Hiro Hiro - Le Duel du Début de la Fin...

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Cela fait quelques heures déjà que la nuit a refermé son immense aile obscure sur ce monde frêle et petit. Vu d'en bas, le ciel qui en recouvre la surface est d'un bleu sombre absorbant, étoilé, sans nuage aucun. Krira et Nira, les deux satellites naturels de Zargoal, se font face en silence, tandis qu'au sol, le vent se fait cinglant et hurle pour la foule qui se fiche totalement de ce spectacle, tel un seul et unique spectateur bruyant dans le vide absolu de l'Univers. Zargoal s'est recouvert de son habituel long et épais manteau de feuilles brunies par la mort, qui volent au bon grès de l'air qui joue encore avec les branches séchées des arbres parés de leur plus bel habit roux de cette saison précédant à l'obscurité. Au loin, quelques points lumineux scintillent sur le sol, comme pour refléter ces étoiles que personne n'atteindra jamais, petit village perdu au milieu de tant de verdure défraîchie, refuge des voyageurs et des mendiants sans toit. Tout est calme dans la plaine. Seul le vent est maître des lieux ce soir, qui vagabonde sur son domaine sans frontières... seul ? Non, pas tout à fait.

Deux petites silhouettes se détachent, dessinées par le duel silencieux des deux astres nocturnes, prêtes à s'affronter à leur tour dans un vacarme tel que même s'il devenait mistral, le vent ne pourrait le cacher des oreilles de quelque imprudent qui ne saurait se mêler de ses propres affaires...

A gauche, sortant de la pénombre comme un rayon de soleil perce les nuages, la première silhouette, petite, fine et agile, avance sans se soucier de l'air, comme si elle en faisait partie ; elle bondit comme l'éclair frappe, court comme l'oiseau vole, se déplace comme le prédateur chasse.

À droite, la seconde silhouette s'approche de la première, relevée de dignité, découpée au bleu du ciel, et trace dans la brousse frémissante sous les caresses fougueuses du vent et bleuie par le combat qui se déroule déjà là haut ; sa fière allure et son altière posture ouvrent ses pas comme des gardes laissent place à leur capitaine, les herbes sèches se couchent sur son chemin comme les habitants d'un royaume se prosternent devant leur souverain.

Chaque ombre ainsi découpée s'élance avec ardeur vers l'autre comme une flèche enflammée va percuter bientôt sa cible. Le choc est inévitable.

Soudain, comme s'il retenait sa respiration, le vent cesse toute activité, laissant ainsi le loisir aux deux apparences noires de hurler pour lui et de faire de leur affrontement un violent cri. Enfin, ils s'entrechoquent, et un tintement cristallin se fait entendre. Deux armes se frappent de plein fouet. Le kakssa clouté de l'une des deux silhouettes contre l'épée large de l'autre. Puis les coups se font plus rapides, les abois des deux armes plus plaintifs, le silence entre chaque frappe plus rétréci. La lutte des deux adversaires durera encore toute la nuit jusqu'à ce que, épuisés de fatigue, ils s'effondrent d'un même bloc sur ce sol qui voit les combats qu'ils se livrent chaque nuit. La lumière envoyée à la plaque de la lame argentée et aux clous fins est rendue aux astres lunaires en des centaines de petits rayons de cristal, légers et brillants.

Comme si la terre à son tour voulait combattre on ne sait quel adversaire, et d'ailleurs on s'en fiche, un tremblement du sol poussiéreux les accompagne dans leur furie brûlante. Dans le rassemblement de hameaux non loin, même les honnêtes gens qui voudraient dormir auront une nuit pénible s'ils ne ronflent pas déjà, les bébés pleurent ; les alcooliques qui traînent encore dehors à cette heure tardive beuglent à leur tour. Finalement, d'autres petites étoiles terrestres s'allument puisque tout le monde au village est réveillé. Les loups commencent à hurler au loin. Entraînés dans leur frénésie, les deux ombres ont totalement oublié tout ce qui les entoure et poursuivent leur combat coûte que coûte...

Le vent s'en est allé, laissant les herbes sèches et déjà ternies par la saison prochaine sans mouvements, sans compagnie aucune. Les étoiles disparaissent dans la légère brume qui s'élève déjà, poursuivie par la douce lumière des premiers rayons du soleil qui ne tarderont pas à parvenir jusqu'au village. Les deux formes noires sont épuisées. Elles ne peuvent tenir plus longtemps ainsi, à se battre de toutes leurs forces. Chacune est ralentie par l'épuisement et la douleur qui lui brûle l'estomac, les bras, les jambes. Les respirations sont saccadées, les lames se percutent plus fébrilement, le soleil va effacer la nuit et le combat des adversaires.

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