Histoire de Vie - Extrait 2

Hervé Lénervé

Extrait du roman « Histoire de vie » Edilivre 2014 Passage, passablement malsain, âmes sensibles s’abstenir. On ne décrit pas les dérives d’un monstre avec des points de dentelle.

« Je me souviens donc de cette chaude journée de printemps. Ma sœur était légèrement vêtue et avait lourdement insisté pour m'accompagner sur le plateau de la Vieille Renarde afin de réparer une clôture de barbelé malmenée par des sangliers. Il y avait une petite grange en bout de champs où nous entreposions quelques outils et du foin. Je savais pouvoir également y trouver de la ficelle, des courroies de cuir ou de la corde, cela aura son importance, au point que sans cette remise à disposition rien ne serait arrivé, pour cette fois du moins.

Ma sœur portait une robe légère écrue, boutonnée sur le devant, à l'imprimé printanier ; de petites fleurs violettes. Le soleil droit devant nous, éblouissait. Elle me devançait sur le chemin étroit et je voyais son corps souple, en ombre chinoise, onduler sous le vêtement ample rendu transparent par les rayons solaires qui le traversaient de part en part.

La robe diaphane oscillait de droite à gauche, la silhouette sombre de gauche à droite dans un mouvement de double balancier hypnotique. Le glissement du tissu sur le corps ou l'inverse révélait des formes, des jambes sportives, des fesses musclées. Ma sœur était callipyge. Elle avait noué, haut sur sa tête, ses cheveux blonds vénitiens en une queue de cheval et celle-ci se balançait également au rythme de sa marche sautillante pour éviter les inégalités du terrain. Il y avait quelque chose de jeune, d'éthéré et d'érotique dans le mouvement de cette coiffure, à moins que ce ne fût que ma tendance à tout érotiser. Quoi qu'il en soit, je sentis le désir monter en moi, je pourrais dire, pour me dédouaner du passage à l'acte, que l'envie fut irrépressible. Car bon an mal an, à part quelques tracasseries vénielles sur des animaux, je n'avais encore rien fait d'illicite, je n'étais ni plus ni moins que pareil à tout un chacun.

Mais le fait d'avoir si souvent fantasmé ces scènes de jouissance fit que la censure qui sépare l'autorisé de l'interdit était chez moi si affaiblie qu'elle ne résista que par principe. Le minimum syndical pour ne pas être accusé de faute professionnelle.

Me voilà, donc, à califourchon sur ma sœur étendue, le dos contre l'herbe, mes deux mains autour de son cou si fragile. Ses beaux yeux étonnés se demandant quelle mouche avait bien pu me piquer. Je la pénétrais immédiatement, sans autre forme de procès. De toute manière, le temps n'était pas aux préliminaires amoureux. J'avais pleinement conscience que je violais ma sœur et par ce fait, je m'interdisais toute possibilité de retour, je m'étais mis dans l'obligation de la tuer. J'avais détruit tous les ponts qui m'auraient permis de revenir. Bruler les terres derrière moi. J'étais pleinement conscient, à treize ans, de vivre le premier moment décisif de ma vie. De ceux que l'on identifie souvent, plus tard, comme faisant partie de ces accidents qui déterminent irrémédiablement toute une destinée.

Je me retenais le plus possible pour retarder ma jouissance et j'essayais de la maintenir en vie pour satisfaire mon plaisir. Les yeux de ma sœur avaient fini de croire en un jeu. Je subodore qu'elle avait tout compris, pour la première fois elle me voyait tel que j'étais. Elle savait qu'elle allait mourir. Elle m'avait démasqué, mais elle n'en comprenait toujours pas la raison. Son regard exprimait maintenant l'incompréhension. Il s'était substitué à sa voix muette, il me questionnait : « Mais enfin ! Pourquoi ? Henri ! Pourquoi ? »

Bientôt ce stade fut lui-même dépassé, il n'était plus temps de comprendre des raisons rationnelles à mes actes, ce que réclamait son corps, c'était de l'air, les besoins physiologiques primaient sur toute réflexion psychologique. Elle commença seulement à se débattre avec toute l'énergie de l'instinct de vie, mais cela ne suffit pas, ma sœur comme la grande majorité des femmes succombaient à la domination du sexe fort.

 Mon esprit tentait de contrôler ma pulsion sexuelle, la pression de mes doigts sur sa gorge tentait de réguler sa vie. Je lui laissais passer juste assez d'air pour qu'elle reste là. Ce dosage n'était pas facile et l'équilibre précaire, si bien que je ne saurais dire lequel de ces deux mouvements déclencha la synergie de l'ensemble. Mon plaisir éclatait en elle, mon sperme chaud, potentiel de vie, la remplissait quand paradoxalement mon étreinte glacée la vidait de son essence vitale.

Le principe des vases communicants en quelque sorte.

 D'un seul coup, ma sœur m'initiait et à l'amour et au crime, elle me déniaisait doublement. Or je peux le dire sans honte aujourd'hui, Dieu m'en est témoin, que je lui en suis encore reconnaissant… »

  • Non, je crois au contraire que la pire des choses est de l'avoir vécu. Sœur comme frère.

    · Il y a plus de 7 ans ·
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    bartleby

    • C aussi mon avis, une situation dramatique virtuelle est tjrs préférable à celle vécue. En interaction sociale les affects sont ressentis dans sa chair. Si l’observateur a la chance de passer à l’action, comme le dit Marcus il n’en gardera peut-être pas de trace, mais pour les autres paralysés par la terreur le traumatisme sera maximal. Ne pas agir renvoi à un sentiment de complicité avec une dévalorisation de sa propre image engendrant un mépris de soi. Je suis bien sérieux this morning.

      · Il y a plus de 7 ans ·
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      Hervé Lénervé

    • Que cela se passe dans une histoire virtuelle ou réellement, il y a forcément une trace quelque part. Tu veux que je te dise ? Ce texte, dans la description de cette sœur désirable, je l'ai trouvé beau. Je savais fort bien où cela mènerait. C'était virtuel, mais je me suis sentie extrêmement sale dans mon esprit. Voilà déjà une trace: s'apercevoir qu'on lit jusqu'au bout pour savoir, pour savoir ! L'acte en lui-même est atroce.
      Maintenant, quelqu'un qui l'a réellement vécu, je ne pourrai pas comprendre la souffrance que cela doit engendrer. Violer sa propre sœur, c'est revenir à la tuer, en quelque sorte, c'est un crime. Comment s'en repentir quand on garde tout en soi ? Faut-il s'en repentir ? Si cette soeur est toujours humainement en vie, faut-il lui dire "Oui. C'est moi, je l'ai fait. Et finalement, peut-être que je savais très bien ce que je faisais". Ce qui est pire encore. Je ne saurais que dire, si ce n'est qu'il faut un soutien, un vrai, d'où qu'il vienne. Les actes ont été commis, on ne peut y revenir. C'est trop tard. Mais se libérer de cette peur et de cette emprise est peut-être possible, pas à pas.

      · Il y a plus de 7 ans ·
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      bartleby

    • Eh, bé ! Ca fait parler ma petite fiction.

      · Il y a plus de 7 ans ·
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      Hervé Lénervé

    • Peut-être bien parce que le sujet abordé n'est pas des plus léger à lire.

      · Il y a plus de 7 ans ·
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      bartleby

    • Certes !

      · Il y a plus de 7 ans ·
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      Hervé Lénervé

  • Franchement j'ai la nausée. Et pourtant j'ai vu bien pire... Le lire est plus terrible que y assister, car présent tu peux agir, là tu es impuissant.

    · Il y a plus de 7 ans ·
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    Marcus Volk

    • Personnellement je n’ai jamais assisté à pire, ni à l’équivalent, ni même à moins et entre nous, je préfère nettement que ce ne sois qu’une fiction.

      · Il y a plus de 7 ans ·
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      Hervé Lénervé

    • C'est comme les mythes, il y a toujours un fond de vérité...

      · Il y a plus de 7 ans ·
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      Marcus Volk

    • Je te rassure : Violer et étrangler ma sœur ou qui que ce soit d’autre, d’ailleurs, ne fait pas partie de mes fantasmes. Maintenant tu peux penser ce que tu veux ou croire en tes vérités, il n’y a pas de problème.

      · Il y a plus de 7 ans ·
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      Hervé Lénervé

    • Je ne parlais pas de toi, puisque comme tu l'annonces c'est un "Extrait du roman « Histoire de vie »" ; je parlais de certains auteurs en général, spécialisés dans ce type d'horreur...

      · Il y a plus de 7 ans ·
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      Marcus Volk

    • Histoire de vie est un polar que j’ai écrit en 2014, j’ai choisi cet extrait pour son côté provocateur, je l’avoue. En fait, il faut lire l’ensemble pour comprendre la démarche. Maintenant effectivement le roman reste très noir et glauque.

      · Il y a plus de 7 ans ·
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      Hervé Lénervé

    • D'accord ! tu es un écrivain qui publie. Oui je suppose que cet extrait sorti du contexte peut mettre mal à l'aise. Je suppose aussi qu'il faut savoir se mettre dans l'esprit pervers de ce type de criminel.

      De toute façon je suis allergique au genre (je préfère les romans historiques et la SF en passant par l'anticipation, sinon quelques essais par ci par là...) Je t'ai lu parce que j'aime bien ce que tu publies ;-))

      · Il y a plus de 7 ans ·
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      Marcus Volk

    • Je crois que tu t’intéresses aux sciences humaines, j’ai beaucoup lu d’études de cas psychiatriques sur les psychopathes, pour ne pas écrire n’importe quoi sur le sujet. Mais effectivement j’aurai très bien pu écrire sur n’importe quel autre sujet. Ce qui m’intéressait était de comprendre le cheminement psychologique de cette pathologie mentale. « La bête humaine. » sans comparaison aucune de talent avec Zola m’a beaucoup inspiré.

      · Il y a plus de 7 ans ·
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      Hervé Lénervé

    • C'est vrai ; certains comportements -déviants ou autres- m'intéressent -de temps à autres, mais j'avoue que je sature ; l'Humanité est de plus en plus dégénérée.

      · Il y a plus de 7 ans ·
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      Marcus Volk

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