Friendzone
shalom-shalom
Tu es là, toujours là, pour qu'un jour les soirées entre potes deviennent interdites aux moins de 18 ans.
Il t'appelle, tu es là. T'avais un repas avec tes parents, tu t'en fous tu trouves une excuse et tu le rejoins boire des kro entourée d'amis qui ne sont pas les tiens et qui ne le seront jamais, mais tu t'en fous, t'es là! T'es tellement là qu'il te confie tous ses problèmes de meufs et toi tu enchaines le sourire aux lèvres, le cœur serré. Tu te surprends même à l'aider, tu lui donnes des conseils de chope à base de configuration de profil Tinder. Tu le connais si bien, il n'y a que toi qui peut l'aider dans cette tâche c'est évident! Tu rentres chez toi le soir et t'as envie de pleurer. Il t'envoie des messages sur sa journée, sur son moi profond, tu tends des perches qu'il te relance dans la tronche avec la plus grande innocence du monde. C'est dur, mais t'es là.
Tu t'ériges seule en grande martyr de la friendzone.
Tu te rassures à base de « peut-être qu'en fait il fait ça pour me tester, peut-être qu'il veut que je fasse le premier pas ». Et dans tout cet espoir tu es là. A te faire mal toute seule comme une grosse maso et le regarder s'insurger quand d'autres posent la question « vous êtes ensemble depuis combien de temps? ». Parce que oui, l'amitié fille-garçon hétérosexuelle et sans ambiguité, ça marche rarement et tout le monde l'a compris sauf lui. Donc tu te contentes de mourir de l'intérieur et tu le laisses répondre.
Tes amis te disent qu'il est nocif, ta mère le trouve louche. Tu es passée de personne indépendante à serpillère sentimentale imbibée de larmes. Une part de toi s'en fout car tu es là. Ton cœur rate une marche quand tu l'aperçois et tu finis par vraiment en manquer une après une nuit à boire. Résolue que tu es à utiliser l'alcool comme philtre d'amour. Ta grande scène de la révélation imaginée dans tes nuits sans sommeil finit par se transformer en énorme gueule de bois. Tu voulais sortir les mots justes les yeux dans les yeux, tu as juste vomi tes chips au vinaigre la tête dans les chiottes. Tu étais triste à voir, tellement qu'il t'a même demandé pourquoi tu te mettais dans cet état là. Pour rien t'inquiète, au moins t'es là.
Tu justifies salement ton sort en disant que tu peux tenir, qu'il n'est pas si important que ça, que t'arrêtes quand tu veux. Jusqu'à ce qu'un texto de trois mots de sa part te replonge dans les méandres de l'espérance. Il est beau l'amour 2.0. Auparavant les lettres étaient enflammées, les déclarations assumées. Aujourd'hui, ton corps tout entier est chamboulé par un "Ok à ce soir" reçu sur iPhone en mode vibreur. Tu étais une personne équilibrée avant, souviens toi.
Justement c'est pour ça que t'es là.
Là à écrire ces lignes pour ne pas lui envoyer le message qui est près depuis deux jours dans tes brouillons. Là à repousser le moment des aveux et donc des adieux. Tu fais ça pour ton salut ma grande, donc il est temps de reprendre un peu la maitrise de ta vie et d'appuyer sur « envoi ».
Allez, arrête d'être là et envoie.