Ha, la famille ! (Suite)

Hervé Lénervé

DRING ! DRING ! DRING !

Encore ! Mais il a déjà sonné hier, ce téléphone ! Je ne suis pas le standardiste, moi !

-         Oui ! Allô, oui ! Encore le cousin Louis, je t'ai, déjà, passé ma femme, Louise, hier, tu n'as pas eu le temps de lui lire toute ta nécrologie ? Ah, elle n'était pas exhaustive, normal, c'est toujours la nuit que les gens meurent, va savoir, pourquoi ? Non Louise n'est pas là, elle est partie, va savoir pourquoi ?… quoi ? Avec le maréchal-ferrant ? Mais non ! Voyons ! Tu sais les maréchaux-ferrants à Paris, ça ne court pas les rues et depuis Pétain le grade a été supprimé dans la capitale, on est obligé de circuler en automobiles. Quoi… avec le maréchal-ferrant de chez toi ? OK, il est grand, OK, il est beau, OK, c'est un cavaleur aussi, remarque pour une personne qui se nourrit sur les chevaux, ce n'est pas si cavalier !  Mais là, Louise vient de sortir faire des courses, tu vois, je doute qu'elle ait eu le temps de descendre en France Profonde. Décidément… quand tu as une idée dans la tête, toi, tu ne l'as pas dans le… enfin tu m'as compris… non ! Pas grave, fait semblant. Je veux bien croire que ton maréchal-ferrant soit rapide, qu'il ait sauté toutes les pouliches de ta région et que la moitié des enfants naissent déjà ferrés, chez vous, mais là, vois-tu ce n'est pas possible de parcourir cinq cents kilomètres à cheval en trois heures. Ah, mustang ! C'est une voiture aussi, maintenant, d'accord ! Enfin cela reste quand même très peu probable. Et puis la Louise, tu sais, elle n'est plus de la première fraîcheur, Ah, il s'en fout, il prend tout, OK, il n'est pas snob ! Tiens, j'entends les clés, elle est déjà de retour, tu vois… Attends, j'entends plusieurs voix, elle est accompagnée… Ne quitte pas, je vais te la passer… Quoi, une voix d'homme ? Oui, peut-être. C'est vraiment une idée fixe chez toi, ton maréchal-ferrant, si tu arrives à le reconnaître par téléphone maintenant, t'es vraiment fortiche ! Quoi ! me planquer, mais pourquoi me planquer ? Je suis chez moi ! Il s'en fout, il va me casser la gueule ! Il préfère massacrer les cocus, d'entrée, pour ne pas être emmerdé à la sortie ! Comment ça ? Ah, avec sa masse ! Putain… c'n'est pas vrai ! Non, je ne dis pas que tu mens, mais quand même ! Ecoute rappelle plus tard, là je vais aller me planquer ! T'as raison, c'est plus prudent ! On ne sait jamais ! Oui je pose le combiné sur la table, tu pourras toujours appeler le Samu…

-         Chéri ! Tu es où ? Regarde qui, j'ai rencontré dehors ?

« Le maréchal-ferrant ! »

-         C'est quoi ce bruit ? Ah, c'est le combiné du téléphone, qu'est-ce qu'il fait sur la table ?

Louise raccroche le combiné sans vérifier si une personne est en ligne.

-         Mais, que fais-tu sous la table, chérie ? Regarde je suis avec ton ami, Fernand Maréchal ! Pardon ? Non, il n'est pas armé ! Tu te sens bien, toi ? Sort de là-dessous maintenant ! Fernand ! Vient m'aider à sortir ton ami, mon mari, du dessous de la table, il nous refait un épisode de bouffées délirantes paranoïaques ! J'appelle le Grand Docteur de l'Asile !

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