivaudage, fonctionne à tous les coups. Tous ces éléments pris en compte, cela valait-il vraiment le coup ? Etions-nous prêtes à nous vendre pour un plat de gambas ? Pouvait-on alors parler de prostitution moderne ? Bien entendu, comme l’a si justement évoqué mon client ci-dessus, j’étais consentante au moment crucial. Mais l’aurais-je vraiment été en connaissant la fin de l’histoire ? C’était peut-être tout simplement la nouvelle mode : pour être « in », il faut être un charmant baiseur. Dans le même esprit que la montée en flèche de la métrosexualité. Plutôt que d’avoir un comportement de « goujat » de A à Z, on assure au début, et on arrête les frais quand on arrive au X… Si c’était effectivement le cas, on en tirerait au moins une leçon : on exigerait la qualité à chaque fois. Un peu comme au restaurant mesdames : quitte à se faire invitée, autant choisir ce qu’il y a de plus cher au menu. Et puis qui sait, une loi concernant les bons baiseurs certifiés A.O.C. sera peut-être bientôt votée.
Mais où est donc passé mon exemplaire du Bon Coup au Charme Dormant ?
Je pense qu'il n'y a pas besoin de brevet. Les sentiments n'y était pas, peut-être avez vous conclu trop vite. Je ne sais pas! Après quand le coeur n'y est pas, ca nuit au plaisir. T'en fais pas t'en verra d'autre, courage!
· Il y a environ 14 ans ·Saucisson