Grand carré du champ de bataille
rechab
--
Sur une zone que l'on peut imaginer,
nettement dessinée en un grand carré
se joue une partie décisive.
C'est un champ de bataille
où se projettent les ombres des soldats
attendant l'heure du combat.
Le sol est carrelé de noir et blanc :
comme s'opposent aussi
les livrées des adversaires.
Chacun fourbit ses armes,
aiguise sa lance,
flatte l'encolure des chevaux .
Le roi blanc tient conciliabule
avec la reine, et son état-major ,
le roi adverse en fait de même,
imagine une tactique
pour qu'à l'issue de la bataille,
la victoire soit totale,
et le terrain conquis .
Les règles sont précises :
c'est un rituel précis
où chacun a ses chances,
mais qui détermine l'histoire ,
la prospérité des cités ,
la souffrance des peuples.
Tout se joue dans les espaces libres ,
pour ne pas entraver les manœuvres,
avec la gravité nécessaire .
Quand sonnent les trompettes,
les adversaires s'élancent avec prudence,
renforcent leurs lignes,
prévoient des passages,
avancent de quelques mètres,
lancent leurs premiers traits .
Peu importe le sérieux du monde,
les ravages des conquêtes,
ici, c'est une partie
qui se joue à huis-clos
où les forteresses se déplacent,
les fous traversent le champ
à toute allure,
ou guettent derrière les collines.
C'est une guerre d'usure,
faite d'avancées et de reculs,
où la diplomatie a sa part ,
( et très peu le hasard ) :
chaque mouvement a son sens,
et pose question à l'autre
sur ses intentions.
Les pièges sont nombreux,
et se cachent
sous une apparence inoffensive .
Ce sont des pièces d'ivoire
qui commandent le destin,
se précipitent les unes sur les autres,
provoquent des brèches.
Elles n'en sortent pas indemnes :
il y a des victimes
et des bataillons sacrifiés
qui ne connaîtront jamais la gloire
ou le souvenir de la bataille.
Ils sont sortis du plateau,
désormais inutiles,
alors que se précise la situation.
Les lignes sont enfoncées,
le centre est conquis.
L'artillerie occupe
les endroits stratégiques,
et remonte progressivement
vers l'adversaire.
Elle enchaîne les attaques
et soutient l'infanterie,
qui, inexorablement,
avance.
Le royaume est en jeu,
l'adversaire bat en retraite,
sous un fardeau trop pesant :
on vient d'annoncer
que l'armée est décimée,
tous les chevaux sont morts,
le roi noir est enfermé
dans son donjon,
sans espoir d'en sortir,
il appelle en vain
la reine, prisonnière....
Déjà rougissent
les lueurs de l'incendie :
cessons cette fantaisie,
il est temps d'interrompre la partie,
on peut annoncer avec satisfaction :
« Echec et mat en deux coups » !
-
RC -
bien sur que c'est poétique j'aime beaucoup ( et lu Pessoa )
· Il y a plus de 6 ans ·Susanne Derève