La plus belle histoire... N°1

Möly Mö

J'avais mon gros sac sur le dos, presque deux mois que je voyageais à travers le Canada. Je venais de passer deux semaines sur l'île de Vancouver, à Victoria et j'avais eu un gros coup de cœur pour l'endroit. Je venais de quitter ma compagnonne de voyage après un dernier café. J'avais mis du temps à trouver un hôte pour m'accueillir et finalement j'avais eu une réponse. Je devais avouer qu'au premier abord, en voyant le profil du jeune homme, je n'avais pas vraiment eu envie d'aller chez lui. C'est stupide parfois les préjugés qu'on peut avoir à cause de petits détails. Sa photo de profil ne m'inspirait pas, je n'y pouvais rien. Mais l'heure tournait et je n'avais nulle part où aller alors j'avais accepté.

Je parcourais donc les rues de Vancouver avec mon sac à dos qui me pesait sur les épaules, un bonnet vissé sur la tête. J'avançais dans le quartier, sûrement avec l'air égaré d'une touriste qui venait de débarquer. Je finis par trouver l'adresse et le bâtiment où vivait mon couchsurfer. Mais je n'avais plus de batterie, j'avais juste eu le temps d'annoncer l'heure à laquelle j'arriverais chez lui. Pas d'interphones, je m'assis sur les marches devant l'immeuble. Un brin fatigué et dépité.

Il finit par descendre et par ouvrir la porte d'entrée. Instantanément, dans mon esprit, je me dis « Qu'est-ce qu'il est mignon ! » et je regrettai alors toutes les idées que je m'étais faites sur sa personne. Il portait un bonnet sur sa jolie chevelure légèrement bouclée, un pull informe et il avait ce regard las et cette attitude nonchalante qui me firent craquer en une seconde. Je le suivis jusque chez lui, posai mes affaires dans la chambre et puis il me proposa d'aller boire un verre au bar près de chez lui. J'acceptai.

L'alcool aidant, les langues se déliaient plus facilement. Nous parlâmes de tout, de rien. Je me débrouillai pour me faire comprendre en anglais face à cet italien qui me faisait fondre. Après quelques verres, et un peu euphoriques, il me proposa d'aller manger quelque chose et d'acheter des bières pour aller les boire dehors.

Je me souviens encore…

Nous remontâmes dans son appartement, un peu saouls. Et il sortit du frigo un plat de spaghettis à la courgette que nous dévorâmes à même le tupperware, debout, dans la cuisine ; en riant bêtement. Puis, nous partîmes acheter ces fameuses bières au magasin d'à côté.

Il m'emmena, en bon romantique…ou du moins en bon dragueur à l'italienne ; à un des endroits qu'il aimait le plus, près de chez lui. Nous nous assîmes sur des rochers, face à la mer et à la ville de Vancouver et je dus avouer que ce fut un des plus beaux moments de ce voyage. Nous discutâmes, un moment, en se racontant, en riant. Et puis il croisa mon regard et ne le lâcha pas. Et puis, son visage se rapprocha du mien et je ne reculai pas. Et puis, ses lèvres se collèrent aux miennes et je ne les repoussai pas. Et puis on s'embrassa, un mélange de saveurs, mélange de culture, surprise du voyage.

On finit par rentrer. Et par faire l'amour…

Le reste de mon séjour chez lui fut une succession de journées doucereuses et insouciantes pendant lesquelles je n'attendais que d'être dans ses bras. Je ne fis pas grand-chose de plus, je me promenai un peu la journée mais je n'avais envie que de lui, de ses lèvres, ses yeux, de sa voix et de ses blagues sarcastiques. De sa façon de me dévorer du regard et de sa bouche. Il y eut une journée que l'on passa ensemble, il m'emmena faire un tour dans la ville de Vancouver que nous parcourûmes main dans la main. Un autre soir, nous sortîmes écouter le concert d'une de ses camarades de classe, nous rentrâmes un brin éméché ; chez lui.

Je me souviens d'avoir ri, de m'être sentie libre, légère et heureuse.

Puis, le jour de mon départ approcha, j'avais décidé de rester deux nuits de plus chez lui. C'était Halloween. Nous devions sortir avec deux autres filles qui étaient hébergées chez lui. Je l'attendis, toute seule, dans son appartement. Je ne pouvais pas sortir sans lui, sans être sûre qu'il nous rejoindrait ; sans être sûre de passer cette dernière soirée avec lui. Sans être certaine que je finirai dans ses bras. Nous fîmes la fête, toute la nuit, puis nous rentrâmes nous coucher. Le lendemain, je reprenais ma route, m'apprêtant à retraverser le Canada dans le sens inverse et, peut-être, ne plus jamais le revoir.

J'avais le cœur lourd, vraiment. Je n'avais aucune envie de le quitter, je serais restée chez lui, sans travail, sans logement ; ça m'était égal. Je ne voulais qu'une chose c'était passer le reste des jours à traîner dans son lit, à écouter « Game of love » des daft punk en le regardant fumer ses cigarettes, torse nu ; en bidouillant sur son ordinateur. Je serais restée, encore, pour rire avec lui, inventer des personnages de bande dessinée. Nous avions créé LateMan, le super héros toujours en retard pour sauver le monde. Et nous nous étions même dit que nous fêterions le nouvel an, ensemble, à Barcelone. Une idée complètement farfelue mais qui me plaisait bien.

Je me serais donnée, toute entière, à ce garçon que je connaissais à peine mais qui venait de faire exploser mon cœur en un feu d'artifices.

Je ne restai pas. Je le rejoignis au studio où il travaillait, je restai une heure là-bas avec lui puis vint le moment de se dire au revoir. Mon cœur était aussi amer qu'un gin tonic, et il battait à tout rompre comme pour s'échapper de ma poitrine et rester ici. Un dernier baiser et je m'en allai.

Sur le chemin du retour vers l'est du Canada, je ne pensai qu'à lui, lui écrivant presque tous les jours. Il hantait mes pensées, je regrettai de ne pas être restée là-bas, avec lui. Et puis, j'ai fini mon voyage et j'ai été heureuse de l'avoir poursuivi. Je n'eus aucun regret.

 

J'étais rentrée en France, j'avais retrouvé mes proches et ma petite routine. Ma vie reprenait son cours. J'étais revenue dans ma ville natale et j'avais parfois la nostalgie de ce magnifique voyage, riche en belles rencontres, en moments magiques. Et bien sûr, je pensais souvent à lui. Je n'avais plus eu de nouvelles depuis la fin de mon voyage, j'étais attristée car j'avais vraiment eu un coup de cœur pour ce bel italien. Seulement, de son côté, je n'avais été qu'un bon moment de passage. Tant pis…

Et pourtant, je ne pouvais l'enlever de mes pensées. Je lui avais réécrit et il n'avait pas répondu. Je ne pouvais me résoudre à l'idée que ces instants avec lui n'étaient que de la poudre aux yeux et qu'il n'en avait que faire de ma petite personne. Il pensait sûrement à moi…

Avant de quitter son appartement, je lui avais écrit une lettre en français que j'avais glissé au milieu de son livre préféré, qui était resté sur sa table de chevet. J'avais fait ça en me disant qu'un jour ou l'autre, en ouvrant ce livre, il tomberait dessus et repenserait à moi. Jusque-là, je n'avais pas eu de réaction de sa part, je me disais donc qu'il ne l'avait pas encore trouvée.

Et puis, soudain, nous étions le 27 décembre. Noël venait de se terminer, je savais qu'il était rentré en Italie pour passer les fêtes avec sa famille. Je ne pouvais arrêter de m'imaginer qu'il était plus prêt de moi, encore. Qu'en quelques heures, je pouvais être chez lui et lui sauter au cou. Mais il ne m'avait jamais répondu et n'avait jamais redonné de nouvelles alors je me laissai le temps de le faire disparaître de mon esprit. Lentement.

Ce jour-là, je m'ennuyai sur les réseaux sociaux, entre Facebook et YouTube. Je commençai une série, un épisode, puis deux, puis trois. Comme le temps était long, j'oscillais entre l'envie de reprendre mon sac et repartir et ma raison qui me disait de chercher du travail et renflouer mes comptes bancaires. Je fis défiler la page d'accueil de Facebook, m'attardant à peine sur la vie inintéressante des gens. Et puis je vis qu'on venait de m'envoyer un nouveau message. Mon cœur se mit à battre.

Je vis son prénom et son nom s'afficher, un rictus heureux s'afficha sur mon visage. J'ouvris le message. A sa lecture, je ne pus réprimer une joie intense. Mon frère, chez qui j'étais hébergée, ouvrit la porte de sa chambre, en s'écriant :

-          Mais ça va pas de hurler comme ça ! Qu'est-ce qui s'passe ?

-          Il m'a renvoyé un message ! m'écriai-je enjouée, il m'a renvoyé un message !

Mon frère me jeta un regard légèrement blasé.

-          Mais qui ?

-          Mon bel italien !

Il me disait qu'il avait pensé à moi, presque tous les jours, que je lui avais manqué quand j'étais partie. Qu'il avait eu l'esprit très occupé avec ses cours, qu'il avait dû faire un peu le vide dans sa tête et qu'il s'excusait de sa réponse tardive. Il me demanda mon adresse mail et me précisa qu'il avait quelque chose à m'envoyer, laissant un suspens insoutenable.

            Il ne vit ma réponse qu'à la fin de la journée et je ne reçus son mail qu'en soirée. Je vis qu'il n'y avait qu'un mot « Surprise » et une pièce jointe. Et je découvris un document, un billet d'avion pour Barcelone le 30 décembre. Je restai interloquée, je ne saisis pas tout de suite. Je le questionnai par message et il ne sut me répondre que « On se reverra bientôt. Patience.».

            J'étais mélangée entre l'excitation et l'inquiétude, je ne comprenais rien de tout cela. Est-ce que cela voulait dire que je devais, moi aussi, réserver des billets d'avion pour Barcelone et qu'on se retrouverait là-bas ? Patience, patience….c'était facile à dire. Je ne dormis pas de la nuit, je pus même terminer de regarder la saison un et deux de la série que j'avais commencé.

            Neuf heure. J'entendis mon téléphone vibrer, encore assoupie, je regardai qui m'envoyait un message de si bon matin. Le numéro était inconnu, je n'arrivai pas à lire du premier coup et compris vaguement que quelqu'un était à la gare. Prise d'un élan de panique, je me redressai et ouvris grand mes yeux. « Je suis à la gare de Vannes. Je t'attends. A tout de suite. F » Mon sang ne fit qu'un tour, je bondis hors du canapé où je dormais. Je ne pris pas la peine de déjeuner, moi qui d'habitude, aurait tué pour une tartine de pain. J'enfilai une tenue pas trop moche et arrangeai un peu mes cheveux, déposai un peu de parfum dans ma nuque et agrémentai mon visage de blush et de mascara. Et je me ruai dehors, je me mis à courir dans les rues, le cœur battant et un sourire immense illuminant mon visage. Il était là, je n'y croyais pas. C'était lui, bien sûr que c'était lui. Ce n'était pas une blague.

            J'arrivai devant la gare, un peu essoufflée et je le reconnus immédiatement. Il portait son bonnet et fumait une cigarette, une main dans la poche de son jeans. A ses pieds, un sac à dos. En me voyant arriver, il me décocha ce sourire mélancolique, qui m'avait tant fait craquer. Il écrasa sa cigarette et je lui sautai au cou. Il me fit tournoyer tout en déposant ses douces lèvres sur les miennes. Puis il plongea ses yeux dans les miens en me disant :

-          Alors, on se la fait cette escapade à Barcelone ? Moi je me suis chargée de mon billet…. 

Il sourit, d'un air moqueur, et sortit quelque chose de sa poche.

-          Enfin je veux dire….nos billets. Je te laisse le soin de nous trouver un logement décent ?

J'éclatai de rire et de joie et je l'embrassai, dévorant sa bouche avec ferveur. Il m'avait. Définitivement.

FIN

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