GROS DOIGTS

17h27

-"Fingers in the nose..." -"Are you killing me?" -Nope... -Fuck U and RIP, asshole!

Gros Doigts a déboulé dans sa vieille camionnette Volkswagen. Il est entré dans mon bureau, m'a fait 4 bises et m'a remis ses contrats. Jusque là, tout allait bien. Mais il a eu la très mauvaise idée de m'adresser des remontrances quant à la façon dont j'organisais son planning. Il m'avait saoulée plusieurs fois à m'expliquer, crayon en main, la « boucle » idéale que devait suivre sa tournée quotidienne. J'avais opiné du chef sans rien écouter, persuadée qu'il épuiserait rapidement les ressources déjà pauvres de sa pédagogie de comptoir. Voilà qu'il s'apprêtait à remettre ça de façon plus virulente. Ce matin là, fallait vraiment pas me prendre la tête. J'étais sortie la veille, j'avais une heure de retard au boulot, j'avais mal partout. Alors, c'est tout naturellement que j'ai recadré le débat. Regard méprisant, sourire narquois, ton agacé, bref, la panoplie complète de la garce en action. Je l'assassinais. Dans ses yeux ronds, je voyais monter la colère. Alors, forcément, j'en rajoutais : il ne faut jamais laisser à l'autre le moyen de reconquérir le terrain qu'il vient de perdre. Après la colère, dans ces mêmes yeux ronds, je lisais à présent de la détresse. Et je devinais qu'il cherchait le moyen de me répondre sans me heurter. Je lui offris donc un instant de silence, puisqu'il était vaincu, et guettai la façon dont il allait s'en sortir. « Je sais bien que… », « Je comprends … », « c'est normal ... » : voilà les formules à l'aide desquelles il enrobait ses flèches molles. Je n'étais définitivement pas disposée à l'écouter. Je soufflais de façon outrageuse, je vaquais à mes occupations sous son nez, je le rendais dingue. A 13h, je me levai, alors qu'il me parlait encore, et fis mine de quitter le bureau. En réalité, je le mettais dehors. Je le vis repartir dans sa camionnette blanche, et ne pus m'empêcher de penser qu'il battrait sa femme le soir même.

 

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