Hier

Jo Todaro

Il y a quelques quatrains, mon père est arrivé

Avec aux creux des mains un rêve de liberté

Et une égalité qu'il voulait faire rimer

Avec fraternité, depuis tout a brûlé

Il venait d'un pays d'étés et de prières

Désireux d'embrasser une Marianne bien trop fière

Un étrange avenir où il était écrit

Qu'il venait découvrir la misère en plus gris


Mais dites-moi mes frères, que le vent a tourné

Que le soleil amer a cessé de briller

Qu'il nous reste du temps, des lèvres à embrasser

Et qu'au-delà des vents soufflent encore ses idées


Quelques alexandrins se sont glissés depuis

Sous des ponts que nos mains dessinaient dans la nuit

Je revois les bateaux aux couleurs de l'enfance

Naviguer sur ces eaux dans le plus grand silence

Des radeaux de fortune qui n'avaient pas de nom

Et que les clairs de lune envoyaient par le fond

En emportant nos rêves et tous ceux de mon père

Car c'est ici que crèvent tous les nôtres en colère


Mais dites-moi mes frères qu'il n'est jamais trop tard

Qu'on peut voir en arrière, échanger nos mémoires

Parlez-moi de ce temps où nous nous endormions

Bercés par les accents de lointains horizons


De bien trop nombreux vers nous ont blessé les mains

Dans ce pays de verre, d'éphémère et de rien

Le miroir assombri de nos identités

Nous aura travestis, citoyens qu'à moitié

Comment dire à mon père sans trop le faire souffrir

Je suis encore trop fier pour pouvoir lui mentir

Papa ton beau pays se meurt de solitude

Et croule sous le poids de trop de certitudes


Mais dites-moi mes frères, osez donc le crier

Qu'il s'agit bien d'hier, qu'il reste à partager

De nos noms tous les A, de nos noms tous les O

Encore quelques pizzas et toujours quelques mots

Mais dites-moi mes frères qu'il reste à espérer

Bien plus que la colère, bien plus que les dangers

Dites-moi que nos sangs, dites-moi que nos chairs

Jailliront des volcans dans des flots de lumière

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