Hotte-toi de là Père Noël que je m'y mette

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 A feu Marc Behm

Romancier de grand talent.

      

On pouvait sentir les atomes de tension dans l'atelier de production. Et soudain l'étincelle… Lured bien sûr, la grande gueule de service. L'incorrigible empêcheur de tourner en rond. Debout sur son plan de travail, il vociférait les poings levés…Trop c'est trop ! trop c'est trop !

Les autres avaient cessé leur ouvrage, et faisaient à présent cercle autour de l'agitateur.

« Compagnons de labeur, on nous exploite, on nous lamine… Produire, produire et toujours plus vite, afin de respecter les délais au détriment de notre sécurité…cela suffit !  Votons la grève mes amis…et il verra le gros encapuchonné qui fait la loi. »

-       Ouiiiii la grève ! Une clameur enragée, unanime monta des ateliers. Tout un chacun allait de ses récriminations, de ses revendications…crescendo.

Quand une voix tonna au sein de ce charivari. C'était le gros ! « Qu'est ce qui se passe ici. C'est une révolte ! »

-       Non sire ! C'est une révolution lança débonnaire Lured. Un rire collectif embrasa alors tout l'espace.

-       Je vois ! Vous avez bien choisi votre moment. Vous savez parfaitement que cette semaine est cruciale…et vous osez vous mettre en grève. Il n'y a plus de conscience professionnelle.

-       La culpabilité, ça ne marche plus…mon gros. Où sont les intérimaires promis par l'agence Boule-emploi…où sont-ils ? éructa Lured, l'écume aux lèvres. Des promesses ! toujours des promesses !!

-       Je n'ai pas tenu parole, c'est vrai ! Mais ne vous ai-je pas toujours bien traités ?…Qui vous fait vivre… Hein !!

-       Les enfants ! C'est les enfants qui nous font vivre…s'écria Lubrik… et rien que les enfants. Vous n'êtes qu'un simple livreur, à leur botte, rien d'autre. Ne l'oubliez pas !

-       Que voulez-vous ?

-       Et d'une même voix : nous voulons respect et considération, ainsi que des cadences plus raisonnables, sans oublier le treizième mois…et une prime de productivité.

-       Bon ! Je n'ai pas d'autre choix…que de céder. Je suis pris à la gorge, et vous le savez. J'accepte toutes vos revendications. Lured venait dans mon bureau pour finaliser l'accord… Maintenant au travail ! Nous avons plus de temps à perdre en palabre, dois-je vous rappeler que c'est la dernière ligne droite..Allez zou, tous au collier.

Hourra ! hourra ! hourra ! crièrent en chœur tous les salariés.

 

« J'ai tout vérifié tout est paré pour votre tournée de chauffe. Le GPS est opérationnel, toutes les adresses ont été entrées. Mais il faudrait voir à augmenter sa mémoire…elle arrive à saturation. »

-       Merci ! Ludik, dit le Père-Noël.

L'attelage s'ébranla, et prit son envol dans la nuit étoilée de décembre. Des naseaux des six rennes une fumée blanche sortait. Un froid vif, aussi pénétrant qu'un yatagan vous glaçait littéralement les sangs.

Pour son bien-être, le Père Noël capota son traîneau, et une demi-bulle translucide alors l'enveloppa.

Vers le sud, à tout berzingue il filait survolant campagnes et villages anesthésiés par une fine couche de neige.

Ce tour de chauffe avait pour unique but, de décrasser les rennes en vue du grand soir, de la nuit magique. D'un Noël à l'autre les pauvres bêtes n'avaient pas grande occasion de mettre le nez dehors. 

Sur le velours limpide de la nuit, le traîneau glissait sans bruit. Par moments, il lâchait des « Yala ouk, yala ouk » si onctueux que les rennes en redemandaient, encore et encore.

Au bout de quelques heures de vol, le paysage se fit plus urbain. Tout un damier de constructions s'étirait sur des kilomètres, une véritable gangrène de béton et de verre reléguait toujours plus loin toute forme de nature. Et la pollution lumineuse éclipsait toute la poèsie du ciel. Vu d'en haut la ville tentaculaire ressemblait à un vaste jeu de Lego, où des vies s'emboîtaient, et se disloquaient à loisir. Mais le plus horrible était cette solitude qui imprégnait tous les interstices de la cité.

Les bêtes avaient besoin de repos, une pause s'imposait. Le Père Noël repéra d'emblée un immeuble dont le toit ferait un merveilleux héli-traîneau. 

Afin de réduire la vitesse de l'attelage, il tournoya autour de la construction en cercle concentrique. Une fois posé, il se dégourdit les jambes, et alla cajoler ses rennes… C'est bien les filles ! J'suis fiers de vous !!!  dit-il dans sa barbe drue.

Soudain, un homme trapu, ventripotent, vêtu en Père Noël  avec un GROS sac accroché dans le dos, surgit de la porte menant à la cage d'escalier, arme aux poings. L'homme se mit à fredonner une chanson de son cru…Le Père Noël pétrifié de surprise, restait coi.

 

« Suis un Père Noël spécial

Un Père Noël original

Un brin anarchiste

Qui distribue à la pelle

Des cadeaux à deux balles

Dans vos jolies bottes

 

Un Père Noël qui sabote

La nuit magique

Un Père Noël qui rabote

Vos présents ludiques

Un Père Noël qui vous mettra

Tous tous sur orbite

 

Un Père Noël qui ne vous fera pas de cadeaux

Mais qui vous offrira à coup sûr un doux repos

Eternel

Ce Noël »

 

La ritournelle se conclut par deux détonations. Du rouge sur du rouge. « Hotte-de-toi de là Père Noël, que je m'y mette » s'exclama le faux Père Noël, un rire sardonique enjolivé sa face rubiconde…et de rajouter « Je tiens à présent les rênes de votre Noël, bande de cons. »

Arrêt sur image !

Vous, vous demandez sans doute pourquoi cet olibrius a dessoudé le Père Noël de sang-froid, - n'oubliez pas que nous sommes en décembre - et comment a-t-il fait pour le trouver aussi facilement ??.................... Bon, je ne vous fais pas plus lanterner.

L'assassin du Père Noël se nomme -par pitié ne riez pas- Noël Kado.

Sa sœur Kadia, par l'entremise d'un site de rencontre : www.lutin.mutin.pasnet., rencontra un certain Lubrik, un lutin oeuvrant dans la fabrique du Gros en rouge. Lubrik lutina Katia avec assiduité...et bien évidemment s'éprit de la jeune femme. Celle-ci lui avoua que son frère rêvait de rencontrer le Père Noël depuis sa plus tendre enfance…et lui demanda de poser un traceur sur le traîneau du père HO HO HO. Vous devinez aisément la suite.

Mais pourquoi l'avoir abattu  ? Tout simplement pour assouvir une vengeance tenace,  et mener à bien ses sombres desseins d'anarchiste.

Bien qu'il s'appelât Noël Kado, jamais il ne vit pour Noël la queue d'un jouet. Il en garda une  profonde amertume. Vous pigez à présent !

L'imposteur n'eut aucun mal avec le GPS, à retrouver le chemin de la maison. Les petites mains n'y virent que du feu, même Lured le lutin syndicaliste pourtant si proche du grand encapuchonné. Comme quoi, l'habit fait bien le Père Noël !

Le vingt-quatre décembre au soir, le faux Père Noël prit son envol pour sa tournée. A l'arrière du traîneau à rallonge, des cadeaux de toute taille s'empilaient, s'empilaient jusqu'à flirter avec les étoiles. A ses pieds, trônait un sac bien ventru, rempli lui aussi à ras bord de présents « tic-tac » de tout format.

Et, au matin de Noël tous les présidents, les dictateurs et les gouvernements, TOUS sautèrent de concert. Ce fut paraît-il le plus beau Noël, pour tous les peuples de la Terre. Amen ! (les cadeaux)

 

E.Rx.

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