Feux nos papas, Maman, le Gros et moi (Once upon a time in L.A - part.7)

wic

Polar "Honni soit qui mal y flingue" désormais disponible. Achat papier/numérique à partir de la page suivante : http://wictorien-allende.over-blog.com/2023/01/publications.html


pour ceux qui ont suivi les épisodes précédents sur le compte de Smilling Cocoon, le "début de la suite" de l'enquête de Scoti à L.A... 


Chap. 7


Les derniers frasques alcoolo-sexuels de Mike avait mis Mum en émois. Mais pas moralement parlant puisqu'elle avait une vraie ouverture d'esprit dans ce domaine, suffisait d'ailleurs de connaitre, même parcimonieusement l'histoire de sa jeunesse pour s'en convaincre. Non, si elle avait été ébranlée par la reprise inconsidérée des travers du frangin, c'était au regard de l'équilibre financier du foyer. Avec un Mike de retour à la case prison, payer le loyer de la maison relevait de l'utopie pure et simple. Le salaire efflanqué que Mum arrachait difficilement à Sep Johnson et Mizzy Morales n'y suffirait pas. L'allocation de réinsertion de Mike était essentielle si l'on voulait tous les trois conserver ce même toit au-dessus de nos têtes...

— Déjà que t'as pas d'boulot ! elle m'a jeté dans un regard qui m'a évoqué ces gros nuages grisâtres prélude aux tornades, là-bas dans les plaines de mon enfance dans le nord de la Louisiane.

— T'en fait pas, Mum, j'ai répondu. Ch'uis pas à L.A depuis très longtemps mais j'ai déjà une affaire. Et des plus lucratives qui soit... Je suis certain que d'autres suivront si ça se passe bien. Et comme elle va bien se passer... Allez, te bile pas pour l'argent...

J'en rajoutais, je frimais un max et s'il me fallait rassurer ma mère, je savais qu'en lui sortant ça, je me rassurais aussi moi-même. Ce qui m'importait, c'est que dans les prochains jours, mes emmerdes seraient probablement largement suffisantes alors il était important ne pas y greffer celles d'un Mike enfilant un bel habit orange derrière un grillage serré et ma mère mise dehors par son proprio.

— On dirait ton père, elle m'a dit.

— Mumm... j'ai répondu de suite en trainant sur un max sur le « ummmm », comme pour lui signifier que ce n'était pas le moment. S'il te plait, pour une fois, laisse Papa où il est...

— Pas quand tu cherches à me rassurer avec ce genre de paroles ! Pas quand tu prends ce ton-là ! Et cette grimace... Tu sais, le jour où il est parti à la Banque pour ne jamais en revenir, il avait le même air que toi maintenant...

— Maman !!

Mais elle continuait son monologue, comme si je n'étais pas là, ce qui était sans doute plus ou moins le cas pour elle en cet instant.

— ...toujours à ignorer les risques, à minimiser les problèmes, à voir le côté plein de la bouteille... Mais en parlant de bouteille, changeons de sujet et revenons plutôt à Mike. S'il te plait, va me le chercher, Scoti. La nuit tombe et j'ai comme un mauvais pressentiment ce soir. Il faut qu'il reste du bon côté de la ligne blanche de sa conditionnelle... Et je ne vois personne d'autre que toi pour aller l'arracher du bar où il doit trainer...

Je lui envoyé le meilleur sourire qu'un bon fils puisse faire à sa vieille mère, me suis levé et lui ai plaqué une bise sur le front avant de quitter la maison.

Voilà comment je me suis retrouvé à passer ma soirée dans les bars, sur la piste du Gros. Une piste pour le moins assez claire vu que mon frangin n'a jamais été très doué pour les progressions en mode camouflage.

Du coup, cédant à la facilité de l'exfiltration du frangin, j'ai profité des lieux et des gens qui se trouvaient sur mon chemin pour tenter d'en apprendre un peu plus sur l'indienne mystérieuse et le Wilshire Country Club, sondant au petit bonheur la chance. Mais pour tout vous dire, durant ce balayage en règles des débits de boissons de South L.A, j'ai eu beaucoup plus de chance avec mon frère qu'avec la squaw au patronyme inconnu.

Tout ce que j'ai réussi à apprendre en lien avec l'embrouille du Vioque se résumait en gros à une vague description des abords extérieurs du W.C.C. Ceux qui en avaient entendu parler s'accordaient juste sur le constat que le club était du genre passablement select. Aucun des anges de la nuit que j'avais croisé n'avait été en mesure de développer plus en avant. Dans le domaine, on enfonçait même quasiment des portes ouvertes...

La seule info digne de ce nom m'avait été apportée par un jeune black, du genre affable et courtois mais tellement torché que j'avais d'abord songé à m'enfuir lorsque je l'avais vu porter une cigarette à ses lèvres. Heureusement pour tout le monde, ses allumettes avaient pris l'eau et je n'avais aucune solution de rechange à lui proposer.

Ça s'était passé peu de temps avant de remettre la main sur Mike. J'avais croisé ce gars qui ressemblait beaucoup à W.E.B Dubois, moustache en moins et cheveux en plus. C'est sans doute pour ça que je l'avais travaillé un peu, trouver des légendes afro- américaines dans mes enquêtes avait toujours plus ou moins constitué un rêve pour moi, alors pour une fois que je pouvais me faire plaisir à moindre frais... Pataugeant dans son alcool, le type me jurait sur une descendance qu'il n'avait probablement vu son jeune âge, qu'on trouvait dans ce club bien plus de gays refoulés que de golfeurs friqués. Mais j'en étais moi-même à mon nième verre alors je n'avais pas relevé. Peut-être aurais-je dû, ça m'aurait peut-être permis de gagner du temps en réflexion par la suite, allez savoir...

Cela dit, va croire le poivrot tout juste moins clair que toi...

 

Une fois retrouvé, je me suis aperçu que Mike m'avait à la bonne. Je ne savais pas trop pourquoi mais cette espèce de révélation m'a facilité la tâche. Je l'ai facilement chargé dans sa voiture, beaucoup plus aisément en tout cas que son état ne me le laissait présager.

— Je t'aime, frérot ! il m'a postillonné à la figure quand je me suis assis derrière le volant.

Son haleine aurait fait rougir un éthylotest de la LAPD mais je ne l'ai même pas sermonné. Ça n'en valait plus la peine, il était encore plus raide que l'avant-veille au soir, celle où il avait oublié la petite mexicaine dans mon pieu. Devant mon silence, il a remis sa deuxième couche de vernis :

— Ouais, je t'aime. Moins que Mum mais je t'aime !

— Aah… Tu m'aimes d'accord, mais tu m'aimes moins que Mum m'aime moi ou tu m'aimes moins que toi tu aimes Mum ?

Un courant d'air chargé de mauvais relents de Téquila m'a enveloppé.

— Pfffff... Scoti ! Je t'aime mais tu m'emmerdes avec tes questions débiles... T'as vu l'heure ? Hé, tu crois vraiment que je vais répondre à ça ? C'est des trucs pour mangeurs de grenouilles, pas pour un vrai kid comme moi !

Je n'ai pas relevé. Ni sa grammaire désastreuse, ni la classique provocation. L'heure probablement parce que sinon...

Parce que nos origines étaient fort éloignée l'une de l'autre. Du côté de mon père, c'était l'american way of life tout ce qu'il y avait de plus classique : louisianais depuis dix générations, bonne famille, bonnes études et mort prématurément durant le braquage de la banque où il travaillait.

Mais pour le sien, fallait plutôt se rendre dans la section Sad and distressing American track...

Oups, je vous sens circonspect avec cette dernière expression. Pas de panique alors, je vais vous briefer sur le bonhomme afin d'éclairer votre lanterne : Paul Michael Underwood Jr, né en janvier 1945 à Sauk City, Wioming; arrêté pour escroqueries, faux et usage de faux à l'âge de 20 ans dans la banlieue de Chicago, Illinois ; jugé quelques mois après à Des Moines, Iowa et décédé 4 ans plus tard, le 20 juillet 1969 très exactement, juste avant qu'Armstrong ne pose son fameux pied sur la lune, et juste après sa sortie de l'Iowa State Penitentiary, abattu de 19 balles (dont 12 qualifiées de mortelles par le légiste) à Kennett, Missouri, un de ces nombreux bleds invisibles du Midwest. Une vie en forme de descente infernale, du nord vers le sud, mais pas n'importe quel sud, hein ? Celui de nulle part, avec poussière et ballot de pailles qui arrachent les bandes jaunes et noires estampillées CRIME SCENE DO NOT CROSS.

La vie est triste parfois, non ? Et c'est même pire quand les dés sont pipés voir quand on n'a pas appris à les lancer du tout... Chaque fois que je me remémorais la funeste trajectoire du vieux de Mike, la même question me taraudait : comment et surtout quand le bonhomme avait-il eu l'occasion de mettre Mum en cloque ?

Une question sans réponse puisque malgré toute sa gouaille, ma mère n'était pas d'un naturel à s'épancher sur le sujet.

Mon père nous avait élevé tous les deux mais son départ précipité pour l'au-delà bien avant que nous ne soyons en âge de conduire une voiture ne lui avait pas laissé le temps de finir le boulot, notamment en ce qui concernait Mike, lequel disposait malheureusement de certains gènes particulièrement tenaces hérités de son propre géniteur. Mike avait perdu deux pères et pour se singulariser, il marquait les différences, chaque fois qu'il le pouvait.

Voilà pourquoi me juger et me chambrer au travers de mes origines, même pas françaises, ni francophones, seulement francophiles, restait son jeu préféré.

Un jeu récurent et décapant à souhait. Et autant avouer également que sans aller jusqu'au réel plaisir, ne pas retrouver ces piques dans nos conversations m'aurait inquiété. Ces joutes, c'était le seul véritable truc constant entre nous, vu qu'on avait évolué dans des mondes forts éloignés, des mondes autant humains que géographiques.

Une distribution des cartes nettement en sa défaveur, un physique qui rendait à peu près tous les autres mecs jaloux mais une intelligence proche de celle du docker, il avait morflé, et beaucoup plus que moi. Penser de la sorte me confortait dans le rôle qui avait toujours été le mien : le petit frère qui ne la ramène pas, la met souvent en veilleuse, s'écrase le plus souvent mais à qui on ne l'a fait pas non plus. Aux yeux de Mum en tout cas.

Je me suis retourné vers lui, croyant découvrir son habituel regard provocateur. Mais non. Les changements brusques de directions aux coins des blocs, le siège-passager bien profond de son Oldsmobile, et l'alcool plus certainement, tout ça avait eu raison de ses dernières forces.

Mike, c'était un grand écart permanent. Balaise à faire peur à Tyson en personne quand il pétait les plombs et capable pourtant de s'endormir entre deux phrases dans une caisse aux suspensions trop molles. Ce qui arrivait par trop souvent d'ailleurs. Si mon enquête foirait et que je m'installe finalement dans le coin, il allait falloir que je m'occupe de ça...

J'ignorais ce qui le poussait à biberonner de la sorte mais contrairement à ce qu'il pensait, je n'en avais pas rien à battre, je n'avais simplement pas eu de temps à y consacrer jusqu'à présent. Je lui devais bien ça. Car mine de rien, on ressemblait encore à une famille, feus nos papas, maman, le Gros et moi.


  • Moi aussi j'ai envie de la suite :D
    Bon, j'suis toujours aussi fan de cette histoire et de Scoti en particulier. Mais en plus la famille... Quelle famille !! Et j'aime vraiment ton écriture tellement fluide, tellement agréable à lire, qui flirte presque avec les clichés (mais pas dans un mauvais sens du tout hein !!). Juste qu'il faudra songer à te relire, parce que y'a plein de fautes bêtes :) (et des oublis de mots je crois)

    · Il y a plus de 10 ans ·
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    octobell

  • Merci. (en fait si tu n'a pas lu les épisodes précédents c'est bcp moins pétillants).
    pour la suite, ça reste à écrire (développer serait plus juste puisque le plan de l'histoire est plus ou moins figé désormais) et moi aussi j'ai envie de la suite - rires !

    · Il y a plus de 10 ans ·
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    wic

  • belle atmosphère .... on a envie de la suite

    · Il y a plus de 10 ans ·
    Tyt

    reverrance

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