Huis-clos
Apolline Mariotte
Paris. Station Ségur, 7e arrondissement. Une rue calme, un dimanche. 7 heures du soir. La nuit est tombée. Dans cet immeuble haussmannien, les lumières révèlent la vie des habitants.
6e étage. L’apéritif dînatoire hebdomadaire bat son plein. Les femmes sont belles, les hommes sont sérieux. Sous les yeux des ancêtres figés dans leurs cadres, petits fours et petites bulles sont proposés en profusion. Témoins de ces rendez-vous mondains, les fauteuils Louis XV. Ils ont vu le monde se faire, la société évoluer, l’économie trembler. Les vieille France ont la cinquantaine, leurs enfants sont étudiants et occupent les chambres de bonnes du 7e.
5e étage. Mariée à un riche homme d’affaires absent, elle est oisive et s’occupe d’elle. Sport à haute dose avec un coach, dernières techniques de chirurgie esthétique. Elle avale rapidement l’assiette de fruits détoxifiants préparée par son employée de maison et file se changer. Elle enduit son visage de sérum, couvre ses mains, dont les taches commencent à trahir son âge, de crème hydratante et enfile une paire de gants. Un masque sur les paupières, elle sombre dans un sommeil régénérant. La superficielle n’a pas d’enfants, cela déforme le corps.
4e étage. Lui, est un éminent intellectuel ; elle, est issue d’une famille indienne traditionnelle. Elle porte le sari. Les rayonnages de livres envahissent les murs du salon. Les sages dînent en famille. Jamais un éclat de voix ne se fait entendre. Ils ont deux filles, deux filles douces et studieuses.
2e étage. Un veuf à la retraite campe derrière ses rideaux, une paire de jumelles à la main. Depuis son observatoire, retranché derrière ses voilages, le vieux fou espionne, à l’abri des regards. Il se délecte des activités des uns, savoure les conversations des autres. Depuis bien longtemps, ses enfants ne lui rendent plus visite.
1er étage. Lui, rentre à vélo. Il joue du piano. Quelques notes s’échappent par la fenêtre entrouverte. Elle, s’occupe de leurs deux fils. Les jeunes parents se parlent de longues heures le soir dans ce petit appartement qui respire la sérénité. Leurs deux garçons ont encore l’insouciance de l’école primaire.
Rez-de-chaussée. Elle a rentré les poubelles, arrosé son géranium. Assise sur un canapé élimé, son chat blotti sur ses genoux, elle regarde son émission préférée. Derrière ses rideaux à demi tirés, la concierge est seule. Ses enfants ont grandi, ils ont chacun fondé une famille.
La nuit se fait plus épaisse. Alors que la torpeur envahit le quartier, une lumière persiste au 3e étage. Des ombres se détachent. L’œil s’habitue à l’obscurité et distingue de plus en plus nettement les formes. Dans chaque pot suspendu au garde-corps est plantée une hache.
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:)
· Il y a presque 12 ans ·Apolline Mariotte
J'aime beaucoup la plume...et l'ambiance.
· Il y a environ 12 ans ·Mathieu Jaegert