Héros du quotidien
Yeza Ahem
Voici un nouveau petit matin, une nouvelle journée où il me faudra survivre et déjouer tous les pièges qui cernent mon foyer. Avec mon compagnon, nous avons 8 petits êtres dont nous sommes responsables et qui ne peuvent compter que sur nous pour se nourrir et apprendre à vivre dans un monde où tout peut être danger.
Nos ancêtres vivaient dans les campagnes. Peu à peu, les villes se sont multipliées et nous avons quitté les champs pour les cités où la nourriture semblait plus facile à obtenir, et les prédateurs moins nombreux. Nous nous contentions de vivre dans les mansardes, les coins sombres et parfois humides, là où personne d'autre ne voulait habiter. Mais cela ne suffisait pas. Nous ne prélevions pourtant pas grand chose des déchets délaissés par les Seigneurs des villes, fils d'une race intolérante et rancunière.
Sous prétexte de vieilles histoires arrivées il y a plusieurs centaines d'années, avec des membres de notre famille, mais d'une branche éloignée, on nous accuse des pires maux : épidémie, diablerie et crasse nous suivraient partout. Alors tout est permis pour nous exterminer. On pourrait nous tuer simplement, proprement. Mais non : il faut que l'on souffre, que nos petits soient éradiqués, et comble de cruauté, par leurs parents qui pensaient les sauver de la famine, avec des denrées empoisonnées. Et cela ne suffit pas encore. Pourtant traités de vermine, vous maintenez certains d'entre nous dans des cages entassées dans des laboratoires aux murs blancs et aux sols carrelés pour mieux nettoyer les résultats des sévices que vous nous faites endurer. Pour les seigneurs des villes, et particulièrement pour les Maîtres des cages, notre intelligence vaut pour être testée, mais ne doit pas être prise en compte lorsque nos souffrons pour leur permettre d'élever sur notre charnier le monument à leur gloire : médecine, cosmétique, curiosité... tout est prétexte à notre torture.
Voici un nouveau petit matin. Aujourd'hui encore, mon compagnon et moi devrons chercher à manger pour nous et nos petits. Chaque bruit m'est suspect, mais je dois affronter mes peurs. Ils ont faim et doivent vite prendre des forces pour que nous puissions repartir, toujours plus loin vers la lisière de la ville qui ne semble plus finir. Peut-être mes enfants arriveront-ils à en sortir et à retourner vers des dangers plus naturels, vers une simple lutte entre prédateurs et proies, loin de la perversion des bipèdes.
En attendant, je slalome entre vos monstres de métal, je choisis les miettes que je dois rejeter, celles que je peux manger, je défends mes petits contre les autres quadrupèdes et j'imagine des stratégies pour déjouer vos pièges assassins, tout en m'occupant de mes enfants. Je leur enseigne la survie et l'oubli des frères et sœurs morts empoisonnés dans de terribles souffrances, coupés en deux par le fer qui tue les gourmands ou disparus trop tôt.
Un jour, je serais fatiguée, mon odorat et ma vue seront émoussés. Alors il sera temps d'arrêter et de choisir ma fin. Mais en attendant, je dois survivre et continuer, jusqu'au prochain petit matin...
Licence CC : BY-NC-SA
Il est rat remant apprécié ! Alors, comment pourrait-il souri re à la vie...
· Il y a environ 9 ans ·veroniquethery
J'aime beaucoup ;-)
· Il y a environ 9 ans ·Yeza Ahem
Un hommage vrai à des êtres qui demandent à vivre, simplement, Et les préjugés stupides des bipèdes...
· Il y a environ 9 ans ·Lesquels bipèdes tuent les animaux sans états d'âme pour (trop) bouffer...
astrov
Eh oui ! Il faudrait plus souvent décaler notre regard, tenter l'empathie...
· Il y a environ 9 ans ·Yeza Ahem
Pas d'opéra pour ceux là . Rien ne leur sourit !
· Il y a environ 9 ans ·erge
Bien vu ! :-)
· Il y a environ 9 ans ·Yeza Ahem